Brassée de faits/02

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Collection des Orties blanches (Jean Fort) (p. 15-69).

II

LE COUP DE FOUDRE

Ceci est une histoire montmartroise que notre ami a retrouvée pour nous un soir qu’il tisonnait dans ses souvenirs.

Il était une fois une charmante demoiselle blonde de dix-sept printemps, dactylo de son état en ce temps, fort peu lointain, et qui, près de la Place Dancourt, demeurait avec père et mère, alors que, sur le même carré habitait une maman dont la fillette comptait neuf ans, à l’époque où commence cet édifiant récit.

Brune, assez grande pour son âge, les membres bien formés, la petite était jolie. Rien d’étonnant à cela, car elle ressemblait trait pour trait à sa mère. Au sujet de papa, personne de la maison ne savait rien, pour la bonne raison qu’il n’avait jamais existé, officiellement parlant.

Or, comme la maman que nous appellerons madame Mary, se tenait très bien et ne faisait pas parler d’elle, monsieur et madame Loiseau, les parents de Raymonde, notre dactylo, autorisaient leur fille à la fréquenter. Raymonde en effet s’était liée d’amitié avec madame Mary et la petite Renée avait ingénûment servi de trait d’union entre la jolie femme et la non moins jolie jeune fille.

C’est en se rencontrant dans l’escalier que Raymonde et Renée firent connaissance et devinrent une paire d’amies, malgré leur différence d’âge et alors que l’immeuble du numéro six n’abritait pas encore depuis quinze jours les Loiseau. Bientôt, la dactylo passa, après son dîner, les soirées chez l’aimable voisine, puis tout ou partie de ses après-midi des samedis, de ses dimanches. Madame Mary, bien plus ancienne locataire, se donnait comme petite rentière, veuve. Elle restait la plupart du temps dans son intérieur, ne recevait personne et s’absentait rarement, une ou deux fois chaque semaine. Ces jours-là, laissant seule sa fillette, revenue de l’école, à ses devoirs, à ses leçons, elle rentrait pour le dîner, pomponnée comme à son départ ; seulement, parfumée davantage, elle embaumait tout l’escalier des plus suaves produits de l’Arabie ou d’autres contrées odorifiques plus à la page.

La petite Renée, gentille enfant s’il en fut jamais, vivait tout de même de nombreux jours où des corrections s’imposaient. Ces corrections, toujours et toujours, consistaient en petites fessées, quelquefois pas si petites que cela, car, pour dire le vrai, quoiqu’elles variassent pourtant entre elles, ce n’était que par l’adjectif susceptible de les qualifier.

Madame Mary devait être persuadée que les fessées sont indispensables aux petites filles, car elle prêchait d’exemple, et elle possédait d’ailleurs une grâce toute particulière à les administrer à la fillette.

À tel point que, dès les premiers jours où elle fit assister à une scène de ce genre mademoiselle Raymonde, celle-ci s’enthousiasma devant l’harmonieux groupe formé par Renée et sa jeune maman. De la délicieuse enfant grouillaient nues les cuisses grassouillettes et les fesses adorablement dodues. Émergeant, blanches, lactées, du blanc entourage de la chemise levée et de la petite culotte abaissée, les exquises petites fesses apparaissaient fraîches à voir, telles un bouquet de fleurs d’oranger bordé de sa collerette de papier.

Le spectacle était nouveau pour Raymonde. La correction d’abord des plus légères, puis assez forte, s’endurait sans peine jusqu’au bout. Et même avec le sourire, à la fin encore. Les claques, bénignes ou vives, tombaient en pluie d’un main sans doute trop potelée pour être cruelle quand elle y prenait garde, et les rondeurs agiles de la petite Renée semblaient n’avoir rougi que de plaisir en se trémoussant aussi gaiement. Bien que l’aveu puisse surprendre, pour la première fois de sa vie elle voyait administrer un fessée à un être humain autre qu’un bébé. Oui, jusque-là, Raymonde n’avait vu fouetter à nu que des tout petits et si ces exécutions, observées soit au square Saint-Pierre, soit chez des parents ou des amis de sa famille, ne manquaient pas totalement pour elle d’agrément, le piquant faisait quand même défaut à ces exhibitions par trop puériles de derrières banalement joufflus autant que banalement claqués.

Mais, avec Renée, quelle différence ! Outre la beauté du nu aperçu, ç’avait été de tels tiraillements et serrages de fesses révélant soudain un charme combien inconnu jusqu’ici, que quoique la fessée eût été longue, elle regrettait que la maman ne la fît pas durer davantage pour son ravissement croissant.

Rentrée au domicile familial, elle y pensa tellement, quand elle fut couchée, qu’à son éveil, le lendemain matin, elle bouillait d’impatience d’éprouver une joie semblable. Ses yeux candides, la réclamaient ardemment, aussi prochaine que possible. Et, à cette impatience se mêlait un désir secret qu’elle osait à peine s’avouer et qui était une envie folle, laquelle aussitôt germée, se développait et, dévorante, l’envahissait toute…

Et un étonnement, une stupeur lui venaient de ce désir, de cette folle envie et la plongeaient dans un trouble profond, sur lequel se concentraient ses virginales facultés d’analyse et qui, la veille au soir, l’avait tenue agitée, retardant le moment du sommeil et peuplant le reste de sa nuit de rêves singuliers. Comment se demandait-elle, le matin, comment se faisait-il que Renée, non seulement n’eût pas pleuré, mais encore eût formellement paru se plaire à la réception du châtiment réputé si fâcheux ? Pourquoi, à neuf ans, éprouvait-elle cette joie à recevoir la fessée tant redoutée dont l’annonce seule épouvante les bambines ? Quoi donc ? À partir de neuf ans, cela devient donc un plaisir d’être claquée à nu sur les fesses par une main potelée ?

Mais, ne convient-il pas maintenant de laisser Raymonde parler elle-même ? C’est-à-dire, au point où nous en sommes, n’est-il pas préférable de transcrire purement et simplement une tranche de sa confession, dans les termes où s’efforça de la reproduire, sans phrases ni fioritures, l’ami des ferventes du Fouet, leur strict historiographe, dans l’oreille de qui devait s’épancher, quelques années après, une pécheresse entre toutes écoutée avec fruit ? À défaut d’autres avantages pour le lecteur, ce dont en tout cas celui-ci pourrait seul juger, une telle méthode apporte à l’auteur une ressource inappréciable, en lui fournissant le moyen de décliner toute responsabilité relativement aux théories émises qui parfois peuvent sembler bizarres et même déconcertantes.

C’est cet aveu dépouillé d’artifices qui nous pousse, sans plus attendre, à céder la parole à mademoiselle Raymonde.

— Personnellement, jamais avec maman je n’avais passé par la fessée. Ni avec papa, à plus forte raison. Lui, c’était l’homme austère. Sa profession, d’ailleurs, lui imposait un decorum, une tenue dont, même à la maison, il ne se départissait pas un instant. Quant à maman, à force de vivre avec lui, elle prenait de plus en plus son genre, ses goûts. Non seulement, chez papa et maman, il ne fut jamais question pour moi de recevoir une fessée de l’un ou de l’autre, mais je crois que je n’entendis jamais prononcer par eux ce mot. Pour être inspecteur dans un magasin comme celui-là, il faut avoir une tenue hors ligne. Du matin au soir, il veillait à celle du personnel et aussi à la tenue de la clientèle se composant de pas mal de grues. La conscience de son rôle augmentait sa roideur naturelle. Chez nous, il n’enlevait son faux-col que pour se coucher. Même en veston pour dîner, on l’aurait crû toujours en redingote et l’on cherchait sa cravate blanche qui était de règle dans ses fonctions, mais que tout de même il remplaçait, sa journée finie.

Un ami qui venait souvent lui disait qu’il avait l’air d’avoir avalé sa canne, tellement il se tenait droit. Grand comme il l’était, il représentait. Du reste, les inspecteurs sont choisis : ne l’est pas qui veut. Il en faut de la prestance ! Aussi, maman en pinçait : cela se voyait, qu’elle en était fière. Ce sont de beaux hommes, les inspecteurs ! et il n’y a que les ordonnateurs des pompes funèbres qui soient aussi réputés. S’il l’avait voulu, papa, c’est tous les jours qu’il aurait fait un levage et maman à qui il l’avait dit s’alarmait de le savoir parmi tant de poules dont la plupart en mal d’amour.

Pour en revenir à la fessée, pas plus à l’école qu’à la maison. Et n’ayant pas les idées portées là-dessus, je n’abordais pas ce sujet avec les camarades. Il s’en trouvait, sans aucun doute, qui la recevaient chez elles ; mais on n’en parlait nullement dans mon groupe de copines. Depuis, je me suis rappelé une condisciple, la fille d’une marchande de parapluies dont la boutique touchait l’école. On savait que sa mère, très sévère, la battait. Et souvent. Quoique personne ne m’ait dit de quelle façon, je crois deviner maintenant de quoi il retournait quand, en première, la maîtresse l’interpellait tout haut et faisait certaines allusions dont devenait pivoine la grande fille, qui baissait, honteuse, le nez sur son cahier. Le sens de ces allusions m’apparaît des plus clairs aujourd’hui. Mais alors, je croyais que c’était d’une paire de calottes toutes récentes que lui ravivait le souvenir à peine refroidi cette rosse de demoiselle Hortense. Évoquée en pleine classe, je trouvais suffisamment vexant un simple souvenir de calottes et cela légitimait, vu l’âge de la camarade, le fard qu’elle piquait instantanément lui empourprant les joues et remarqué des trente-huit bonnes pièces que nous étions.

Je parle des joues d’en haut : les autres, ses joues d’en bas, car c’est ainsi que des écrivains sans respect dénomment quelquefois nos fesses, je ne les ai pas vues ; mais, je certifie qu’elle en possédait et qu’à la main de sa mère se présentait un sérieux derrière à claquer. Quand après quelque récidive de faute, mademoiselle Hortense, avec son rire méchant d’ordinaire, mais cette fois plus méchant encore, la prévenait que sa mère le saurait tout à l’heure et « qu’il lui en cuirait comme d’habitude » ou bien que « sa petite correction de ce soir serait aussi soignée que, celle d’hier » ou « aussi cuisante que la dernière », c’était des fessées et rien que des fessées qu’elle lui annonçait.

L’adjectif « cuisant » dont elle usait avec insistance l’indique bien.

Étaient-ce des fessées manuelles ou administrées avec une verge, un martinet ? Voilà, à mon avis, le seul point restant douteux. Mais, en tout cas, c’en devait être des bonnes.

J’ai l’impression que c’était avec la main. Si je dis cela, c’est que je connaissais de vue la mère qui, souvent, à la sortie se montrait sur le seuil de sa boutique et regardait défiler les élèves. Une grande, forte femme, hommasse, qui à cause de ses allures plutôt masculines, de ses traits marqués et de son air dur, je m’imagine préférant claquer. L’emploi de la main plaît aux fortes fesseuses, de même qu’aux forts fesseurs, car dans les deux sexes c’est bien pareil. Avec la main, on accentue à volonté l’effet de la fessée, on juge à chaque claque de cet effet et, en durcissant la main, on peut à volonté le rendre très douloureux.

De toute façon, quand elle fessait, elle devait fesser ferme ; mais, au cas de fessées manuelles, avec sa vigueur corporelle et l’énergie, la violence peinte sur sa figure, combien je les devine fortement appliquées, combien facilement je les crois cuisantes, les rudes claquées de cette brutale !

Ah ! que ne puis-je retourner à l’école, initiée ainsi que je le suis ! J’aimerais à me renseigner auprès des fillettes, surtout de celles au-dessus de douze ans, Parmi elles, bien plus qu’on ne pense, il en est que l’on fesse. J’en suis sûre. Et on n’a pas tort : c’est dans leur intérêt. Je regrette bien, moi, de n’avoir pas connu cela.

Vers mes quatorze ans, quinze ans, quel bien cela m’aurait fait ! Heureusement que toutes les mères ne sont pas comme maman et qu’il s’en trouve ne se privant guère de les fesser, ces demoiselles. Et il se trouve des pères aussi. Du reste, j’en connais qui me l’ont dit.

C’est des pères que je parle. J’en sais un surtout, un bon petit ami à moi : il me le raconte quand il vient me voir. Il a trois filles, le veinard ! Je me doute de ce qu’elle prennent, je connais sa manière.

Les papas déculotteurs et fesseurs de leurs filles, à treize ans, quatorze ans encore ne sont pas rares. Parmi mes copines de maintenant, plusieurs m’ont certifié que pour elles fut dépassée cette limite d’âge.

Nous, nous ne fréquentions personne, autant dire. Aucune famille à nombreux enfants ; c’est d’ailleurs si rare. Des collègues à papa qui en avaient peu ou même pas du tout, mariés à des employées de la maison pour la plupart.

Donc, bien éveillée à douze ans, si l’on peut appeler être éveillée que de commencer à se sentir, mon ignorance dépassait les bornes permises à dix-sept. Tout d’un coup, voilà que cela m’impressionne de façon extraordinaire de voir fesser cette môme. Je n’étais plus la petite oie blanche, j’avais lu des romans, avec des amies d’école, la dernière année, et avec des amies de cours ensuite, on avait parlé de l’amour. Mais la flagellation comme passion m’était totalement ignorée. Je ne connaissais même pas ce terme-là et si je l’avais rencontré imprimé, je n’avais pas compris qu’il s’agissait de fessées, mais plutôt de supplice analogue à la Flagellation de Notre-Seigneur, par exemple. Bref, il n’est pas possible d’être plus fermée que moi, à un point vraiment inimaginable, n’ayant rien vu ni même lu le moindre livre traitant un sujet qui, bientôt, me conquerrait à jamais.

Madame Mary ne m’en parla pas spécialement non plus les premières fois que j’allai chez elle. Si mes parents me la laissaient fréquenter, c’est d’abord parce qu’elle était une bonne cliente du magasin. Chaque semaine, il y avait pour elle un ou deux envois. Rarement un seul, le plus régulièrement deux, parfois trois. Elle se fournissait à tous les rayons. Ensuite cette tenue qu’elle avait ! Aux yeux de papa, aux yeux de maman, rien au-dessus de cela. Moi, je soupçonnais bien quelque chose, le voyant si coquette, la figure tellement faite. Mais, sous les yeux de papa en défilaient tant de comme cela, des poules, toute la sainte journée, dans son magasin ! Enfin, il avait le bandeau et maman, elle, ne voyait que par lui. Du moment qu’il décrétait que la voisine avait de la tenue, il avait tout dit.

Et puis, elle demeurait dans la maison. Donc, je ne m’absentais pas, je ne risquais pas de mauvaise rencontre dans la rue et cela les rassurait.

J’arrive à cette première fessée de gosse qu’il me fut donné de voir.

Un vendredi soir de mai, à neuf heures moins le quart, aussitôt après le dîner, je dis à maman que je vais chez la voisine finir un chapeau.

C’est Renée qui m’ouvre. Nous nous embrassons elle est riante à son ordinaire et rien ne me fait deviner quoi que ce soit de particulier. Je la suis dans la chambre à coucher, tout au fond de l’appartement. Sa mère s’y tient de préférence pour travailler. Elle y a sa table à ouvrage.

Coquette comme toujours, dans une robe chemise prune d’intérieur, sans manches, qu’elle s’est réussie ces jours-ci, sur un patron par moi prêté, et qui l’écourte au ras du genou, elle est appétissante avec sa riche carnation, sa physionomie piquante et grave à la fois, ses yeux câlins et autoritaires tour à tour. J’ai du bonheur à embrasser ses joues fermes. Les premiers jours je lui trouvais la bouche trop rouge dans son visage si blanc, mais je m’y faisais : cela lui allait, de même que la dureté qu’elle avait facilement quand elle voulait, dans le regard, en me regardant, par moments. Grande comme moi, à un centimètre près. À l’époque, moi, sensiblement moins forte que maintenant, je pesais dans les cent dix. Pour ma grandeur, j’étais donc mince. Elle, sans être grosse, un peu massive, avec un torse magnifique respirant la vigueur et que portaient avec aisance ses belles hanches larges, mais larges sans excès. Des jambes superbes, la cheville un peu forte : voilà leur seul défaut, et encore, cela ne nuisait pas à leur ligne. Bordelaise, l’accent de son pays, gardé quelque peu, m’amusait. Je lui trouvais l’air d’une lutteuse. Le lui ayant dit, elle en riait, en roulant des yeux terribles, et, me montrant ses bras, ses mains, me disait de prendre garde, que « je verrais cela ».

Du reste, elle était d’une force incroyable pour une femme : je ne le savais pas encore.

Elle avait des bras de toute beauté et que j’aimais à voir nus, selon son habitude. Je ne me lassais pas de les regarder, de les admirer, ses gros bras blancs de statue.

Si j’étais mince, surtout plus encore de corps qu’à présent, j’avais des jambes déjà, de bonnes cuisses, avec les mollets fins encore, mais des fesses, de bonnes fesses. C’est à partir de ce jour-là que j’y ai fait attention, que je les ai regardées, de plus en plus avec fierté. Une bonne paire tout à fait. Pour la fermeté, c’était déjà irréprochable, cela j’en réponds, car je ne tardai pas à être fixée là-dessus.

À mon arrivée dans sa chambre, en train de draper le sien — de chapeau — elle me dit :

— Vous arrivez bien : je m’apprêtais à corriger la petite. Mais, j’attendrai que nous ayons pris le café.

Oh ! le café ! c’était la règle. Elle m’en offrait une tasse, chaque fois. Je l’adorais, elle aussi, et elle le faisait dans la divinité.

Sur un guéridon, il mijotait dans une cafetière russe. Elle le sert, nous ne nous pressons pas, nous le sirotons et, ce jour-là, il me semble meilleur encore, si possible.

Après un court débat sur la garniture, cerise ou souci la voilà qui reprend :

— Oui, je me préparais à lui donner la fessée.

Sur le moment, je parais surprise. Souvent, je l’avais entendue, à chaque visite, peut-être bien, la menacer d’une fessée ; mais je prenais cela pour une menace illusoire et vaine, un de ces propos en l’air, de ces clichés qui n’ont nulle valeur effective. Cette fois c’était donc sérieux. Elle poursuit :

— Il lui en faut, à cette petite, des fessées ! Des fessées, déjà !…

Elle me regarde en riant. Moi, ignorante, je ris aussi et je ne remarque pas l’expression de ses yeux. Ce n’est qu’après, en y repensant, que je l’ai remarquée, l’expression de ses yeux qui vrillaient les miens. Le mot : déjà me frappa-t-il quand je l’entendis prononcer ? En tout cas, je ne lui attachai nul sens particulier. Ce n’est que plus tard, comme j’aurai à le dire.

Elle continue, avec son accent chantant :

— C’est que cela fait tant de bien, une bonne fessée ? n’est-ce pas, Renée ?… Mais, elle est encore trop jeune…

Les six derniers mots, elle les a dits à mi-voix, en se penchant à mon oreille et un sourire accompagne son regard, l’un et l’autre chargés de je ne sais quelle malice, contenue aussi dans une réticence dont m’échappe la cause. Mais, cela ne fait rien, je ris également. Depuis six mois que je travaille dans un bureau, il m’arrive souvent de faire celle qui comprend, alors que je ne saisis rien de rien de ce qui amuse les autres et les fait se tordre : une blague risquée, un mot osé.

Renée ne prend pas de café. Sa mère lui trempe un canard et la mignonne tend sa petite bouche.

La belle petite fille ! Sous la jupe courte, sa mère lui tapote le derrière qui doit être joliment rondelet s’il est solidaire de jambes aussi bien tournées, rappelant celles de la maman.

Madame Mary la laisse savourer son canard debout près d’elle et la tapote toujours. Les claquements sur la culotte tendue, je les perçois d’abord comme l’applaudissement discret de mains gantées ; puis l’applaudissement devient vite plus chaleureux et comme si les mains étaient nues les bravos maintenant crépitent.

Renée ricane. Sa mère, sans se lever, s’écarte du guéridon et de moi en même temps, se recule avec sa chaise et c’est pour disposer la petite à bonne fin, comme, au square, la nounou traditionnellement installe le bébé à châtier.

Elle l’étend, allongée, sur ses cuisses et Renée se laisse placer, sans résistance. Ses bonnes cuisses, ses bons mollets sont jolis à voir, dans la transparence des bas saumon. J’y retrouve déjà, tout à fait, la forme maternelle.

Je suis assise en face, à deux pas. Le retroussage de la robe vert d’eau à fleurettes mauves, me montre, moulées dans la culotte de nansouk qui joue la mousseline, des rondeurs parfaites de relief et de dessin. La culotte est si courte que je vois tout des cuisses fortes. Elle recouvre juste les fesses, relevée sur le côté en sabot.

Le nu au-dessus du haut des bas est blanc, presque autant que le nansouk et c’est charmant.

Mais la main s’élève et plane. Les belles rondeurs qui se dessinent comme si elles étaient nues, se serrent dans l’attente.

Mon Dieu, que c’est donc joli !

Et qu’elle est potelée, cette main ! et que son geste est gracieux, ployée en col de cygne sur le poignet…

Vlan !… elle s’abat avec un bruit éclatant, qui désormais sera le plus agréable de tous ceux qui tinteront jamais à mon oreille.

Sous la claque qui semble l’avoir cinglée vivement, Renée a sauté en l’air, sur les genoux qui la soutiennent et elle n’arrête pas de sauter maintenant, car les claques non moins vives qui tombent en pluie se succèdent sans interruption.

Oh ! qu’elle se démène ! Qu’elle les fait aller, ses fesses, ses belles petites fesses dans l’incroyable agitation de ses jambes, bien à l’aise pour les mouvoir, dans cette position ! Que c’est joli à voir, une fessée ! que c’est joli !

Mais, cela n’a pas l’air de faire grand mal. Les contorsions de Renée le démontrent. On dirait plutôt qu’elle se fait un jeu de gambader.

La mère ne cesse de me regarder. Quand, quittant une demi-seconde le derrière tressautant qui m’enchante, mes yeux se lèvent, ils rencontrent les siens, toujours. Ma joie les amuse et leur plaît, car ils sont joyeux, eux aussi.

Mais, Madame Mary s’arrête de claquer. Je crois que c’est fini. La scène m’a charmée positivement et, de nul autre spectacle, je n’ai encore été aussi remuée.

Je me suis trompée. Cela ne fait que commencer, au contraire. Cet arrêt n’est qu’un entracte, pendant lequel la main qui vient de fesser, aidée de l’autre qui retenait la mignonne, s’occupe pour donner plus d’intérêt encore et maintenant toute sa beauté au spectacle qui ne tardera guère à continuer.

Cela a été vite fait : la petite culotte est abaissée. La voici arrangée comme il faut : en bas, et sur les côtés un peu, elle encadre de blanc la chair ivoirine, rejoignant, à droite et à gauche, la petite chemise qui, elle relevée découvre les reins bordés de son retroussis léger que, de leur bout, les doigts poussent ou ramènent avec art, ici ou là.

C’était bien joli, tout à l’heure, mais que ce l’est plus encore, tout nu, un derrière bien fait ! Oh ! les amours de petites fesses ! Qui m’eût dit qu’avaient une telle beauté des fesses de neuf ans !

Ah ! je peux les bien contempler. On me les laisse explorer de mes yeux curieux. Oui, curieux et uniquement curieux. Car, pour l’instant, rien d’autre ne se mêle à mon plaisir visuel. Seule, la vue de ces fesses d’enfant me transporte et emplit, d’une joie profonde qui le chauffe, mon cœur, mon cœur vierge !

La main potelée les claque, maintenant nues, les petites fesses et, à ce bruit plus strident, mon tympan vibre plus fort et une joie, devenue plus âpre, bouillonne en moi. Quelle musique j’écoute, quelle musique pénétrante me verse, s’appliquant preste, nerveuse et cinglante, la main qu’anime et excite la chair ferme d’une fillette riche en sève, d’une fillette qui, très en avance sur son âge, est déjà capable de serrer dur les fesses !

Et pendant que se délecte mon oreille, quel régal pour mes yeux que le rose exquis qui rosit la peau fine ! Oh ! le délicat panachage de tons tendres et frais qu’est donc une fessée de fillette ! Je le concède sans peine à certains amateurs qui placent ce régal subtil au-dessus de tout et jugent grossières en comparaison les fessées de femmes faites.

Quand elle s’arrête, Madame Mary l’enlevant dans ses bras, porte la petite à son lit, dans la chambre voisine. J’entends le bruit de baisers maternels suivis de deux bonnes claques encore.

Me levant, je me prépare à garnir mon chapeau, en proie à un trouble étrange et délicieux.

Soudain, je devine plutôt que je n’entends que revenue, elle se tient derrière moi. Je ne sais ce qui m’avertit de sa présence…

Tout d’un coup, que se passe-t-il en moi ? je ne sais au juste ce que j’attends, ce que j’espère qu’elle va me faire, à quel geste hardi elle va se livrer, mais quoi qu’elle ose, je la laisserai agir… Qu’elle dispose à son gré de tout mon être !…

Quel bonheur ! Je sens ses mains, les deux ensemble, me prendre la taille. Oui, c’est bien cela, elle s’empare de moi comme elle s’est emparée de Renée. Dans le même but, sans doute ? Oh ! cette femme si forte qui vient de fesser une enfant, va-t-elle me traiter comme une enfant, moi aussi ? N’est-ce pas là ce qu’elle projette ? Une de ses mains quitte ma taille et descend, se pose sur ma chair, qui se crispe et s’en saisit…

Je ne me suis pas trompée : le geste précise son dessein. Que me plaît donc cet acte significatif dont s’accentue la franchise ! La main librement tâte mes rondeurs, les palpe. Oui, en ce moment, il n’est point d’autre expression à employer, elle me pelote les fesses. Mais, loin de m’en hérisser d’émoi indigné, comme lorsqu’il m’arrive de me sentir ainsi empoigner, dans la cohue du métro, par un de ces malappris qui ne manquent pas, cette fois, au contraire, une telle privauté me ravit. Je la devine le prélude d’une autre, plus osée, à laquelle d’avance ma volonté consent ; d’une autre, qui m’apprendra ce que je brûle de savoir ; d’une autre qui me révélera une sensation que je veux éprouver, moi aussi, comme Renée que j’envie ! Et ses lèvres, qui se posent sur mon cou, en haut, derrière l’oreille, me font frémir de la tête aux pieds. Dans un frisson qui achèverait ma défaite si jamais j’avais songé à résister…

Mais non, il y a erreur. Ce n’est rien de cela, hélas ! Madame Mary détache ses mains de moi, la gauche comme la droite. La droite qui les pelotait si ouvertement, si résolument, abandonne mes fesses déçues qui, tout le long moment où s’affirmait la prise de possession, s’offraient, se donnaient crispées d’espoir.

Nous nous asseyons. À présent, en face l’une de l’autre, nous chiffonnons le satin et la soie. Pendant un court débat sur les garnitures, je regarde sa main qui vient de claquer à nu la chair enfantine et de pétrir ensuite au travers d’une jupe combien mince, la mienne, docile autant mais autrement profuse.

Je la vois, cette main, manier le satin. C’en est un déjà qu’ont offert à son toucher ces fesses de fillette, le satin des miennes ne serait pas moins doux…

Je ne sais ce que je réponds à ses demandes de conseils au sujet d’un nœud à placer. Je n’y suis plus du tout : ma voix me fait l’effet d’une voix étrangère. Je ne cesse d’admirer la souplesse de la main qui claquait si bien l’heureuse gamine. J’en connaissais la douceur et la caresse, de cette main serrée par moi plus d’une fois ; mais, l’ayant vue à l’œuvre, je la sais à présent douée aussi de vigueur et de fermeté, la main grasse et potelée. Ses doigts renflés, sa paume charnue ont dans leur moelleux la force qu’il faut pour claquer à grand éclat des fesses qui se serrent, cinglées de haut, et les faire tressauter, palpitantes. À la fessée, à la bonne fessée qui tant animait les fesses d’une enfant, celles d’une grande jeune fille, une femme bientôt, seraient-elles moins sensibles, resteraient-elles inertes ? Les mots qu’elle a dits tout à l’heure me reviennent, ceux dont je n’avais pas compris le sens caché : « elle est encore bien jeune ». Qu’a-t-elle voulu dire ? Hélas ! hélas ! je ne comprends pas encore, je comprends de moins en moins.

Je suis honteuse maintenant de la pensée que j’ai eue un instant. C’est que je suis si enfant encore ! malgré mes dix-sept ans, si jeune de caractère ! Papa, maman m’appellent « la gosse ! »

Oui, j’en suis une. J’ai honte, j’ai honte. Je n’ose regarder Madame Mary dont pèse le regard sur mon visage qui rougit. Il doit être, mon visage de gosse, de la couleur des fesses de Renée, à la dernière claque.

Mais, après un moment de silence, madame Mary parle. Je lève les yeux, les siens me scrutent et descendent en moi. Sûrement, elle y lit à livre ouvert. Ils rient, ses yeux. C’est bien cela : c’est le rouge de mes joues brûlantes qui les fait rire. Il leur rappelle le ton ardent dont se pare la peau des gamines fessées.

Mais quoi ? Ce n’est plus de chapeaux, de formes, de rubans, de flots, de nœuds que Mary me parle. C’est de la fessée de Renée.

Elle me demande comment j’ai trouvé sa façon de gigoter, si j’en ai vu beaucoup de fillettes comme elle, d’aussi vives et pétulantes sous les claques qui cinglent ? C’est une conversation qui me grise, m’affole. Elle me parle de fessées, rien que de cela. De celles qu’elle donne à sa petite, de celles qu’elle compte lui donner de plus en plus souvent et de plus en plus fort. Elle compte bien la fesser ferme quand elle aura mon âge et c’est alors que Renée les appréciera, ses bonnes fessées et en tirera profit. Ah ! infiniment davantage qu’à neuf ans et même qu’à quatorze et quinze, où les filles pourtant sentent puissamment parfois le bien que leur font les fessées soignées qui, infusant en elles la santé, régularisent en la stimulant l’ardeur de leur sang et calment, seules, quand il le faut et aussi souvent qu’en revient le besoin, serait-il journalier, leurs nerfs surexcités et chassent pour un temps leurs idées malsaines, génératrices toujours de gestes coupables, encore plus nuisibles en secret dans la solitude que réciproques, avec une compagne…

Le geste a souligné les mots : fessée soignée. Sa main s’élève, s’étale, les doigts étendus, rebroussés, comme prête à claquer des fesses de vicieuse. Et moi, je serre les miennes, moi qui en suis une.

Elle me demande si je ne l’ai pas éprouvé, le bien être profond amené par une forte fessée opportune qui m’a rougi violemment la peau et m’a fait haleter, mais non de seule douleur, en me débattant sur les genoux de ma mère, me claquant à toute volée comme il les faut claquer les filles dont, le matin, l’œil apparaît cerné ?

Quand je lui réponds que jamais, jamais, je n’ai reçu de fessée, elle en tombe des nues.

Stupéfaite, elle refuse de le croire. Comment ? une jolie fille comme moi ? Une jolie fille aux si belles fesses ? Car, elle les connaît bien mes fesses ! Bien avant de les avoir palpées et pétries comme elle vient de le faire elle y avait touché, elles les avait tâtées et évaluées à merveille, à chacune de mes visites.

Comment ? je ne m’en étais pas aperçue ? Est-il possible ? Mais, dès le premier jour. Et avant cela, elle savait comment je les avais faites. Elle m’avait remarquée, à mon arrivée dans la maison. De ses fenêtres, elle m’observait, marchant dans la rue, traversant la cour et n’avait-elle pas monté souvent l’escalier derrière moi ? Avec ces jupes qui plaquent, l’on en juge aisément de la forme des fesses dont s’ornent les jolies filles. La mode du jour n’attire-elle pas le regard sur les rondeurs qu’elle se plaît à dessiner, à accuser ?

Et ce n’est pas leur forme qu’elle avait seulement appréciée, dans mes belles fesses amples et remuantes mais aussi leur qualité. Elles sont fermes, supérieurement. De cela aussi, elles s’est rendu compte, dès la première soirée passée par moi chez elle. N’ai-je donc pas senti que sa main s’appuyait, parfois ostensiblement pressante, quand elle passait derrière moi, servant le café ou me reconduisant au départ, ou déjà même à mon entrée ?

Oh ! oui, j’en possède de belles fesses, une riche paire merveilleusement faites et merveilleusement fermes. Aussi, lui semble-t-il inconcevable que je n’aie jamais reçu de fessées. Car, rien ne vaut cela pour les développer. Elle en fréquente des jeunes filles comme moi qui sont redevables à la fessée de la beauté de leurs formes. Quelle suprême perfection acquerrais-je donc si, à mon âge, de bonnes fessées venaient encore en augmenter l’élasticité qu’elle a constatée déjà, mais qui demande à être cultivée sous peine de déchoir. Ce serait dommage ! Pis que cela, ce serait criminel ! car je représente la nature idéale, je réalise le type de la jeune fille à qui la fessée doit s’adresser, à qui la fessée convient par excellence et revient de droit, à meilleur titre qu’à plus d’une qu’elle connaît et qui en reçoivent tant !

De concert, nous négligeons nos chapeaux et les laissons en panne. Elle s’est rapprochée de moi, ou plutôt m’a attirée plus près d’elle ; maintenant nous sommes côte-à-côte. Je suis à sa droite, son bras, son beau bras nu m’enlace ; mais il ne reste pas longtemps autour de ma taille, sa main descend le long de ma hanche puis s’empare de mes fesses, les pétrit, les tapote, les claque, les claque fort, fort…

En même temps, sa bouche se colle à la mienne, ses lèvres emprisonnent les miennes, ses yeux s’ouvrent sur mes yeux, y plongent. Mes paupières battent…

Soudain, je me sens attirée, j’aide au mouvement que je comprends qu’elle veut me faire effectuer, je me soulève pour favoriser son projet, je me laisse entraîner par son bras fort…

Encore une seconde et je vais être placée comme Renée le fut sous mes yeux pour recevoir la correction promise… Oh ! oui, je la serai la petite fille que sa maman corrige, qui se démène déjà pendant qu’elle se sent dévêtir, je serai la gamine retroussée qui, le bras retourné, cherche avec la main à retenir son pantalon qu’on entreprend de descendre, je serai la gamine déculottée qui gigote avant même la première claque. Puis, pendant la fessée, avec ses fesses qui n’arrêteront pas de sautiller, la fillette que j’incarne un moment pour rire, deviendra vite la grande fille, puis l’adolescente, la grande jeune fille que je suis réellement. Mais, avant d’en arriver là, quand elle sera seulement la grande fille qui succédera à la fillette, que la fessée soit déjà bonne et soignée !… Oui, que la fessée soit bonne et soignée, car elle la mérite, car elle a souvent ses nerfs et, comme il fut dit par Madame Mary, des idées malsaines… Des idées malsaines inspiratrices parfois, dans la solitude, de ces gestes-là que l’on nous défend…

Tout d’un coup la sonnette électrique fait entendre son tintement strident. Berceur de ma griserie, le silence que ponctuaient seuls nos souffles confondus, se déchire brutalement.

De même que j’ai reconnu la façon de sonner de maman, de même que l’autre fois, elle vient me chercher.

Ah ! qu’elle arrive mal à propos… Pauvre mère, avec quelle sincérité je la maudis du fond du cœur !

Mary et moi, nous ne séparons pas nos lèvres et, dans les bras l’une de l’autre, nous allons ouvrir. Ce n’est qu’au moment de toucher la verrou que nos deux bouches se détachent et que sa main s’écarte de ce qu’elle n’a cessé de presser tout le long du corridor.

C’est bien maman. Il n’est pas encore l’heure de se coucher : elle est venue pour bavarder un peu. Papa s’endort en lisant Le Temps, qu’un ami fonctionnaire lui prête régulièrement avec deux jours de retard. Mais, cela n’a aucune importance, dit papa. Bien qu’un peu en retard, l’honorable feuille ne donne que de sages avis.

Madame est bavarde. Il est neuf heures cinquante ; nous en avons jusqu’à onze heures. Mary soutient vaillamment la conversation ; mais quels regards nous échangeons !

Elle a de l’esprit, Mary. Elle le prouve une fois de plus, quand je l’entends dire :

— Dites-moi, chère madame Loiseau. C’est demain samedi. Mademoiselle Raymonde rentre à midi et elle est libre après, jusqu’à lundi matin. Son après-midi de demain est à elle. Voudriez-vous me permettre de lui demander de m’accompagner le tantôt chez une amie, à qui je voudrais la présenter. Cette amie cherche une dactylo sérieuse et distinguée pour lui faire taper chez elle des textes très précieux. Bien élevée, comme elle l’est, mademoiselle Raymonde remplit toutes les conditions. Ce serait très, très, très bien payé.

Mais comment donc ? L’autorisation est accordée volontiers. Cela nous vaut, à Mary et à moi, l’échange d’une œillade complice. Mon initiation est remise à demain et rien ne la pourra empêcher.

Où a-t-elle été chercher cette histoire d’amie en quête de dactylo distinguée ? Elle ne m’en avait jamais soufflé mot. L’amie est de sa pure invention et n’est qu’un prétexte bien trouvé pour m’avoir demain et longtemps. Puis, elle dira l’amie partie, appelée je ne sais où, par dépêche !

Je ris en dedans de la bonne idée et j’admire sa finesse. En vantant la bonne éducation que j’ai reçue de mes parents, que n’obtiendrait-elle pas d’eux en fait d’autorisation !

Après une heure de papotages qui me semblent mortellement fastidieux, nous nous retirons, maman et moi. On s’embrasse. Pendant qu’après maman, je la bécotte, dans l’éclairage propice de l’entrée où nous sommes du côté de l’ombre et maman en pleine lumière, elle me tapote.

Ça, c’est gentil. Petite mère qui n’a jamais donné la fessée à sa fifille, ne se doute pas qu’en ce moment est en train de réparer cette omission regrettable une obligeante dame qui pratique mieux qu’elle son métier de maman.

Mais, demain, ne ce sera pas un simulacre comme celui-là. Ce sera pour de vrai.

En attendant, ce petit semblant, ce léger aperçu, cet avant-goût qu’elle m’en donne me fait grand plaisir et je sais gré à maman de ne pas savoir quitter les gens. Quand elle prend congé, elle a toujours trois, quatre histoires à raconter qui s’enchaînent les unes avec les autres et qui lui reviennent immanquablement à l’instant du départ. Dieu sait si je les connais, ses histoires. Cette fois, elles n’ont pas le don de m’agacer. Bien au contraire, je lui soufflerais, si elle perdait le fil. Mais, pas de danger : qu’elle commence par la deuxième ou la quatrième, c’est comme si elle débutait par la troisième ou la première ; l’ordre en est interchangeable, et les auditeurs ne coupent à aucune.

Ce soir, en les avalant une fois de plus, je bénis la sage-femme de ma grand’mère qui ne vola pas ses quatre sous en coupant le filet de maman en bas âge ? Car, à chaque histoire dont je voudrais que s’accrût la longueur, c’est, pour mes petites fesses, l’occasion de pelotages véhéments. Mary me les empoigne avec une énergie que je ne louerai jamais trop. Pour en témoigner sans secourir aux paroles, je les remue, mes petites fesses et je voudrais, par cette mimique, lui prouver qu’il n’y a pas que sa gosse à les avoir mobiles. Et je voudrais aussi lui suggérer l’idée de me faire ce qu’elle a fait à Renée. Oui, tout au début.

Car, pourquoi ne m’en fait-elle pas autant ?

Enfin, elle s’y décide. Ce n’est pas trop tôt.

Maman venait, providentiellement, d’entamer le récit de la guérison de sa sciatique qui, à la veille de la guerre, a cédé à un traitement miraculeux ; miraculeux est le mot — vous allez voir, madame — conseillé par une petite couturière que lui avait fournie la concierge et qui lui faisait, pour trente-six francs, des costumes adorables. Trente-six francs ! Allez donc chercher cela à présent ! Donc, comme je vous disais, ce traitement consiste en tout et pour tout, en une cuillerée de pétrole à prendre à jeun, chaque matin, pendant un mois. Ah ! il faut du courage ! mais, c’est souverain. Ainsi, tenez, chère madame, moi qui vous parle, après m’être guérie, et sans rechute, car l’année dernière, j’ai été à la mer et n’ai rien ressenti, rien de rien, j’ai indiqué ce remède à la femme d’un pharmacien qui en souffrait depuis vingt ans et qui était pourtant à même de prendre autre chose. Aussi, pas plus loin que dans ma famille, etcœtera, etcœtera…

Je la connais par cœur, l’histoire de la sciatique. Cette fois, loin de me plaindre de la subir à nouveau, je viens en aide à maman, aux bons endroits, pour que ne s’omette aucun détail. Au besoin, je lui demanderais de la recommencer aussitôt finie, et de moins se presser.

Car, pendant ce temps, Mary me pelote, me pelote… Et cela me plaît encore plus que ce soit au nez de maman qu’on me pelote ! Cette fois, de la bonne façon, de celle que j’espérais.

Enfin, mes fesses se prélassent dans sa main immiscée sous ma jupe.

C’est moi, qui, innocemment, lui ai montré le chemin qu’elle devait prendre. Sans avoir l’air de rien, tirant de côté, sur ma jupe — oh ! bien machinalement je l’avais relevée un peu en arrière et sa main s’engagea là où l’incitait à aller le fortuit retroussage.

Sitôt rentrées, vite au dodo. Il en est l’heure. Onze heures vingt-cinq.

Dans ma chambre, tapissée de claire cretonne de Jouy aux ramages bleus, un solde rapporté par papa, je me dévêts. Complètement, jusques et y compris ma feuille de vigne.

Je veux me voir nue dans la glace, de la tête aux pieds, et sous toutes mes faces. Du côté pile principalement. Est-ce vrai que j’ai de si belles fesses que cela ?

C’est bien vrai. Oh ! oui. Je me tourne, je les regarde dans la glace de l’armoire en pitchpin dont j’ouvre à demi la porte pour profiter de l’éclairage, lequel est fixe et que je ne puis ni diriger ni modifier.

De tous côtés, je les inspecte, je me tourne, je me retourne. Oui, elles sont jolies, impossible de m’en défendre. Du reste, on me le dit assez dans la rue. Ils ont raison, ces messieurs, je ne puis le nier : j’en ai une riche paire !

J’y touche, les prends comme Mary les a touchées, les a prises, les a pelotées. Ce n’était pas à nu tout le temps ; mais pour la fin, les dix dernières minutes, ce l’était bel et bien.

Car, lorsque sa main s’était glissée sous ma jupe, fourrageant, fourrageant, mes fesses qu’elle malaxait vigoureusement et qui croyaient en sentir le contact direct, tant est ultra mince mon pantalon, ne se doutaient pas que la ténuité de son tussor serait traitée en obstacle qu’il fallait absolument franchir. Par escalade, la main de plus en plus entreprenante, s’introduisait à l’intérieur, se glissant en haut sous l’élastique de la ceinture. Il faut croire la peau de mes fesses agréable à toucher, car ce fut alors un tripotage, mais un tripotage d’une énergie accrue encore et coupé, en guise de repos, de semblants de fessées, ébauches silencieuses de claques, en retenant sa main, laquelle se posait simplement, s’appuyait…

Même avant cela, quand c’était par dessus ma robe, l’étoffe en est si légère que je sentais les monts de sa main, à la base de ses doigts et les renflures de chacun des susdits, phalange par phalange. Abonnée des Annales et de la Mode élégante, j’ai fait de la chiromancie, mais je dois dire que ces publications ne recommandent aucunement d’en faire avec ses fesses.

Je me tapote ; hélas ! je n’ose aller trop fort. Papa, maman entendraient. Quel malheur de n’être séparée d’eux que par une cloison, je me fesserais de bon cœur, comme l’eût fait Mary !

Oh ! demain, quand je l’irai prendre chez elle à deux heures, c’est à nu qu’elle me les claquera, mes fesses. Elle n’aura pas peur de faire du bruit. Au bout de son long couloir, sa chambre est loin du palier. Cela fera-t-il un joli bruit aussi ? le même que sur les fesses de sa gosse ? Plus de bruit encore, je pense, sur des fesses telles que les miennes, de tout autre envergure !

Je me les empoigne à deux mains. Oh ! c’était bon par elle ! C’est donc une qualité si rare de les avoir dures ? Je croyais que c’était un défaut. Le fait est qu’elles le sont, dures ! C’est comme du marbre. Cela lui plaisait. Dieu ! me les a-t-elles assez tripotées de toutes les façons ? elle me les a pincées, même !

Si elle les connaît, mes fesses, moi, je connais sa main. Quand elle faisait comme si elle me donnait la fessée ou quand elle reprenait le virulent pelotage, de même que quand elle étreignait tour à tour l’une ou l’autre à pleine main, c’est positif que je sentais parfaitement tous les reliefs de sa main : le mont de Vénus, la Lune. Elle a aussi un Jupiter épatant. Du reste, cela ne m’étonne pas. Elle a de l’autorité et c’est ce qui me séduit chez elle. Maintenant, un index épais comme cela en bas, indique aussi la gourmandise. Cela ne fait rien : l’un n’empêche pas l’autre chez les sensuelles et c’en est une…

Et puis, je l’avais vue, sa main. Il y a du Mars aussi et pas qu’un peu. En somme, elle a tous les monts marqués, avec une prédominance de Vénus. C’est une amoureuse autoritaire.

Mais, pour les sentir comme cela, ses monts, avec mes fesses, c’est donc que je les ai bien sensibles ? Alors, cela me fera du mal, moi qui ne suis pas habituée ? Peut-être alors, ne pourrai-je pas l’endurer ? Alors, placée sur ses genoux, comme Renée, la taille prise, si avec cela une de ses jambes me retient les miennes, il faudra que j’y passe jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus de claquer ? Si j’allais crier ? car je ne pourrais m’en empêcher, je suis si douillette ! si froussarde !

Une idée me vient, d’essayer toute seule, pour voir déjà. Je place une chaise devant la glace : dessus, je mets un oreiller, lequel représente pour mon expérience les cuisses de Mary supposée assise, ses cuisses rembourrées, sur lesquelles je me doute qu’on repose à l’aise. Je me place sur l’oreiller… Cela me fait drôle de me voir nue…

Non, refaisons cela.

D’abord, demain, je ne serai pas nue. Ce sera plus convenable. Vrai, ce serait indécent, une grande fille comme moi recevant la fessée, toute nue.

Donc, pour réaliser plus chastement et plus exactement la scène, je remets ma chemise, ma culotte, mes bas champagne, mes souliers mordorés et même ma robe bleu lavande. D’avance, je me retrousse, je descends ma culotte, je remonte ma chemise, ne pouvant faire tout cela une fois installée.

C’est fait, je me mets en posture.

Oui, c’est ainsi que m’apparaissait la petite. Mais, mes fesses valent les siennes, fichtre ! Qu’est-ce, à côté des miennes, une paire des fesses de morveuse ? Parlons-en ! les miennes, à la bonne heure ! Mary aura de quoi la claquer, la vicieuse !

C’est vraiment joli des fesses qui se tortillent !

Ah ! assez. J’ai hâte de me coucher. Je sais bien pourquoi, mais je ne le dirai pas.

Eh bien, si ! si ! je vous le dirai. Oui, je vous le dirai, rien que pour faire bisquer.

Oui, j’ai hâte de me coucher. En deux temps, trois mouvements, me voici de nouveau à poil et je me jette sur mon lit, grand ouvert.

Mais, j’éteins la lumière. Pour ce qui va se passer, j’aurais trop honte à rester éclairée par le plafonnier… Je scandaliserais mon ange gardien…

Je suis dans la nuit.

Je me figure sur les genoux de Mary et, d’un bras, je me fesse comme je peux. Moins que je peux, devrais-je dire, car cela réveillerait les auteurs de mes jours, si je me claquais comme je le voudrais. Si encore cela me valait de recevoir de l’un ou de l’autre, survenant au raffût, la fessée qu’ils ont eu le tort de ne jamais m’infliger, alors que depuis si longtemps elle m’était due — et qu’il eût fallu bien cinglante et copieuse, comme aux vicieuses dont me parlait Mary ! La bonne fessée, celle dont se garde un souvenir cuisant, ainsi que disait mademoiselle Hortense, la bonne fessée qui calme et remet en place les nerfs des filles, quand elle est bien appliquée, ce n’est pas ce soir le premier qu’il me la faudrait de la main d’une mère ou meilleure encore de la main d’un père ! Depuis quatre ans, depuis cinq bientôt, je la mérite et depuis un an, de plus en plus souvent. Cela se voit pourtant, le lendemain, que, dans mon lit solitaire, j’ai tout fait pour la mériter… Comment ma mère ne remarque-t-elle pas, certains matins, la cernure de mes yeux et n’en pénètre-t-elle pas la cause ? C’est ce soir qu’il me faudrait une mère de famille pareille à celle de ma condisciple et qui me fesse jusqu’au sang, pour me remettre dans le droit chemin. Car, je devine que c’est mal de suivre Mary dans la voie qu’elle m’ouvre… Ah ! maman, maman, pourquoi n’accours-tu pas ? Ce serait le salut, il en est temps encore ! demain, il sera trop tard…

Non, personne ne vient. Ni elle, ni papa. Tous deux ont toujours négligé leur fille, faibles également avec l’enfant gâtée. Ils le savent pourtant que j’ai une tante sœur de ma mère et dont on ne parle pas. Et ne dit-on pas que je lui ressemble ? Elle était si jolie !

Eh bien ! tant pis. Je sais où je m’engage, sur quel pente je vais glisser : j’obéirai à l’instinct qui me pousse et dont je suis pleinement consciente…

Alors, puisque la mère, le père, faillit à son devoir, c’est Mary que j’évoque. Elle seule l’a deviné, mon vice ! Elle seule l’a compris, mon besoin !… Je suis dans les ténèbres, je ferme les yeux quand même pour mieux la voir…

Elle me tient, elle me claque. Ma main joue le rôle de la sienne.

Fessez-la, madame, fessez-la, petite maman, la gosse dont vous trouvez si belles les fesses ! Claquez-les lui plus longtemps que vous n’avez claqué celles de Renée, votre autre fille, et plus fort, plus fort, car je suis l’aînée et la plus coupable, et celle aussi que vous aimez le mieux.

Oh ! que tu n’aies pas peur, au moins, de me claquer, dis, maman ? Le besoin que j’en ai, d’une bonne fessée, toi seule, toi seule me l’as révélé. Claque-les donc bien mes fesses si dures, elles en seront plus dures encore !

Par contre, elles sont trop douces, mes claques ! Je m’arrête. Je me vautre maintenant sur mon lit, mes cuisses s’appuient l’une sur l’autre, se frottent… Ah ! comme je vibre !…

Allons, encore une fessée, bien que la sachant loin au-dessous de celles que j’attends demain de ta main potelée, ta main grasse et charnue, si belle à voir quand elle s’étale et rebrousse ses doigts pour que durcissent les fesses des filles.

C’en est trop. Non, veux-je dire, ce n’est pas assez de me rouler sur le drap, de me frotter, de serrer mes cuisses. Ce n’est pas assez. Je recours au moyen que j’ai découvert de précipiter l’arrivée de la sensation exquise… Je l’ai trouvé seule, ce moyen, il y aura cinq ans cet été. Je sais que c’est mal, tant pis, je l’emploie. La Nature parle trop haut ce soir pour que je n’obéisse pas, les oreilles bourdonnantes, à sa voix qui commande. Demain, je n’en aurai que mieux droit à une bonne fessée. Qu’avait fait Renée pour la recevoir, je l’ignore ; moi, je l’aurai méritée, au moins.

Et je l’emploie, et je l’emploie, le moyen ! Ah ! que c’est bon ! que c’est bon !…

Je me suis endormie. La preuve, c’est que je m’éveille. Je fais la lumière : trois heures du matin.

Ah ! quel rêve délicieux je faisais !

J’étais sur ses genoux. Elle me fessait.

Et, toute seule, la Nature a agi. Sans que je l’aide, cette fois j’ai revécu des minutes de bonheur divin, semblables à celui que j’avais su appeler…

Je me rendors jusqu’à sept heures, comme d’habitude. J’arrive au bureau, je le quitte à midi.

Toute la matinée, j’ai pensé à la fessée qui m’attend. Cela m’a fait faire des boulettes dans ma copie. Lundi, j’arrangerai cela. Et puis, le samedi matin, tout le monde sabote au bureau. On ferait mieux de nous laisser chez nous. On fesse des gosses pour moins d’étourderie. J’aimerais bien être dans un bureau où cela se pratiquerait de fesser les dactylos.

En montant chez nous, je frappe chez Mary. Elle sent bon délicieusement. Ses lèvres emprisonnent encore mes lèvres, mais, de plus, Mary me fait connaître une innovation. De force, sa langue s’insinue, me pénètre et m’inspire une haute opinion de son agilité…

Me laissant enfin respirer, Mary m’examine :

— Bonjour, beauté ! Bonjour bouquet de printemps ! Ah ! mais vous en avez des yeux cernés, petite vicieuse ! Je devine ce que vous avez fait cette nuit… Hier soir, en rentrant, ce polisson-là, où a-t-il été fureter ?

Toute fine qu’elle est, elle se trompe. C’était l’autre, c’est-à-dire son frère de la main gauche, puisque pendant ce temps, avec ma droite je faisais semblant de me claquer.

Elle poursuit :

— Dis donc que non, vilaine ? Aussi, donne vite tes fesses !

Elle me trousse, va rabattre ma culotte…

Malheur de malheur ! maman qui de sa cuisine m’a vue traverser la cour, ouvre sa porte. Elle va s’amener, Mary a tout juste le temps de me relâcher et me pousse dehors.

J’entre chez nous. Je dis à la mère que j’irai prendre le café chez Madame Mary en l’allant chercher.

Zut, j’ai fait un beau coup ! voilà qu’elle me répond :

— J’irai avec toi prendre le café, je m’invite. J’ai un chapeau à lui montrer que je finirai après votre départ Regarde ce que, ce matin, j’ai bâclé en une heure ? Est-ce tortillé avec assez de chic ?

Elle m’exhibe un galure à la noix de coco, une forme à sept francs, en simili tagal, genre toquet, autour duquel elle a enroulé une torsade en ciré sang de bœuf.

Non, mais ? En voilà une fantaisie de s’inviter, par exemple ! Elle en a de bonnes, la mère ! Alors, quoi ? Si elle rapplique tout à l’heure avec moi, voilà ma fessée dans le sixième dessous ! Moi, j’en ai besoin, de ma fessée. Elle vient déjà de me faire rater à l’instant une belle occasion : la gosse partie en commission ! Ah ! c’est que je la veux ma fessée ! elle m’est due, il me la faut à tout prix ! À la gare, la maman gêneuse, à la gare ! C’est sa fille qui compte se tortiller avec chic !

Je ne fais ni une, ni deux, je me précipite chez Mary, je lui expose le projet maternel combien intempestif et empêcheur de danser en rond. Quel toupet elle a ! Médite-t-elle d’y rebiffer à sa propagande pétroliphile et antisciatique ?

La divine me réconforte, me serre dans ses gros bras d’albâtre :

— Cela ne fait rien, chérie, tu l’auras, ne t’inquiète pas. Elle n’en sera que meilleure. Cela ne fait que la retarder un peu, mais tu n’y perdras rien.

En attendant, je me brosse pour un a-compte qui m’eût fait patienter. La gosse est revenue. Elle accourt m’embrasser et sa mère ne peut même pas me peloter les fesses.

Je n’y ai pas perdu, en effet.

Le café pris, sans trop nous presser, ce dont je trépigne en dedans, si je puis dire, maman ne dévisse pas et quand nous sortons de l’appartement, c’est tous trois ensemble.

Je suis à cran, à cran, comme on ne le peut être plus, de ma fessée rentrée.

Enfin, maman nous suce la pomme sur le carré et se décide à nous lâcher. Mais, au lieu de rentrer en vitesse dans son vertueux domicile, la voilà qui s’appuie sur la rampe et nous regarde descendre.

Nous descendons un étage, puis l’autre, toujours couvées par ses yeux maternels. Je crois que si nous en avions eu quarante-deux à dégringoler, comme à New York, elle serait restée là jusqu’au bout.

Nous voilà en bas. Je croyais qu’après deux minutes de station devant la porte, nous serions remontées sans bruit, Mary et moi, sous le prétexte de quelque chose oubliée, en cas de rencontre, bien improbable maintenant de cette chère petite mère-crampon. Mary l’aurait eu belle alors pour me l’octroyer ma bonne petite fessée dont l’attente va me faire mourir ni plus ni moins, c’est sûr, si ça continue.

Non, voilà qu’au contraire elle me dit :

— Vite filons, nous avons juste le temps d’arriver. Sautons en taxi. On nous attend à trois heures et c’est rue Marbeuf.

Trois heures tapant, on arrive.

C’est une maison chic. Nous passons devant la concierge sans nous arrêter. Mary sait où elle me conduit.

Pas besoin de prendre l’ascenseur : c’est au premier. Escalier de marbre à la pente douce. Sur le palier, deux grandes portes à deux battants. Celle de droite, Mary l’ouvre avec une clef qu’elle tire de son sac.

Cela m’étonne déjà. Mais, je ne suis qu’au commencement de mes étonnements.

Nous pénétrons dans un vestibule spacieux sur lequel donnent trois ou quatre portes.

Mary tourne le bouton de l’une d’elles et nous entrons dans un grand salon luxueusement meublé d’un piano, d’une armoire Louis XV, ripolinée de blanc, d’une table assortie chargée d’albums à la riche reliure. Des sièges de toutes sortes sont disposés ça et là. Au milieu, un immense divan carré, couvert d’un somptueux satin crème aux beaux plis éclatants, jeté avec autant d’art que d’abandon.

Des coussins le parsèment : des petits, des grands, brochés d’argent et d’or ou décorés de fleurs chatoyantes. Des coussins de toutes les couleurs, vives ou amorties : roses mourantes, bleus passés, jaune citron, lilas, jade, jusqu’à des noirs dont le satin s’orne de larmes d’argent. L’ensemble opulent et distingué satisferait le goût le plus difficile à la fois moderne et classique. Vrai, c’est d’un grand chic. Sur le sol, un tapis épais d’un ocre clair rompu et tirant sur le verdâtre, à grandes rosaces, comme des couronnes de feuillage bleu pâle.

Mary me dit :

— Assieds-toi, je reviens tout de suite.

Avant de sortir, elle plaque sur le Pleyel de larges accords et s’éclipse.

Je m’en garde bien, de m’asseoir !

Des gravures, des aquarelles encadrées d’or en rocaille, sans marge, pendent aux murs blancs et m’appellent. J’ai tout de suite tiqué en les apercevant et je les veux regarder de près.

C’est amusant comme tout et intéressant pour moi suprêmement. Des estampes anciennes que je ne connaissais pas. Les scènes coquettes qu’elles représentent sont admirablement appropriées à mon état d’âme. Jugez-en :

Ici, une jolie dame avec une charmante soubrette retroussée dont elle s’apprête à cingler les fesses nues d’une verge qu’elle brandit en souriant.

Là, lui fait pendant le même sujet interprété différemment par deux autres agréables personnes qui pourraient être leurs sœurs.

C’est ravissant. Mais les aquarelles qui l’emportent en accent et en expression vont accaparer mon attention.

C’est une dame de nos jours qui fesse la femme de chambre, une belle-fille à l’air garce. L’aquarelle est signée d’un nom apprécié que je connais à présent. Dans une autre, du même auteur, une Parisienne à la dernière mode, fesse furieusement une grande fille de mon âge qui se débat, en larmes, pourpre de honte de montrer son beau derrière rougi à une autre dame qui rit sensuellement, l’œil brillant, et qu’accompagne une fillette plus jeune, mais grande déjà, de quatorze ans, qui sera traitée de même, sans doute, car elle paraît effrayée, le regard braqué sur les chairs serrées étroitement.

Et quatre cadres encore : la « Flagellation conjugale », l’estampe si connue, avec une autre : un moine terrible, s’apprêtant à châtier une femme nue que l’on voit, de dos, liée à une colonne. Le moine retrousse sa manche et sa figure sinistre fait présager de quelle fessée il va rougir la belle croupe crispée d’angoisse. Les expressions me ravissent.

Deux aquarelles sont du même auteur, celui, d’ailleurs, des deux que j’ai vues les premières. Vous savez bien qui. Dans l’une, une élégante d’aujourd’hui corrige une grande fillette, sa fille sans doute, car elle lui ressemble, en présence de deux autres que le spectacle surexcite étrangement.

Dans la dernière, deux dames assises, se faisant face, semblent jouter à qui administrera la plus belle fessée à la jolie écolière de treize à quatorze ans que chacune d’elles tient et qu’elle fait gigoter éperdument, déculottée, les fesses rosies déjà ici et, là, d’un rouge plus intense. La scène se passe dans une salle d’études, dans une école : les exécutrices sont des institutrices. Cela se devine. L’une ressemble à Mademoiselle Hortense, avec son air méchant, sa bouche en coup de sabre. Les quatre visages sont parlants : la joie perverse et cruelle des institutrices aussi bien celle qui ressemble à cette rosse de demoiselle Hortense, que l’autre, une belle femme taillée en force dont la large main doit appliquer de fameuses claques, a été admirablement rendue, autant que la fureur, l’humiliation des grandes filles, une blonde, une brune. La brune que tient la forte femme doit les sentir, les claques qu’elle reçoit. Plus développée que la blonde, la meilleure fessée lui revenait en toute justice. Loin d’en paraître vaniteuse, elle est pourpre de honte, la bouche ouverte dans un cri de souffrance. L’œil torve, elle tourne d’en dessous un regard épouvanté vers la vigoureuse main qui plane et qui, une fois de plus, va s’abattre sans pitié. Les deux derrières que l’artiste s’est complu à étudier sont aussi agréables à voir qu’ils paraissent l’être à fesser. Deux verges sont là, à la portée de la main et l’on s’en servira. J’imagine que ce sera pour permettre aux institutrices d’accorder à leur main un peu de repos bien gagné, car elles mettent toutes leurs forces à s’acquitter de leur tâche.

J’examine attentivement la main levée que la forte femme va faire retomber. Quelle ardeur et quelle vigueur expriment sa paume musculeuse, ses doigts à base épaisse à bouts spatulés…

Je suis toute à ma contemplation et je n’entends pas venir Mary, derrière moi…

Sa voix rieuse me jette, sa bouche me mordillant la nuque :

— Cela te plaît ?

Elle m’attire en arrière.

— Allons, ôte ton chapeau, tes gants.

Elle-même les a enlevés. Elle a même changé de corsage.

Décolletée, en avant jusqu’à la taille, dans le dos jusqu’aux reins, qu’ils sont beaux, ses bras nus, ses bras dans lesquels je pèserais le poids d’une plume !

Elle plaque encore un accord prolongé, puis joue quelques mesures d’une fantaisie de sa façon, variation de l’air antique : Les papas et les mamans.

Je ris. Elle laisse le piano :

— Mon amie n’est pas là. J’ai trouvé un mot pour moi. Nous allons l’attendre : elle sera ici dans deux heures. Nous sommes seules.

Elle tire les cordons des rideaux bouton d’or des trois fenêtres tour à tour.

C’est presque l’obscurité. Mais, elle allume en grand l’éclairage électrique, appuyant sur deux, sur trois commutateurs.

— Viens ici. Ici, au milieu, nous serons bien éclairées.

En effet, au point que nous occuperons, sur le milieu du devant du divan, un puissant faisceau lumineux arrive, envoyé par un réflecteur en haut qui nous inonde de lumière. Les tableaux de prix chez les marchands, chez Petit, chez Bernheim, sont éclairés ainsi pour être mis en valeur.

Nous sommes juste au centre du salon, vis à vis une paroi qui, relativement, semble dans la pénombre, la paroi où sont pendues des aquarelles, les deux plus belles.

Elle me pousse vers le divan, s’y assied, et, m’entraînant, m’assied sur ses genoux :

— Vous allez être corrigée…

Tiens ? pourquoi ne me dit-elle plus « tu ». Pourquoi élève-t-elle tant la voix ? je ne suis pas sourde. Pourquoi aussi prend-elle ce ton fâché ?

— Polissonne, je vais vous apprendre à commettre des actes indécents. Ne niez pas : je sais ce que vous avez fait hier au soir. Je sais à quelles honteuses pratiques vous vous livrez sur votre personne. C’est tous les jours que vous le faites ? répondez ?

C’est donc une comédie qu’elle joue ? Je me prête volontiers à la fantaisie qui me séduit par la suite qui sera donnée à la réprimande. Ma fessée se prépare : c’est la seule consécration qui s’impose pour une faute semblable. C’est bien ce que mérite la polissonne que hier soir j’ai été — hélas ! après tant d’autres soirs !

Et puis, la sévérité de sa voix me plaît. Il est conforme à mon caractère resté si enfant, d’être traitée comme une gamine, moi, si gosse à dix-sept ans. Allons puisqu’elle prend son rôle au sérieux, je vais de bonne grâce et, avec le même sérieux lui donner la réplique, en entrant, moi aussi, dans la peau de mon personnage, correspondant au sien. Hier, ne la demandais-je pas, une autorité à laquelle je me soumettrais ?

Elle continue animée, d’une irritation croissante, qu’on jugerait réelle :

— Vous n’êtes pas honteuse ?… À votre âge ? à dix-sept ans ?… Faire des choses pareilles ?… Si votre mère ne vous corrige pas, je vais la remplacer, moi ! Tenez…

Et, avant que j’ai pu m’y attendre, une gifle sur la joue m’abasourdit, qu’une autre accompagne de l’autre côté. Deux fortes gifles, les premières de ma vie !

La stupéfaction, la douleur aussi me suffoquent… Quoi ? quoi ? des gifles sur la figure ? Oh ! ce n’est pas de jeu…

Des larmes s’échappent de mes yeux, en même temps qu’un cri de ma bouche, cri de surprise, cri de souffrance et, plus encore, de protestation et de révolte indignée. Je tente de me lever. Ah ! bien oui ! Au contraire, me voilà renversée, culbutée, le torse en arrière, et, en un instant, avec une rapidité fulgurante, ses bras, qu’à leur apparence je jugeais, certes, robustes, mais que je ne pouvais savoir doués d’une force aussi exceptionnelle, aussi irrésistible, me retournent sur l’autre face et, quoique je me roidisse dans un effort désespéré, me voici sur le ventre, en travers de ses cuisses. L’une d’elles se détache, s’écarte, et je suis prise, par les jambes, dans l’étreinte de sa jambe droite qui maîtrise les mouvements des miennes, enserrées dans un véritable étau. Et ses bras qui ne me relâchaient pas s’occupaient, l’un me retenait par la taille, l’autre qui s’était jeté sous ma robe, la retrousse. J’étends en arrière mon bras gauche pour me préserver. Non, non, je ne veux pas qu’elle me déculotte, car elle veut me déculotter, bien sûr. Non, je ne veux plus… Je me sens le poignet saisi, le bras tordu à m’en faire crier. Et des claques atroces se plaquent, si précipitées que l’une continue l’autre, lancées de haut et avec une telle énergie furieuse qu’elles me déchirent.

Il ne lui a pas fallu une seconde pour me déculotter. Elle l’avait étudiée hier, la ceinture élastique qui retient mon pantalon. Elle me l’a rabattue jusqu’à mi-cuisses. Comment l’a-t-elle fait glisser au-dessous ? Cela a été fait sans doute, tandis que, le temps d’un éclair, avec sa seule cuisse gauche, elle me soulevait, me faisait sauter comme si j’eusse pesé le poids de Renée. Quant à la chemise, elle est si courte, ce n’est pas de la retrousser qui l’eût en rien retardée.

Je crie, je hurle. Une voix, chargée de colère où je discerne une joie sataniquement cruelle me jette :

— Criez tant que vous voudrez, vous serez corrigée, comme vous le méritez ! La sentez-vous, la fessée ? la fessée ?

Je tords les reins, c’est tout ce que je puis faire. Seules, mes fesses sont ce qui se peut mouvoir de tout mon corps, avec mon cou et ma tête que je redresse pour brailler. J’essaye, en tournant la tête, de voir la main meurtrière. Je l’aperçois qui rapide, rapide, s’élève et s’abaisse avec un bruit déchirant, strident comme celui d’un battoir plaqué sur du linge mouillé.

— Criez, criez… Vous les aurez… les bonnes claques… sur les fesses… C’est comme ça… qu’on corrige… les vicieuses…

Hachant ses phrases, tous les deux ou trois mots, un halètement de sa voix m’annoncerait chaque claque si je n’en sentais pas la brûlure atroce.

— Déculottée… à votre âge… dix-sept ans… vous n’avez pas honte… Une fessée… comme celle-là… c’est ce qu’il faut… Est-elle bonne… cette fessée… dites, vilaine ?… Dites-le moi… si ces claques… cinglent bien… vos fesses dures ?… C’est très bon… les fessées… aux demoiselles… polissonnes… qui pensent trop… à des choses… défendues… Aussi, sur les fesses… on les claque… et longtemps… Aussi, c’est bien rouge… qu’elles le sont… vos fesses dures… Tout à l’heure… c’est la verge… qu’elles auront… Mais, avant… c’est encore… de bonnes claques… qu’elles auront… comme celle-ci… et celle-ci… et celle-ci… et celle-ci… et celle-ci…

En me tournant avec effort, à cause de mon bras qu’elle tord toujours, j’aperçois, par-dessus mon épaule, et avec cet œil qu’a la fillette dans l’aquarelle, la main charnue qui plane. Pareille à celle de la forte femme qu’est son institutrice, c’est la même main large et épaisse qui, se préparant, rebrousse ses doigts. C’est la robuste main de la mère brutale, la mère de ma condisciple d’il y a trois ans ; c’est la main que devraient avoir toutes les mères pour corriger leurs filles, la main large et charnue faite pour les fessées !…

Mon supplice s’est arrêté. Il était temps sans doute ? Peut-être allais-je défaillir ? Mais non, mais non… Maintenant, mes fesses me semblent gonflées intérieurement d’un fluide chaud et salutaire qui y répand un bien-être apaisé. Mes larmes ne coulent plus, mes sanglots se sont éteints, je respire largement un air puissant qui me vivifie.

Je tourne la tête. Mary brandit une verge de bruyère. Où l’a-t-elle prise ? Sous quelque coussin ? Oh ! que sera-ce grands dieux ?

Mais, avant de s’en servir, Mary passe sa main sur mes fesses, dont la tempête s’est calmée et les pétrit, les tapote. Ô bonheur ! je retrouve la caresse d’hier…

Puis, je la sens qui se tourne un peu sur le divan avec le fardeau de mes cinquante-cinq kilos, qu’elle semble supporter sans fatigue. Pourquoi me tourne-t-elle ainsi avec elle. Pour mieux mettre en lumière ce qu’elle aime tant à voir ?

La verge commence son office. Après ce que j’ai enduré, cela me semble bien supportable, ces milliers de légers picotements.

La voix reprend, ponctuant les séries de coups de verge qui, en grêle, se précipitent :

— Oui, la verge… à présent… pour achever… la fessée. À votre âge… après la… bonne fessée… à la main… c’est la verge… qu’il leur faut… pour rougir encore plus… les fesses rouges… des demoiselles… Mais ensuite… à la main… je reprendrai… la fessée… car avec… des fesses dures… comme les vôtres… ce ne serait… pas assez… et je veux… que vous vous… souveniez… toute votre vie… de cette fessée…

Comme elle l’avait dit, elle le fit. Quand elle m’eut cinglée de sa verge, je ne sais combien de fois, elle reprit, sans prévenir, la distribution interrompue de ses claques drues dont la vigueur ne se relâchait pas.

Mais, par l’effet de la durée du supplice ou de sa violence qui au début me surprit, maintenant, après cet instant d’accalmie relative, se reprise me sembla, je ne dirai pas seulement moins cruelle, mais positivement d’une douceur qui devint vite agréable.

Et les claques se succédaient. Mais, la jambe qui me tenait clouée avait tout d’un coup supprimé son étreinte. Mes jambes pouvaient se donner libre carrière et s’étendre à volonté pour se remuer mieux ensuite, ployées. Je ne m’en privais pas ; mes lancements de jambes me reposaient. Ah ! je l’aurais supportée des heures la fessée avec une permission aussi totale que celle-ci de gigoter ! À quelles contorsions de mes reins, de mes fesses surtout, ne me livrais-je pas ! Chaque claque nouvelle stimulait mon ardeur et j’en aimais le mordant qui m’excitait délicieusement…

Combien de temps, cela dura-t-il ? Puis-je le dire ? Impossible ! Peut-on chronométrer le bonheur ?

Soudain, les bras forts de Mary me relèvent, sa bouche se colle sur ma bouche et sa voix tout bas me chuchote :

— C’est très bien, ma gosse, c’est très bien !

Où est-elle partie ? Je suis seule, à présent. Je m’étends sur le divan, je ferme les yeux, savourant le bien-être où je suis plongée.

Combien de minutes s’écoulèrent-elles, tandis que je reste ainsi. Je me lève, je voudrais me regarder dans la glace, voir mes fesses qu’avant de se lever, j’ai bien senti qu’elle rhabillait, abaissant ma petite chemise, remontant mon petit pantalon. Elle m’a fait ce qu’elle avait fait à Renée exactement répétant les mêmes gestes, trouvés par moi, spectatrice, si gentils, si coquets.

Je les vois, mes fesses ! Oh ! qu’elle jolie couleur les embellit. Vrai, combien Mary a dû les trouver belles ! Elles apparaissent comme une grosse rose rouge, une pivoine. Parfaitement rond, le cercle rose foncé que je découvre est net et se détache sur la peau si brillante qui l’environne. Oh ! de Renée, loin d’arborer ce rouge, combien le ton du sien était moins joli ! C’est une brune : moi, je suis blonde, le rose est plus délicat, plus frais, plus pur. Je ris : que ma figure m’apparaît plus jolie aussi ! Les riches couleurs que mes joues ont acquises ! Ah ! cela ne leur vient pas des deux claques du début, je n’y pensais même pas. Non, cela vient de l’animation de la chère petite fessée. Ah ! j’en ai eu une bonne, je peux le dire ! Je sais ce que c’est, à présent. Si la petite fille de la marchande de parapluies en recevait de comme cela, son sang devait bien circuler ; mais, puisque à ses joues il se portait aussi, lorsque la rosse d’Hortense y faisait allusion, pourquoi ne nous montrait-elle pas ses fesses ensuite ? Elle en avait une bonne paire ! Je me les rappelle. Pour quatorze ans, quelles fesses ! Je comprends qu’elle ait eu une bonne mère ! Moi aussi, à son âge, j’avais quelque chose : peut-être pas autant, mais tout de même de quoi en recevoir. Pourquoi donc n’en eus-je jamais, de bonnes fessées, semblables à celle de Mary à l’instant. Pourquoi ne l’ai-je pas connue plus tôt, cette Mary, qui devine si bien les vices des filles, elle qui connaît la manière de les calmer et qui possède à ce point, la main qu’il faut pour cela !… Oh ! que je vais être heureuse maintenant, par elle… Oh ! que je l’aime !

Elle revient. Elle tient un petit plateau d’argent supportant deux coupes pleines de champagne. Elle le dépose sur la table, puis vient m’enlacer. Dans mes yeux qui vite chavirent, elle plonge ses yeux volontaires. Je suis sa chose, je m’abandonne, en lui rendant ses longs baisers…

Nous buvons. Elle va à la petite armoire, y prend une bouteille casquée d’or, la débouche avec une habileté qui dénonce l’habitude, m’offre un biscuit.

Assise sur ses genoux, nous faisons la dînette.

Je lui dis :

— Vous avez donc tous les talents ? Vous savez aussi déboucher les bouteilles d’extra-dry ?

Elle rit, dévore de baisers mes yeux, mes lèvres :

— Oui, coquine. Avec cela, je sais fesser les petites filles. Car, c’est cela que tu veux dire ?… Oui, je sais les fesser, tu l’as vu ! et tu as vu aussi que je sais les déculotter d’abord. Dis, cela ne traîne pas avec moi ? Tu as vu le temps que cela m’a pris ? Pourtant, tu faisais tout ce que tu pouvais, sacrée diablesse. Et ce sera comme cela, maintenant. Tu en auras des fessées, vicieuse ! tu en auras des bonnes, puisqu’il te les faut comme cela, petite gigoteuse !… C’est donc du vif argent que tu as dans les veines pour te trémousser ainsi quand on te fesse ? dis, frétillon ? Mais, j’oubliais : tiens, ceci est pour toi. Mais, faudra toujours gigoter comme cela, si tu veux qu’on t’aime bien…

Elle glisse deux billets bleus pliés, dans l’échancrure de ma robe bleu-lavande. Deux billets de cinquante, je l’ai reconnu au passage. Ébahie, je la regarde :

— Oui, c’est pour ta première séance, comme dactylo. C’est cela que tu diras chez toi. Je t’expliquerai. Mon amie ne viendra plus aujourd’hui, à cette heure. Ceci, c’est pour ton dérangement. Mais, si tu veux m’en croire, n’en remets qu’un chez toi. Oui, garde l’autre billet pour ta petite bourse. Chaque fois, c’est à dire chaque samedi, tu en auras autant. Cela te va-t-il ? Autant, ou plus même ! cela dépend de toi. Mais, je suis tranquille, chérie : je l’avais bien vu, que tu serais un numéro…

Je cherche à comprendre. Elle m’embrasse goulûment et, au bout d’un instant, je ne pense plus à chercher… Elle m’a renversée sur les coussins. Elle est à genoux sur le tapis, à mes pieds… Bientôt, dans des transports délirants, ma félicité sans bornes ne se traduit que par des soupirs, les premières qu’une autre que moi-même m’ait arrachés…

Et voilà.

Car, vous l’avez deviné, n’est-ce pas ? et depuis longtemps, de quoi il retournait chez la soi-disant amie de Mary ?

Non ? Allons, ne me faites pas marcher. Vous êtes trop dessalé.

Moi, je n’étais qu’une bécasse, alors. Mais, à mon troisième samedi, j’avais deviné le flambart.

Parbleu, ce n’était pas difficile de deviner de quoi il s’agissait, et à la troisième séance, je pourrais même dire au milieu de la deuxième, j’avais éventé le mystère.

Dame, encore et toujours ce choix de la même place sur le divan pour nos groupes de fessées et les ébats des pardons qui suivaient, et en plein sous le réflecteur, c’est cela surtout qui me mit sur le chemin de la vérité, que, vite, je découvris.

Mais, je ne dis rien, le soir, après la seconde fois. Ce n’est qu’à la troisième que je dis carrément à Mary chez elle :

— Non, mais ? tu me prends pour une nouille, dis, maman ?

Malgré ma naïveté, quoique je fusse une vraie gosse pour tant de choses, on sait comment l’esprit vient aux filles ! Et Mary ne faisait-elle pas le nécessaire pour qu’il accourût ? à la quatrième vitesse !

Et quand je lui eus dit ce que je soupçonnais, elle éclata de rire et m’embrassa… de son mieux.

Eh bien ! le salon était truqué. Face au divan, dans la paroi, entre deux cadres d’aquarelles, dans un motif sculpté des boiseries, à bonne hauteur, un judas, un trou percé, admirablement dissimulé, permettait à une personne placée de l’autre côté du mur, dans une autre pièce, de tout voir sans être vue elle-même. Les accords plaqués sur le piano couvraient le bruit de l’ouverture du réduit.

Il était aux premières loges, le voyeur. Oui, le voyeur.

Car, pas du tout dame, l’amie de Mary était un monsieur !

Oui, un galétard épris de tableaux vivants dont les sujets consistaient en fessées. Des bonnes, toujours.

Pour la première séance, il avait exigé ces deux gifles sur la figure, qui m’avaient tant étonnée. Mais, ce fut la seule et unique fois.

Ah ! j’en reçus des fessées dans le discret entresol où un calfeutrage de liège sous les boiseries étouffait cris et claquements !

Je les eus souvent marquées, mes fesses ! Marquées des ronds bleus des bouts de doigts, des zébrures des lanières des martinets, des picotis de points rouges des verges. Je les expérimentai tous, les instruments de l’armoire ripolinée, venus des cinq parties du monde !

Je les comparai entre elles, les méthodes infiniment diverses que reproduisaient, récoltées partout, les photos des albums. Fessées d’enfants, fessées de femmes, fessées d’hommes. Quelques-unes épouvantables !

Tous les modes et à tous les degrés, je les supportais merveilleusement. J’étais un numéro ! Jamais Mary n’avais rien vu de comparable à moi, parmi tant de jeunes filles, de jeunes femmes, fournies par elle ou rencontrées là, amenées par la mère Honoré ! Et Dieu sait si, depuis deux ans, il lui en passait par les mains à Mary ! Quel livre vous pourriez écrire, des scènes avec Mary et moi ! et aussi des scènes avec quelque poule ou quelque grande môme en supplément ! Mais ceci n’arriva que plus tard.

Je l’aimais tant, la fessée ! et j’aimais tant Mary !

Je restai plusieurs mois sans le connaître, son généreux ami. Mais, vint un jour où elle me montra son portrait et, désormais, je les vis toujours, ses photos, soit chez elle, soit rue Marbeuf, où elles présidaient aussi à nos ébats. C’était un homme de cinquante ans. À bout de résistance, j’acceptai de lui être présentée.

Bref, dorénavant, il ne se cacha plus, et, dans nos réunions, j’étais la plus heureuse des trois. Mes mensualités toujours en augmentant, me fournissaient le moyen de m’habiller comme je le voulais être. J’avais, dès le premier jour, emporté quelques pages tapées d’une statistique sur le rendement des mines dans le Royaume Uni et ses dépendances, spécimen supposé de mon genre de travail sous la dictée d’une dame, doctoresse-ès-sciences, l’amie intime inventée par Mary. Documents d’une importance extrême et confidentiels suprêmement.

Mais, il arriva un moment où je ne pus soutenir plus longtemps mon mensonge. Les générosités qui avaient été en s’élevant à la hauteur de mon labeur me permettaient de vivre ma vie. J’avais dix-huit ans et demi et je l’étais bien, alors, la digne fille de ma tante, celle dont on ne parlait pas.

Je m’envolai, rejoignant sous d’autres cieux Mary, déménagée, depuis trois semaines, avec Renée.

Vous savez le reste.

Comme vous le dites très bien, il est difficile d’affirmer que la fessée enfantine, à laquelle j’assistai, détermina ma vocation de flagellante acharnée.

Ne fut-elle qu’une coïncidence et n’intervint-elle que juste à point pour achever de cristalliser, selon votre expression, mes idées, mes préférences passionnelles qui, latentes, somnolaient chez moi. Comme une chrysalide, ma libido, puisque libido il y a, n’attendait-elle qu’un incident qui provoquât le déclic, dans la pénombre indécise de mon subconscient virginal, pour se transformer soudain et prendre son essor au grand jour, à la manière d’un papillon ?