Bradamante/Acte II

La bibliothèque libre.
Bradamante
Poèmes dramatiquesBordeletTome 5 (p. 523-535).
◄  Acte I
Acte III  ►


ACTE II.



Scène I.

ROGER, MARPHISE.
Roger.

Oui, ma sœur, dans ses yeux j’ai vu toute la joie
Qu’à revoir un amant un tendre cœur déploie.
Sa surprise mêlée à ses ravissemens,
Donnoit à sa beauté de nouveaux agrémens ;
Et depuis que sa foi me répond de sa flamme,
Jamais transport si doux n’avoit saisi son ame.
Il a fallu d’abord lui conter quel destin
M’avoit de son absence augmenté le chagrin.
Mon départ, de Léon rendoit la mort certaine ;
Et, lorsqu’elle a connu que contraire à ma haine,
Par d’imprévûs retours le ciel avoit permis
Qu’après nous être vus nous devinssions amis…

Marphise.

Vous, ami de Léon ? Quelle humeur inconstante…

Roger.

Vous m’allez condamner comme a fait Bradamante ;
Mais quand j’aime Léon, au lieu de me blâmer,
Voyez si je me puis défendre de l’aimer.

Marphise.

En vain cette amitié vous paroît excusable.
Par où Léon pour vous en sera-t-il capable ?
C’est vous, comme rival, qui causez ses ennuis,
C’est vous…

Roger.

C’est vous…Léon ignore encore qui je suis.

M’ayant sauvé le jour, généreux, magnanime,
Il ne connoît en moi qu’un ami qu’il estime,
Et le faux nom d’Hyppalque a caché jusqu’ici
Ce rival, dont enfin il doit être éclairci.

Marphise.

Il ne vous croit qu’Hyppalque, & de votre poursuite…

Roger.

Vous sûtes mon départ, apprenez-en la suite.
Désespéré de voir qu’Aimon trop rigoureux,
Éloignant Bradamante, eût dédaigné mes vœux,
Je regarde Léon comme auteur de l’outrage ;
Et le cœur tout rempli de ma jalouse rage,
Je pars, & dans la Grece où l’on me voit voler,
À mon espoir trahi je cherche à l’immoler ;
J’approche de Belgrade, & j’y vois deux armées,
D’une ardeur inégale au combat animées.
Les Bulgares rompus commençoient à plier,
Plus d’ordres que la peur ne leur fît oublier.
Léon qui s’assuroit déja de la victoire,
Par la mort de leur roi s’étoit couvert de gloire ;
Et d’un si rude coup ces peuples étonnés
Au désordre, à l’effroi s’étoient abandonnés ;
Tout parloit du vainqueur. La fureur dans mon ame,
À ce nom odieux, & s’excite & s’enflame,
Je plains ses ennemis, & pour les dérober
Au bras victorieux qui les fait succomber,
J’embrasse leur parti, les presse, exhorte, anime,
Verse du sang par tout, joins victime à victime ;
Et dans chaque ennemi croyant voir mon rival,
Rens aux plus fiers d’entre eux mon désespoir fatal.
J’intimide les Grecs, remplis leur camp d’alarmes ;
Et découvrant un chef que distinguent ses armes,
Je le prens pour Léon, le suis de rang en rang,
Le renverse, & le laisse expirer dans son sang.
Les Bulgares bientôt ont l’entier avantage,
Tout leur céde, & la nuit fait cesser le carnage.

Cependant la fureur dont j’étois occupé
M’ayant poussé trop loin, je suis enveloppé
Par un gros d’ennemis qui contre moi s’unissent,
Pressé de toutes parts, je céde, ils me saisissent,
Me ménent en triomphe, & rendent Constantin,
Lorsqu’il l’attend le moins, maître de mon destin.
Il veut savoir mon nom ; après un long silence
Je prens celui d’Hyppalque, & cache ma naissance.
Léon vient. Cet objet me remplit de fureur,
Et l’entendant pour moi conjurer l’empereur,
Demander qu’on me traite en guerrier magnanime,
Je réponds fierement à ces marques d’estime.
Du Palais, qui m’étoit pour prison destiné,
Dans un cachot obscur je suis bientôt mené.
Point de grace pour moi, quoique Léon l’implore.
J’avois versé le sang d’un fils de Théodore.
De Constantin son frere elle obtient aisément
Qu’on immole ma vie à son ressentiment.

Marphise.

Ah ! Que m’apprenez-vous ?

Roger.

Ah ! Que m’apprenez-vous ?La mort la plus cruelle
Pour remplir sa fureur à peine suffit-elle.
Sa vengeance médite un supplice nouveau ;
Et j’attendois la main d’un infame bourreau,
Quand un Libérateur, qu’à ma défense anime
D’une honteuse mort l’arrêt illégitime,
Vient la nuit me tirer de cet affreux séjour,
Où jamais le Soleil ne fit entrer le jour.
Le croirez-vous, ma sœur ? C’étoit Léon lui-même,
Qui me veut pour ami, demande que je l’aime ;
Et qui, dans un vaisseau, qu’il faisoit tenir prêt,
Met ma vie à couvert d’un si funeste arrêt.
Qu’un bienfait aux grands cœurs est un sensible charme !
Je veux perdre Léon, sa vertu me désarme.

S’il est jamais au Trône, il m’en donne sa foi,
L’empire est moins à lui qu’il ne doit être à moi ;
Et l’appui de mon bras, dont la valeur l’étonne,
Lui tiendra toujours lieu de plus d’une couronne.
Je m’embarque, & trouvant un malheur sans égal
À n’être plus en droit de haïr mon rival,
Confus, irrésolu, je prends diverses routes,
Je n’en choisis aucune, & les suis presque toutes,
Tant qu’enfin las d’errer, après mille dangers,
Je descends inconnu sur des bords étrangers.
Je n’y suis pas long-temps que l’on me fait entendre
Quel généreux parti Bradamante a sû prendre.
Son défi me console autant qu’il me surprend ;
Je céde plein de joie à l’espoir qu’il me rend,
Reviens soudain en France, & ma surprise augmente,
Quand je sai que Léon y combat Bradamante.
Je le croyois en Grece, où je l’avois laissé.

Marphise.

L’amour en ce combat est juge intéressé.
N’appréhendez-vous point qu’il ose la contraindre…

Roger.

Un amant bien touché peut-il aimer sans craindre ?
Bradamante vaincra, je connois sa valeur ;
Mais la voir exposée est toujours un malheur.
Léon est un guerrier, qui, fameux, redoutable,
Avant que de céder, sera de tout capable.
Son amour sans espoir, s’il ne triomphe pas,
En dépit de lui-même animera son bras.
Ce qui peut arriver me gêne, m’épouvante.
Hélas, s’il en coûtoit du sang à Bradamante !
Léon peut la blesser sans en être vainqueur.

Marphise.

Ah ! Craignez bien plutôt les blessures d’un cœur.
En faveur de Léon qui cherchoit à lui plaire,
Depuis un mois entier le combat se differe.

Elle a souffert ses soins, l’a toujours écouté.

Roger.

Moi, prendre aucun soupçon de sa fidélité ?
Après ce qu’elle a fait, ce qu’elle fait encore,
Constante, généreuse, il faut que je l’adore ;
Toujours également sa flamme se soutient,
L’absence ni les temps…

Marphise.

L’absence ni les temps…Je l’aperçois qui vient,
Parlez-lui ; mais songez qu’en cédant la victoire,
Elle s’assure un trône, & tremblez pour sa gloire.



Scène II.

BRADAMANTE, ROGER.
Bradamante.

Que vous disoit Marphise ? Elle semble douter
Qu’à l’éclat des grandeurs je veuille résister.
Le Trône où de Léon l’hymen peut me conduire,
En faveur de sa flamme a dequoi me séduire ?
À défendre vos droits je puis manquer de cœur,
Trahir votre tendresse, & souffrir un vainqueur ?

Roger.

Pardonnez-lui, Madame, un soupçon téméraire.
C’est une sœur sensible aux intérêts d’un frere.
Elle sait, connoissant l’excès de mon amour,
Qu’il faut si je vous perds, que je perde le jour.
Abandonnez Roger, je renonce à la vie.

Bradamante.

Je ne combattrois pas si j’avois cette envie.
Ce fut pour vous garder & mon cœur & ma main,
Que d’un fameux défi je formai le dessein ;
Du titre d’infidele il m’épargne la honte.
Combattant, je crains peu que Léon me surmonte.

Ce n’est qu’au seul Roger qu’on me verra souffrir
La gloire de me vaincre & de me conquérir ;
De mon cœur à lui seul le choix m’a destinée.
Cependant ce Roger m’avoit abandonnée,
Et peut-être il voudroit que Léon aujourd’hui,
Devenu mon vainqueur, me forçât d’être à lui.
Peut-être un autre amour qu’il voudroit satisfaire,
Lui feroit de ma perte une peine légere.
Du moins, lorsqu’il revient, un changement fatal
Fait que je le retrouve ami de son rival.

Roger.

Le Ciel m’en est témoin, touché de votre peine,
Je n’ai cherché Léon que pour suivre ma haine.
Armé contre ses jours, mes plus ardens desirs
Étoient de l’immoler à vos tristes soupirs ;
Mais ai-je pû garder une si noire envie,
Lors qu’ouvrant ma prison, il m’a sauvé la vie ?
Sous ce rare bienfait qui fit trembler ma foi,
Ma vengeance étouffée a langui malgré moi.
Revenant à la Cour, j’aurois de votre pere
De nouveau contre vous allumé la colere.
Ainsi de ville en ville, errant, plein de souci,
J’ai crû devoir…

Bradamante.

J’ai crû devoir…Hélas ! Peut-on aimer ainsi ?
Et qui m’assurera qu’une si longue absence
Ne marque pas en vous quelque foible inconstance ?
Un autre objet a pû, par des charmes plus doux,
Mériter que vos soins…

Roger.

Mériter que vos soins…De quoi m’accusez-vous ?
Si quelque feu nouveau me rendoit infidéle,
Quand de votre défi j’eus appris la nouvelle,
Serois-je ici venu, plein d’une vive ardeur,
Pour tenter un combat qui vous donne au vainqueur ?
Léon m’a prévenu, je le vois avec honte,
Mon arrivée ici devoit être plus prompte,

Mais, par mille accidens en chemin arrêté…

Bradamante.

Je saurai de Léon confondre la fierté ;
Et le prix qu’il aura de son injuste flamme,
Sera de succomber sous la main d’une femme.

Roger.

Ne le dédaignez point ; sur des morts entassés
J’ai vû les plus hardis par son bras terrassés.
Malgré tous leurs efforts sa valeur triomphante…

Bradamante.

Personne jusqu’ici n’a vaincu Bradamante,
Et contre cent Guerriers, d’assez nobles combats
Ont fait voir ce que peut la force de mon bras.
Ma foi donnée à celui-ci m’engage,
Et de mon ennemi quel que soit le courage
Je redouterai peu ses plus terribles coups,
Lors que je défendrai ce qui doit être à vous.
Comme je vous aurai pour témoin de ma gloire,
En vain il me voudra disputer la victoire.

Roger.

Et ne se peut-il pas…

Bradamante.

Et ne se peut-il pas…Et si l’on est vainqueur,
J’y consens, plaignez-vous d’un infidéle cœur.
Dites que me laissant flatter d’un diadême…

Roger.

Vous vaincrez, je le sai, mais enfin je vous aime ;
Et quoi que rien pour vous ne me doive troubler,
Je ne pourrai vous voir combattre sans trembler.
Ma raison aura beau repousser mes alarmes,
C’est toujours s’exposer que de prendre les armes.
Je vois le fier Léon charmé de vos appas ;
Pour ne vous point céder que n’osera-t-il pas ?
Quels efforts !

Bradamante.

Quels efforts !Ses efforts feront voir, à sa honte,
Qu’il n’est rien que pour vous mon amour ne surmonte ;

Et que pour maintenir contre d’injustes loix,
Ma parole donnée, & l’honneur de mon choix,
Dans les plus grands périls, s’il étoit nécessaire…



Scène III.

BRADAMANTE, ROGER, DORALISE.
Doralise.

Je viens vous avertir que le duc votre pere…

Bradamante.

Hé bien, que me veut-il ?

Doralise.

Hé bien, que me veut-il ?Il faut l’aller trouver.

Bradamante.

De nouveau pour le trône il me veut éprouver ;
Et, si je l’en croyois, ma facile défaite
Jetteroit sur Léon la gloire qu’il souhaite ;
Mais, dût-il contre moi redoubler son courroux,
Soyez sûr que jamais je ne serai qu’à vous.



Scène IV.

ROGER, seul.

Je ne serai qu’à vous : Ô, promesse charmante !
Quel cœur peut égaler celui de Bradamante ?
Pour me garder sa foi, je lui vois dédaigner
Un hymen glorieux qui la feroit regner.
Sceptre, trône, grandeur, pour moi tout se méprise.



Scène V.

LÉON, ROGER.
Léon.

Que vois-je ? Me trompé-je ? Ô ciel, quelle surprise !

Roger.

Seigneur.

Léon.

Seigneur.Je puis donc croire au rapport de mes yeux ?
C’est vous, mon cher Hyppalque, Hyppalque est en ces lieux ?

Roger.

J’y viens être témoin de la nouvelle gloire
Que répandra sur vous une illustre victoire.
Pour voir rendre justice à votre hommage offert,
J’apprens qu’en ce grand jour le champ vous est ouvert.
Des soins que ce projet depuis long-temps vous coûte,
Le prix a tant d’appas…

Léon.

Le prix a tant d’appas…Le prix est grand sans doute ;
Mais pour en bien juger, il faudroit comme moi
De l’excès de l’amour s’être fait une loi,
Avoir senti long-temps le charme qui m’enchante.
Ah ! Si vous connoissiez tout ce qu’est Bradamante,
Si vous-même aviez vû quels nobles sentimens
De son cœur généreux reglent les mouvemens !

Roger.

Par votre attachement je voi tout son mérite.
Et lorsque sa conquête au combat vous invite
Votre amour…

Léon.

Votre amour…Qu’il doit m’être doux & glorieux ;
S’il triomphe aujourd’hui, que ce soit à vos yeux !
Mais je veux avec vous bannir toute contrainte.

Roger.

Suis-je si malheureux que…

Léon.

Suis-je si malheureux que…Parlez-moi sans feinte.
Une étroite amitié s’est formée entre nous.
Ce qu’elle peut sur moi, le peut-elle sur vous ?

Roger.

Vous n’en sauriez douter sans me faire un outrage,
Seigneur, & s’il s’agit, par un prompt témoignage,
D’affronter cent périls…

Léon.

D’affronter cent périls…Vous pouvez m’obliger,
Mais n’appréhendez point de vous trop engager.

Roger.

Quel service assez grand pour vous me peut suffire ?
Je dois à vos bontés le jour que je respire.
Sans votre heureux secours une cruelle mort
Par une main infâme eût terminé mon sort.
Pour payer ce bienfait, expliquez-vous de grace,
Ordonnez, il n’est rien que pour vous je ne fasse.
J’en jure par la foi qu’en ce que j’ai promis
L’honneur me fait garder jusqu’à mes ennemis ;
Elle est inviolable.

Léon.

Elle est inviolable.Après cette assurance,
Je vais vous faire voir quelle est ma confiance.
J’aime, & pret d’entreprendre un important combat,
Quand je vois contre qui, mon cœur tremble & s’abat.
Pour m’épargner ce trouble & finir mes alarmes,
Il faut, Hyppalque, il faut vous cacher sous mes armes,
Combattre Bradamante, & contre elle en ce jour
Par un heureux triomphe assurer mon amour.

Je mets entre vos mains tout l’espoir de ma vie.

Roger.

De trop d’aveuglement votre estime est suivie.
Quoi, Seigneur, si l’amour fait votre unique bien,
Sur ma foible valeur…

Léon.

Sur ma foible valeur…Je ne hazarde rien.
Qui dans un camp vaincu ramene la victoire,
Ne peut pour mon amour combattre qu’avec gloire.
Vous m’avez tout promis.

Roger.

Vous m’avez tout promis.Seigneur, pensez-y mieux ;
Il faut de ce combat sortir victorieux.
Et par où plus qu’à vous me sera-t-il facile…

Léon.

Ne comptez-vous pour rien d’avoir le cœur tranquille ?
Comme vous n’aimez point, demeurant tout à vous,
Vous saurez ménager l’adresse de vos coups ;
Mais un amant peut-il attaquer ce qu’il aime,
Sans qu’il sente aussi-tôt une frayeur extrême ?
Si la gloire du prix a de quoi l’animer,
Sa main par son amour se laisse désarmer.
Au moindre coup qu’il porte, il croit commettre un crime,
La défense lui semble à peine légitime,
Il recule, il s’étonne, & son timide cœur
Ne sauroit se résoudre à vaincre son vainqueur.

Roger.

L’ardeur de vous servir m’y fait voir un doux charme.
Mais, Seigneur, l’amitié comme l’amour s’alarme ;
Et malgré tout mon zéle, il se peut que ma main…

Léon.

Non, si vous combattez, mon bonheur est certain ;
Rien ne peut empêcher le succès que j’espere.
Enfin, mon cher Hyppalque, il faut me satisfaire,
Je l’attens, le demande, & ne veux être heureux,
Que quand je tiendrai tout d’un ami généreux.

Roger.

Encore un coup, Seigneur, l’amitié trop facile
Vous fait croire de moi…

Léon.

Vous fait croire de moi…L’excuse est inutile,
Je n’écoute plus rien, & vais faire apprêter
Les armes que mon nom vous engage à porter.



Scène VI.

ROGER seul.

Non, tout ce que du ciel la plus forte colere
Contre un homme odieux est capable de faire,
Ne sauroit approcher de l’affreuse douleur
Où me tient abîmé l’excès de mon malheur.
Quoi donc ? Il faut tourner mon bras contre moi-même,
Il faut pour mon rival m’arracher ce que j’aime ?
Ma raison m’abandonne, & dans ce dur revers,
Interdit, accablé, je m’égare & me perds.
Ô promesse, ô parole imprudemment donnée !
Infortuné Roger, remplis ta destinée,
Renonce à ton amour, & trop parfait ami
Va rendre de Léon le bonheur affermi ;
Va combattre, & gagnant une indigne victoire,
Aspire à te couvrir d’une honteuse gloire.
Ton nom sera fameux, lorsqu’un combat fatal
T’aura fait triompher pour servir ton rival.
Tu vaincras ? Ah ! Plûtôt, va mourir, & présente
Ton cœur, ton triste cœur au fer de Bradamante.
Par ton sang répandu, c’est à toi d’expier
Le serment qui t’engage à la sacrifier.
Lors qu’à vaincre Léon son courage s’apprête,
C’est pour se réserver à se voir ta conquête,

Et toi, loin que sa perte ait de quoi t’étonner,
Tu ne veux l’acquérir qu’afin de la donner.
Mais peux-tu, quoi qu’enfin ton amour s’en offense,
Manquer sans infamie à la reconnoissance,
Violer ta parole, & montrer lâchement
Que tu fais tout céder au plaisir d’être amant ?
N’examine plus rien, & cours à ton supplice ;
Tu l’as promis, il faut paroître dans la lice.
Quoi que puisse la gloire avec tous ses appas,
Espérons en l’amour, il conduira mon bras.