Brassée de faits/13

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Collection des Orties blanches (Jean Fort) (p. 233-249).

XIII

UN QUATUOR

Si vous le permettez nous appellerons Pierre et Paul les deux amis que nous allons mettre en scène d’abord.

Grandis ensemble sur les mêmes pavés de la rue Tiquetonne, de la rue Dussoubs, ils avaient limé leurs culottes sur les mêmes bancs de l’école de la rue Étienne-Marcel, à deux pas des Halles centrales. Ils demeuraient rue Marie-Stuart. Paul, de sept mois plus âgé que Pierre, était brun, fluet et moins grand que Paul, un blond, de stature et de complexion sensiblement plus vigoureuse.

Paul avait deux sœurs, ses cadettes d’un an et de deux ans. Pierre, lui était le fils unique. Ils appartenaient au même milieu social, le père du premier étant représentant de commerce, le père de l’autre petit imprimeur ; mais logés à la même enseigne et pas plus riches l’un que l’autre. Leurs deux mères bonnes ménagères, tiraient de leur mieux parti d’un maigre budget et se tiraient d’affaire tant bien que mal.

Comment le démon — ou l’ange — de la Flagellation s’installa-t-il en leur âme d’autant et en raison de quels atavismes ? Bien malin qui le dira.

Tout ce que l’auteur de ce récit peut conclure des confidences qu’il reçut d’eux, vingt ans plus tard, c’est que Pierre, pas plus que Paul, ne sait au juste lequel eût le premier l’idée de se plaire à fouetter les petites filles. Ni même seulement d’abord à les regarder fouetter.

L’esprit souffle d’où il veut, a dit Saint Paul. Admettons donc, nous aussi, ainsi qu’ils le croient eux-mêmes que cette passion se développa chez eux spontanément et en même temps. Paul, à la vérité, ayant deux sœurs, aurait, le premier en date, réjoui ses jeunes yeux de gigotements féminins provoqués par une main maternelle si, presque aussi bien placé que l’heureux garçonnet, Pierre de son côté, pour devenir de bonne heure flagellant d’intention, n’eût eu deux petites cousines, douées elles aussi de la grâce et de la gentillesse de leur âge. Il avait assez souvent la joie de les contempler fessées — et à l’occasion fort bien — par leur maman. Nous ne nous montrerons donc pas plus exigeants qu’eux et nous ne rechercherons pas plus longtemps qui, des deux, fut l’ « inventeur » de la commune passion qui les devait animer également et toujours.

Disons tout simplement qu’à huit ans ils éprouvaient un bonheur tout pareil à voir claquer les petites filles, que celles-ci fussent leurs sœurs, leurs cousines, leurs camarades. Bientôt, ils s’efforcèrent de saisir chaque occasion de jouer vis-à-vis de toutes, indistinctement, le rôle de Pères-fouettards sévères et convaincus. Mais, hélas ! à Paris, il n’en est pas comme à la campagne, où les enfants, livrés à eux-mêmes, échappent davantage à la surveillance. Rares étaient les moments propices où ils pouvaient exercer leur zèle prématuré de flagellateurs, si nettement dirigé exclusivement vers ce sexe qui, pourvu de généreuses rondeurs, leur faisait sentir déjà son attirance. Autant que Pierre, dédaigneux des minces derrières masculins, Monsieur Paul, parfois, s’émancipait avec ses sœurs. Étant plus fort qu’elles, il s’essayait au rôle correcteur ; mais, les petites ne se laissaient pas faire volontiers et cela lui valait personnellement, au rebours de ses aspirations, d’être par sa mère traité de telle sorte que rentraient illico en lui ses velléités de sadisme ingénu.

Pour un temps seulement, car il ne tardait guère, avec son ami, à pourchasser à nouveau ces affriolantes rondeurs dont le contact momentané devenait, pour leur main enfantine, un besoin réel.

Explique qui voudra les raisons profondes de la précocité sensuelle chez les enfants. Pour nous, nous y renonçons et nous croyons fermement que, tant physiologiques que psychologiques, ces raisons, neuf fois sur dix, échappent à toute analyse. C’est pourquoi, nous continuerons prudemment jusqu’à la fin de nos jours, à nous abriter derrière ces paroles de l’Apôtre, citées plus haut.

Et maintenant est-il nécessaire de nous attarder à relater les menus incidents émaillant l’enfance de deux flagellants ? Ce serait raconter une fois de plus des fessées naïves, comme nous en avons conté déjà beaucoup. Or, elles se ressemblent toutes. D’un saut, sans flâner davantage, passons donc résolument par dessus dix années entières et négligeons les puériles idylles de ces garnements avec de petites Parisiennes, dessalées autant qu’eux. Ne rejoignons les deux héros mâles de notre histoire que lorsque, la robe prétexte revêtue, ils auront atteint dix-huit ans.

Dix-huit ans ! L’âge heureux par excellence, au dire de tous les hommes — ou à peu près. Eux seuls, en effet, en gardent bon souvenir et, pour les femmes, l’âge heureux ne sonne que plus tard.

Pour nous autres, les messieurs, n’est-ce pas le meilleur temps ? L’on est déjà un homme, on agit, on se comporte comme tel, quoique encore trop jeune pour assumer les conséquences d’une émancipation le plus souvent accomplie à cet âge.

Paul et Pierre, à dix-huit ans, ne comptaient plus leurs bonnes fortunes. Volages, ils en avaient eu un nombre flatteur. Employés de commerce, tous deux, dans le quartier du Sentier, chez des commissionnaires différents, ils choisissaient leurs conquêtes plus encore parmi les jeunes employées que parmi les jeunes ouvrières qui fourmillent presque autant dans le voisinage. C’étaient les amies de leurs amies et, grâce à chacune d’entre elles, ils faisaient vite connaissance de quelques autres.

Or, de toutes les gentes demoiselles parmi lesquelles évoluaient avec aisance les aimables conquérants, il n’en fut pas une seule qui ne reçut les petites fessées de rigueur de l’un ou de l’autre, et même de l’un et de l’autre. Car fraternels, ils mettaient en commun leur bonheur, au cours des parties carrées organisées les dimanches et qui se déroulaient ordinairement à la face du ciel, dans quelque site agréable des environs de Paris.

Leurs liaisons en général ne duraient pas longtemps et leurs brèves amourettes ignoraient les fastidieux lendemains. On se quittait comme on s’était pris, après quelques parties à Robinson ou dans la vallée de Chevreuse. On avait déjeuné, dansé, dîné, en quelque endroit charmant qui, à l’époque, moins couru qu’à présent, ne retentissait pas du « coup de fusil » du traiteur sans vergogne qui aujourd’hui voit toujours des Américains dans les plus authentiques Parigots.

On s’arrêtait dans la solitude favorable de quelque boqueteau et alors s’accomplissaient les rites mouvementés et bruyants de la fessée double ; rites à jamais fixés dans l’ensemble mais qui, agréablement fantaisistes, variaient dans le détail, selon la personnalité différente de chacune de ces demoiselles et qui, pour elles répétés sans effort s’achevaient chaque fois de leur part en une pieuse contemplation de la feuille à l’envers.

Cela dura quelques années et s’interrompit brusquement par les obligations militaires de ces messieurs. Mais, sitôt achevé leur temps de présence sous les drapeaux, ils reprirent leurs habitudes que, versés tous deux dans la ligne, à Orléans, ils s’étaient efforcés de ne pas perdre, dans la mesure du possible.

Revenus à Paris, de nouvelle années se passèrent : leur situation s’améliora. Ils n’habitaient plus chez leurs parents et, comme c’étaient des sages, ils mirent à exécution un projet que, dès leur tendre jeunesse, ils avaient toujours caressé. Sans le savoir, ils se rencontraient avec Vauvenargues disant que « ce qui caractérise la belle vie, c’est d’être une pensée de jeunesse réalisée par l’âge mur ».

Cette pensée de jeunesse qu’ils réalisaient, c’était de vivre ensemble. Et ce fut, en effet, la belle vie.

D’abord modeste, leur installation dans un petit appartement devint peu à peu plus confortable et, comme, vers la trentaine, ils gagnaient, l’un et l’autre, assez d’argent dans la commission, ils habitèrent alors, de compagnie, un fort coquet domicile, rue Lafayette.

Depuis longtemps, déterminés à faire choix de compagnes appropriées à leurs goûts, ils consacrèrent des années à n’arrêter définitivement leur choix qu’après de nombreuses sélections.

Enfin, le jour vint — pour dire les choses comme elles furent — le jour vint où une certaine Estelle que Pierre avait élue d’abord, leur présenta une amie à elle qui, parfaitement, conviendrait non seulement à Paul, mais aussi à Pierre, autant qu’à elle-même, Estelle. Bref, cette Lucie serait l’idéal quatrième membre du quatuor irréprochablement homogène parce que parfaitement assorti.

Estelle était brune ; sa chère Lucie blonde. L’accord se fit avec Paul, mais il arriva — et cela dès le début — que ni l’un ni l’autre des deux dames ne fut l’épouse trop strictement attribuée à tel ou tel des deux messieurs.

Si, pour le concierge de la rue Lafayette, car c’est là qu’ils s’installèrent, le second hymen une fois conclu, la blonde Lucie était madame Paul et la brune Estelle madame Pierre, il arrivait que, dans la pratique, au gré de l’inspiration du moment, chacune des deux chambres à coucher contiguës abritait un couple qui, la veille n’avait pas toujours été celui-là.

Seuls, les messieurs restaient fidèles chacun à son lit ; mais, pour les dames, rien de pareil, c’était un perpétuel chassé-croisé.

En permettant à leurs compagnes ces continuelles trahisons, les deux maris témoignaient, certes, d’une haute sagesse. Mais, une telle concession à la féminine faiblesse prouve-t-elle seulement de l’indulgence ? N’y aurait-il pas lieu de soupçonner là des visées à la fois plus profondes et plus humainement pratiques ? N’était-ce pas, tout bonnement, faire la part du feu ?

Si quelqu’un parmi nos lecteurs, pouvait penser que les données de ce récit ont été imaginées par nous et que de tels ménages à quatre n’existent point dans la vie réelle nous lui dirions, en ce qui concerne ce quatuor, que déjà nos livres précédents l’ont fait connaître quelque peu. Plusieurs faits relatés, ici ou là, émanent de ces deux dames ou de ces deux messieurs. Tout en regrettant de ne pouvoir préciser, nous allons compléter nos indiscrétions, et les aggraver même, en transcrivant quelques documents, que nous tenons de Pierre, de Paul ou de leurs compagnes. Les renseignements de cette nature ne sont vraiment intéressants que recueillis de ceux qui vécurent personnellement les faits relatés.

Voici, par exemple, quelques souvenirs d’enfance de la brune Estelle.

Disons, tout d’abord, que si elle a vu le jour en Savoie il semble que ce soit uniquement pour démentir le mot cruel de Michelet qui, dans la préface de son Voyage en Italie, parlait en propres termes de la laideur savoyarde.

Or, Estelle est plus que jolie, elle est exquise.

Elle avait onze ans. Un jeudi, sortant du catéchisme avec les autres enfants du pays, filles et garçons, elle fut témoin oculaire d’une fessée infligée par le curé à un garçon d’une douzaine d’années, coupable de s’être mal tenu dans la chapelle.

La correction lui fut administrée sous le porche, en dehors de l’église, au vu non seulement des vingt-cinq enfants du catéchisme, mais encore de plusieurs mamans et grandes jeunes filles, demeurant sur la petite place et qui sortirent de chez elles avec empressement.

— Oh ! qu’est-ce qu’il prit comme fessée, le petit Rousseau ! Qu’est-ce qu’il prit !

C’est ainsi que s’exprime Estelle sur le compte de l’exemplaire correction administrée par le curé, un vigoureux gaillard de trente cinq ans qui tenait sous son bras, gigotant furieusement, le gamin déculotté. Ses fesses, une bonne paire, dit-elle, à l’air vif d’un frais matin de mars, étaient à la fin d’un rouge violet, amplement claquées à tour de bras.

La fessée est traditionnelle, dans la région, on le sait et le témoignage d’Estelle confirme, une fois de plus, cette constatation.

Elle-même en reçut sa copieuse part, jusqu’à quinze ans, de son père, de sa mère. Nombre de ses compagnes se trouvaient dans son cas dans leur famille.

À quinze ans, elle partit pour Paris, rejoignant une tante, mariée, établie hôtelière. Fût-elle restée au pays, elle y aurait été claquée, sans aucun doute, deux ou trois ans encore. Car le fait n’offrait rien de rare, de la correction par la fessée, à nu, de jeunes filles de dix-sept ans, au moins. Elle en fut, d’ailleurs spectatrice, quinze fois, affirme-t-elle, et même peut-être plus encore, dans sa petite ville.

Elle y avait une autre tante, demeurant non loin, quelques maisons en-deça de la route montante à la montagne. Mère de deux filles et d’un garçon, sa tante ne manquait jamais de les fesser quand elle les devait punir. Estelle elle-même reçut, de sa tante, quelques fessées, appliquées, toutes, de manière à ce que s’en conservât le souvenir dans sa mémoire, aussi nettement imprimé après des années que l’était, sur le moment, la marque rouge des mains avunculaires sur le séant crispé de sa nièce.

Au dire d’Estelle, d’une fessée de sa tante on se ressentait une heure durant, au bas mot.

Nous avons parlé quelquefois de marques persistant tout une semaine : Estelle prétend avoir été à même d’en observer de telles, maintes et maintes fois et datant de plus loin, de quinze jours sûrement. Dans son entourage, les fessées se donnaient toujours vigoureusement. Sa mère ne claquait jamais autrement ; mais sa tante l’emportait encore en rudesse.

Ne cachons pas — car c’est la vérité — qu’à la jolie Estelle ne déplaisent nullement à l’heure actuelle les fessées vigoureuses. Il lui semblerait simplement ridicule que l’on claquât doucettement un derrière féminin. Lorsqu’elle en administre une à son amie Lucie, qui est plus grande et plus forte, ses gifles s’abattent en pluie dense et serrée, comme elle l’aime recevoir. C’est la façon de fesser qu’on connaît « par chez elle » et, à son avis, c’est la meilleure.

Que de fois goûtèrent-elles ensemble à qui lasserait l’autre s’employant de son mieux à bien fesser sa chérie et cela, pour la plus grande joie de Pierre et de Paul ? Proclamons que c’est Estelle qui fut toujours victorieuse dans ce match impressionnant.

Il serait, en effet, difficile à une jeune dame d’aimer davantage la fessée soignée. Les claques consciencieuses, ses admirables fesses dures les réclament, avant l’amour, comme le stimulant idéal. Elles les réclament aussi, aux heures chastes, comme l’agent le plus actif de la santé.

Quant à Lucie, la blonde, Parisienne authentique, si elle était la tendre amie d’Estelle, il y avait de forte raisons pour cela. Raisons multiples, certes, mais parmi lesquelles l’amour du Fouet comptait comme une des primordiales.

Toutes deux naguère travaillaient dans un même bureau où elles étaient entrées ensemble à quelques jours près. C’est là qu’elles firent connaissance et se sentirent attirées, l’une vers l’autre, par le fluide mystérieux que chacune dégageait et dont l’autre s’avérait merveilleusement outillée pour capter les effluves.

Batignollaise, Lucie avait été élevée en pension à une vingtaine de lieues de la capitale. Quand l’on fouettait, dans cette pension, ce n’était jamais en présence des autres élèves. La Directrice opérait dans son bureau particulier, seule avec la délinquante le plus souvent. Parfois, quand il s’agissait d’une petite fillette, c’était devant l’élève plus grande qui, sur l’ordre de la maîtresse de la classe, avait mené à Madame la jeune dissipée, la jeune paresseuse méritant d’être corrigée

Lucie qui quitta la pension à seize ans, après un séjour de cinq années, comptait parmi les meilleures élèves. Elle prenait progressivement du plaisir aux fessées des gamines qu’avec empressement elle conduisait, pour être châtiées, à la Directrice. Déjà bien jolies à voir, à huit ans, à neuf ans, elle trouvait que les petites fesses des filles le sont plus encore à dix, douze, surtout lorsque les font se bien démener les claquées copieuses davantage au fur et à mesure que leurs rondeurs géminées gagnent en volume. Quand il lui arrivait, les deux dernières années, de pouvoir contempler une condisciple, sinon de son âge, mais développée pour ses douze ou treize ans, titulaire de formes épanouies, franchement accusées, et, avec cela, les tortillant louablement sous une sévère fessée, rien ne l’eût rendue plus heureuse. Cette vision la portait à un éréthisme intense et lui inspirait un désir effréné de fesser, désir obsédant qui devenait chaque fois, la hantise d’une ou de deux heures de fièvre, le soir, sitôt dans son lit.

Les derniers huit mois, étant monitrice et surtout lorsque tout un trimestre elle suppléa la maîtresse de la seconde classe qui, souffrante, dut à la fin être remplacée, elle avait perfidement poussé à se mettre en défaut, leur tendant même des pièges, quelques élèves appréciées d’elle spécialement pour leurs reins souples et leurs jambes fertiles en beaux gigotements. Entre autres, une fillette de douze ans qui, loin pourtant d’être la plus callipyge et qui, même, peu précocement épanouie dans l’ensemble de sa jeune académie se montrait moyennement charnue ; mais qui l’excitait fort par une outrance remuante se manifestant par des jeux de fesses vraiment uniques, dont n’approchaient ceux d’aucune autre élève.

Les corrections n’étant jamais administrées publiquement en classe, l’émulation n’entrait pour rien dans cette extraordinaire mobilité. Si la Directrice ne semblait ressentir nulle émotion à l’observer, elle, Julie, s’en délectait et, en y songeant aujourd’hui, elle la considère comme l’artisan principal de sa vocation.

Revenue chez ses parents, elle put quelquefois satisfaire sa passion de fouetter avec des cousines, des amies ; car elle continua ses études jusqu’à dix-huit ans.

Elle occupa alors des emplois de secrétaire dans des bureaux où elle put contracter quelques amitiés qu’elle poussa jusqu’où elle entendait pousser les amitiés féminines. La fessée, toujours et toujours y était — et dans chacune — son objectif principal.

Lorsqu’elle fit la rencontre d’Estelle, aussitôt elle s’éprit de la jolie brune, grande et svelte, nantie d’une croupe merveilleuse et elle ne tarda pas à parvenir à son but. Dans la chambre modeste qu’elle occupait rue des Jeûneurs, elle emmena celle que, dans le bureau, elle poursuivait ardemment sans lui celer, dès le second jour, qu’elle avait une furieuse envie de la fesser.

Un an plus tard, lorsque Estelle eut fait la conquête de Pierre, elle lui parla de Lucie qui pour Paul serait la compagne rêvée. Nos lecteurs, désormais savent le tout de leur histoire et nous n’avons vraiment plus qu’à les instruire de quelques points de détail complémentaires.

Si, par la force des choses, Lucie a pris goût à être fessée elle-même, c’est quand même comme flagellante active qu’on la doit cataloguer. Le côté actif de cette passion domine chez elle, cela est évident. Elle adore fouetter les autres femmes.

Mais, elle apprécie à présent les fessées qui lui sont infligées de mains masculines. Elle y prend, de jour en jour, un plaisir plus certain et voici ce qui est devenu pour sa sensualité, le programme d’une séance de flagellation conçu de façon à la satisfaire complètement : rendre à une femme la fessée qu’elle vient de recevoir d’un homme. Après avoir été fouettée par Paul ou par Pierre, elle fouette avec amour sa chère Estelle.

Dans les souvenirs de sa carrière, courte, comme peut l’être d’une femme aussi jeune, mais carrière féconde pourtant en heureuses rencontres, nous en cueillons deux que, quant à nous, nous trouvons singuliers et piquants.

Quatre ans avant de connaître Estelle, Lucie avait accompagné sa mère dans une ville d’eau. Elle avait dix-neuf ans alors. Pour sa santé, sa mère devait faire une cure de vingt-et-un jours. Nous tairons le nom de l’endroit et nos lecteurs comprendront à l’instant les raisons de notre réserve. Guidées par des raisons d’économie, mère et fille étaient parties en juin. Elles logeaient en ville chez une dame qui d’ordinaire avait douze pensionnaires, dans le moment de la pleine saison, c’est à dire en juillet-août. Au début de l’été, en juin, elle n’en logeait que deux autres indépendamment de Lucie et de sa mère. Ces deux-là, étaient aussi une maman parisienne avec sa fille de seize ans, qui arrivèrent le même jour.

Or l’hôtesse avait une fille également, grande et belle brune de dix-huit ans. Lucie se mit en tête de fesser, l’une comme l’autre, ces demoiselles, celle de seize ans, celle de dix-huit.

Les trois jeunes filles couchaient dans la même chambre, en haut de la maison. Trois lits étroits d’une seule place étaient disposés dans cette pièce vaste, à la vérité un grenier, mais aménagé fort proprement, avec goût même.

Autant à la jeune Parisienne, jolie adolescente fine, qu’à la vigoureuse provinciale, Lucie dispensa les fessées qui, délicates et mesurées pour commencer, furent bientôt mieux conditionnées. Mettant à profit les moments propices, ceux où les deux mamans prenaient les eaux, ou quand l’hôtesse était en bas, les trois jeunes filles, chargées de faire leur chambre et celles des mamans avaient toute facilité de s’ébattre à leur guise.

Les mères parisiennes, de retour chez elles, leur cure terminée, continuèrent d’entretenir de bonnes relations. Leurs filles également et, elles, des relations de plus en plus tendres. Si bien que parvenue à l’âge de vingt-et-un ans, la charmante jeune fille, trois ans après tenait plus que jamais à recevoir de Lucie les exquises fessées dont celle-ci lui avait enseigné à déguster l’étrange saveur.

Une autre jolie expérience fut faite par Lucie, mais à Paris même, avec une ancienne camarade d’enfance qui, aussi longtemps qu’elle, avait fréquenté la pension où, à l’occasion, la Directrice recourait sagement au fouet.

Cette condisciple, appelée Simone, était plus jeune que Lucie. De deux ans, et elle resta pensionnaire un an entier, après le départ de Lucie.

À Paris, elles se revirent : Simone avec sa mère vint lui rendre visite et les deux familles se lièrent.

Sans être la plus remarquable de toutes, sans être la trépidante dont nous avons parlé, Simone se rangeait parmi celles que l’autre avait vu fouetter avec le plus de plaisir. À présent, pouvant en personne jouer le rôle rempli, sous ses yeux, par la Directrice qui lui inspirait tant d’envie, Lucie ne se fit pas faute de s’inspirer de son exemple.

C’est à quoi elle s’évertua. D’abord, assez étroitement, en reproduisant scrupuleusement, sans y rien adjoindre, ses classiques fessées, adoptant les mêmes positions descendant pareillement le pantalon, copiant sa façon de claquer, régulière, peu rapide, ignorant l’emballement même avec les pires gigoteuses. Mais, quelquefois, les jeunes filles ayant, une nuit entière, partagé le même lit, l’heureuse Lucie avait avidement profité de ces aubaines. Infiniment plus favorables que les courtes demi-heures, qui, par ci, par là, s’offraient à l’imprévu, ces nuits furent, hélas ! trop rares. N’importe, elle y avait eu tout à sa disposition le corps adorable de la brunette potelée qui, déjà gentiment pourvue à douze ans, possédait maintenant, à quinze, un derrière plus agréable encore à manier qu’il ne l’avait paru jadis à suivre du regard dans sa mimique alléchante. Les crispations des fesses de l’enfant, l’adolescente, loin d’en avoir perdu le secret, les accentuait encore, au contraire, et, bien mieux que la main impassible de la Directrice, celle de Lucie, toute chargée de passion, les provoquait à son tour. Pour elle qui si souvent les avait évoquées, dans ses rêves éveillés, quelle joie c’était d’animer de cette vie des fesses expressives comme celles-là qui, tant de fois, incitèrent au péché nocturne la candide pensionnaire.

Et pourtant, Simone n’était pas la flagellante passive qu’on croyait découvrir en elle. Non ; mais sans en être fanatique comme Lucie, elle aimait suffisamment la fessée pour se prêter au caprice de celle qui lui inspirait une affection évidemment justifiée.

Des quatuors du genre de celui que nous venons de vous présenter sont-ils rares ?

Oui, sans doute et l’on n’en trouve moins que de trios. Mais, il en existe plus qu’on ne croit — et même qui, parfois sont formés de deux couples mariés légalement.

Et où est le mal, après tout ? Convient-il même de s’en étonner ? Convient-il moins encore de les blâmer ?

Ce serait au nom de quelle morale ? Telle est la question qu’en terminant nous vous demandons la permission de poser, nous bornant, quant à nous, à répéter le vieil adage :

Honni soit qui mal y pense.

Jacques d’Icy.
Paris. Novembre 1925.