Bleu, blanc, rouge/75

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Déom Frères, éditeurs (p. 344-346).


ESTUDIANTINA

LE BÉRET

Lorsque le blanc manteau
De la Vierge Hivernale
Coule en larme d’opale
Au noirâtre ruisseau,
Comme un gai perce-neige
Le béret des Laval
D’un sourire estival
Rayonne en l’âme allège.

Sous son béret de brume,
Le printanier soleil
Au champ donne l’éveil.
La forêt se parfume :
Et l’onde baptismale
Lave le ciel d’azur ;
Le jour se lève pur
De l’aube nuptiale.


Et le printemps sournois
À l’étudiant qui flâne
Le nez au vent, l’air crâne,
Montre un gentil minois.
Cligne de l’œil — murmure :
« Les livres sont bien lourds !
Ah ! vivent les amours !…
Le soleil !… la verdure !…

Dans sa toge azurée,
Le Printemps jouvenceau
Cache du renouveau,
L’espérance dorée :
Le chant des oiselets,
La moisson ondulante,
La source gazouillante,
Le rire des bluets !…

Toi, jeunesse étudiante,
Floraison des Avrils
Crains les poisons subtils
Flétrissant l’âme ardente.
Quand la bise morose
Effleure les bourgeons…
Neigent sur les gazons
Des folioles roses !…

Ô béret des Laval,
Symbole de vaillance,
Qu’on insulte à la France
Tu donnes le signal
De la vengeance sainte.
Étudiant sans faiblir,
Tu sais vaincre ou mourir
Et parler haut, sans crainte.

Ô béret des Laval,
Étoile rayonnante.
Je vois ta flamme errante
Émerger de l’astral.
Hélas ! plus d’une étoile,
Luciole d’un soir.
Croule en l’abime noir
Que le mystère voile !


Docteur ou magistère,
Sous le bonnet carré,
Meurt l’idéal sacré,
Les plis du front austère
Voilent le pur flambeau.
Et le glorieux rêve
Pleure sa fuite brève
Ainsi qu’un vol d’oiseau !

Que t’importe, Étudiant,
Avant que l’astre sombre
Au vaste océan d’ombre
Anime le néant
D’un fugitif rayon :
Aime la Poésie,
La Femme et la Patrie…
Creuse au ciel ton sillon !