Bourassa et l’Anti-Laurierisme/Les mains de M. Bourassa

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LES MAINS DE M. BOURASSA.


Dans un long discours prononcé par M. Henri Bourassa, aux agapes anti-libérales où M. Bourassa avait convié la fleur du nationalisme, on a surtout remarqué cette phrase !

« Messieurs, la caisse du « Devoir », comme les mains de son directeur, est nette ». Et on s’est demandé plus d’une fois, depuis, si les mains du directeur politique du « Devoir » sont en effet bien nettes.

Et plus on y pense, plus on en vient à se dire qu’elles ne le sont pas tant que cela. Je veux d’abord récrier un point. Si la phrase de M. Bourassa a une allure quelque peu neuve, ou semblant l’être, le geste, lui, est aussi vieux que le christianisme.

Un certain gouverneur de Judée, Pilate, (Ponce de son petit nom) voulant dégager sa responsabilité du meurtre le plus atroce qui ait jamais été commis, se lava les mains en disant : « Je suis innocent du sang de ce Juste ». Et depuis dix-neuf cents ans l’humanité est unanime à déclarer que le dit Pilate a encore et toujours les mains affreusement sales.

Avoir les mains nettes, pour un politicien, c’est pouvoir mettre son esprit, sa conscience, sous les yeux du public, c’est pouvoir étaler au grand jour ses actes politiques et prouver ainsi qu’il n’a rien à se reprocher.

Quant à M. Bourassa, il aurait pu tout aussi bien, se contenter de lancer le mot de Cambronne (c’est-à-dire le vrai et qui eut été plus conforme à son goût), et il n’aurait pas mieux réussi à réfuter l’accusation d’avoir mis dans sa caisse, l’argent de la ligue anti-réciprocitaire.

Et franchement, nous persistons à croire que M. Bourassa (au point de vue politique toujours) n’a pas les mains nettes.

Le chef nationaliste, depuis qu’il a quitté les rangs du parti libéral, a-t-il suivi la ligne droite ?

Non assurément. Le seul programme auquel il ait été fidèle depuis son hégire, est la lutte de corsaire, à coups d’insultes éhontées et de basses calomnies qu’il a entreprise contre le chef aimé et respecté du parti libéral, et ses principaux lieutenants.

De ce programme, il ne dévie pas. S’il change d’opinion, il accuse ses anciens amis d’avoir modifié la leur, afin de pouvoir, avec quelque semblant de raison, pouvoir leur en faire un crime. On ne peut l’accuser d’ignorer l’histoire ; en homme retors qu’il est, il la dénature à plaisir, et il croit pouvoir tout oser, certain qu’il y aura quelque jour des badauds pour l’applaudir. Il y a quelques années, on disait tout haut, que la clique castor-nationaliste puisait dans la caisse conservatrice. La chose, il convient de le dire, n’a jamais été tirée au clair ; mais l’accusation n’a été repoussée que très mollement, et les intéressés n’ont jamais songé à prouver qu’elle était mal fondée. Il est toujours resté des soupçons. On n’a jamais vu le feu, mais on sent encore la fumée.

Dans le cas actuel, M. Bourassa, encore une fois, n’a rien prouvé. Il s’est contenté de dire que le « Devoir » est libre, comme il est libre lui-même. Avouez que c’est vague. La réponse n’est pas satisfaisante.

La caisse du « Devoir » a engouffré $200,000. D’où viennent-ils ? Qui a fourni cet argent ? La caisse du journal est nette comme les mains de son directeur. Qu’est-ce que cela veut dire ? Serait-elle « nette » parce qu’on l’a déjà vidée ?

Et si elle est seulement nette comme les mains — les mains politiques si l’on peut dire — de M. Bourassa, ce n’est pas affirmer beaucoup. Le cher homme aura beau se laver les mains, il ne pourra jamais en effacer la tache de la trahison et de la plus infâme calomnie.

A. J.


LA BOMBE No 2


BORDEN — : Non, mais faut-y être, “bad lucky”, v’là la pluie qui mouille encore ma “fuse” !