Côtes et Ports français de l’Océan/04

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Côtes et Ports français de l’Océan
Revue des Deux Mondes4e période, tome 157 (p. 653-684).

Côtes et ports français
de l'océan


IV.  La Loire MARITIME[1]


I

On ne lit pas sans un certain étonnement dans quelques auteurs classiques du Ier siècle que la Loire roule toujours des eaux azurées et tranquilles. Il est vrai que ce sont en général des poètes ; et il est probable qu’ils n’avaient entrevu le grand fleuve qu’au cours d’une paisible villégiature, dans cette belle et riche vallée qu’on continue à appeler, un peu par habitude peut-être, le « jardin de la France, » à l’ombre des arbres de ces belles forêts riveraines au feuillage argenté, ou dans une de ces nombreuses îles verdoyantes qui font le bonheur des peintres et le tourment des ingénieurs[2].

La Loire est au contraire le fleuve le plus capricieux, le plus inégal, le plus indiscipliné peut-être de la France, et ses eaux sont presque toujours jaunes et troubles. Tantôt paresseuse et presque à sec, brusquement violente et en crue, elle arrête la navigation par ses bancs de sables mobiles ou la met en danger par ses courans rapides et ses inondations. Tour à tour trop riche et trop pauvre en eau, elle ne peut guère être utilisée, dans la majeure partie de son cours, que pendant la moitié à peine de l’année. L’écart entre son débit d’étiage et celui de ses crues extrêmes est dans la proportion de 1 à plus de 300, dix fois plus que pour la Seine et même le Rhône. On n’estime pas à moins de 500 000 à 1 500 000 mètres cubes la quantité de sables et de terres enlevée par la Loire, suivant les années, en amont de son confluent avec l’Allier. L’Allier seul lui apporte un volume de menus matériaux bien plus considérable, plus de 6 millions de mètres cubes par an[3]. Cette masse prodigieuse de débris de toute sorte arrachés à toutes les gorges latérales, chemine ainsi jusqu’à la mer, se déposant de distance en distance, sans ordre et sans règle, exhaussant les bas-fonds, créant des flèches de sable, transformant et déplaçant les îles, modifiant après chaque grande crue la ligne du thalweg, la longueur et la profondeur du lit et même l’aspect général de la vallée. Cette double action d’érosion et de dépôt fait de la Loire un fleuve véritablement errant, que sans doute le travail de l’homme corrige sans cesse, mais qu’il n’a pu encore complètement dompter.

Ce qui caractérise essentiellement la Loire, c’est la largeur démesurée de son lit, et son encombrement par un nombre considérable d’îles et de dépôts souvent mobiles. « La Loire, dit quelque part Stendhal, est ridicule à force d’îles. Une île doit être une exception pour un fleuve bien appris ; mais, pour la Loire, l’île est la règle, de façon que le fleuve, toujours divisé en deux ou trois branches, manque d’eau partout. » Le trait est plaisant et même assez juste ; mais, au demeurant, la Loire est un des plus beaux fleuves de l’Europe. Son développement est de près de 1 000 kilomètres ; son bassin comprend plus du cinquième de la superficie totale de la France. Bien qu’elle ne soit pas orientée du Sud au Nord et par suite n’ait jamais été un grand chemin des nations et du commerce, elle a été longtemps navigable et même très fréquentée. Elle le redeviendra certainement un jour ; et, quelle que soit la solution de l’avenir, — canal latéral ou régularisation du lit par des travaux en rivière, — on ne saurait douter, en présence de la multitude et de l’importance des intérêts engagés, que la situation, aujourd’hui assez précaire, ne soit, dans un avenir plus ou moins lointain, sérieusement améliorée.

La Loire ne présente un sérieux mouvement commercial que dans sa partie maritime, et ce mouvement remonte très certainement au-delà de l’origine même de notre ère ; mais, à cette époque, la situation des lieux était bien différente de celle que nous voyons aujourd’hui. La Loire maritime commence naturellement au point où le flot de marée vient rencontrer et soutenir en quelque sorte le courant fluvial ; c’est à peu près à Mauves, à 15 kilomètres environ en amont de Nantes. En réalité et pratiquement, c’est à Nantes même que la marée intervient sérieusement. C’est là que se trouvait le port des Namnètes, une des petites peuplades de la grande tribu des Vénètes, qui occupait presque tout le Sud de la vieille Armorique. Son origine se perd un peu dans la nuit des temps. Le petit groupe marin des Namnètes a d’ailleurs donné son nom à la ville et au port, portus Namnetum, Nantes. C’est ainsi qu’on peut le lire sur la carte de Peutinger. Au ier siècle, ce n’était pas un chef-lieu de cité, civitas, mais un simple bourg maritime, vicus portensis ; et c’est sous cette rubrique qu’il nous est donné par trois inscriptions fort importantes, connues de tous les épigraphistes et de tous les géographes, et conservées précieusement au musée archéologique de Nantes, l’une d’elles particulièrement intéressante parce qu’elle mentionne à la fois le port et les nautoniers de la Loire[4]. Ptolémée, de son côté, le désigne sous le nom hybride de Condavicum, dans lequel on trouve à la fois la mention d’un bourg, vicus, et celle d’un confluent, condate[5]. Nantes est en effet établi tout à fait à la rencontre de l’Erdre et de la Loire ; et ce nom double semble indiquer que la ville se composait de deux quartiers distincts, l’un en bas sur la rive du fleuve, l’autre un peu sur la hauteur où l’on a retrouvé d’assez nombreux débris de l’époque celtique ; disposition analogue à celle de Lyon, qui comprenait même trois villes bien nettement définies : la première, la ville romaine, patricienne et impériale, étagée sur le coteau de Saint-Just ; la seconde, dont le centre était le quartier moderne des Terreaux, qui était la ville religieuse et sacerdotale des soixante cités de la Gaule Chevelue et où se trouvait le célèbre autel de Rome et d’Auguste ; la troisième enfin, la ville cosmopolite et marchande, qui s’étendait sur les berges du confluent du Rhône et de la Saône, et qu’on appelait naturellement la « ville du confluent », Condate Lygdunensis.

La situation de Nantes, alors surtout que les routes faisaient à peu près défaut sur le sol de la vieille Celtique, était réellement de premier ordre. La Loire, l’Erdre et la Sèvre nantaise s’y réunissent en une sorte de carrefour fluvial, divisé en quatre bras, entre lesquels émerge un véritable archipel d’îles. Cette division du lit adoucit d’une manière très sensible la force du courant ; et le passage d’une rive à l’autre, ainsi fractionné, présente par suite de très grandes facilités. Par l’Erdre, on pouvait s’avancer assez loin vers le Nord dans l’Armorique, à travers le pays des Vénètes. Par la Sèvre nantaise, on remontait dans le pays des Lémovices et des Pictons, dont l’ancien chef-lieu de cité se trouvait presque en face de Nantes, à Rézé, l’ancien Ratiatum de Ptolémée[6]. Par la Loire fluviale on pénétrait tout à fait au cœur de la Celtique. Par la Loire maritime enfin, on allait à la mer.

La distance de Nantes à l’Océan n’est d’ailleurs que d’une cinquantaine de kilomètres, deux fois moins que celle de Bordeaux au cap de la Coubre ou à la pointe de Grave. L’embouchure du fleuve se trouve à peu près sur la ligne qui joint les falaises de Saint-Brévin, sur la rive gauche, au rocher de Saint-Nazaire, sur la rive droite. Les deux promontoires se font face à 2 kilomètres seulement de distance. C’est un rétrécissement. Immédiatement en amont de cet étranglement, la Loire a près de 4 kilomètres de rive à rive. En aval, la rade s’étale magnifiquement ; et la côte, largement échancrée, dessine un admirable golfe dont les saillies extrêmes sont la pointe de Chemoulin et celle de Saint-Gildas, séparées par un bras de mer de près de 12 kilomètres.

Au milieu de ce golfe, quelques bancs sous-marins, quelques platins rocheux. Plusieurs émergent et peuvent servir d’amers. La Pierre-Percée en particulier est reconnaissable entre tous par son ouverture naturelle, qui lui donne l’air d’un grand portique et sert de relèvement aux pilotes. D’une rive à l’autre, s’étend un large seuil, sur lequel peuvent passer, à toute marée, des navires de 500 tonneaux, mais que les troubles de la Loire tendent à nourrir et à exhausser sans cesse. C’est la Barre des Charpentiers. Des dragues puissantes y ont creusé et y entretiennent une passe qui permet même aux Transatlantiques de s’y engager. Mais on n’estime pas à moins de 400 000 mètres cubes environ le volume des sables qui passent annuellement sous les ponts de Nantes et qui proviennent de la désagrégation du plateau central que traverse la Loire supérieure et de l’érosion de ses berges et de celles de son plus fort affluent, l’Allier. Ces sables tendent à se déposer sans doute dans la Loire maritime et remblayent sans cesse ses bas-fonds ; mais une assez notable partie chemine toujours vers l’Océan. La houle et la mer soulevées par les vents du large attaquent aussi les fonds et les rives de la pointe de Chemoulin ; et les produits de cette corrosion, rejetés vers l’embouchure de la Loire, se déposent forcément à la rencontre du flot de marée et des eaux de jusant. La barre a donc toujours une tendance à s’exhausser.

Le remède le plus radical serait à la vérité de consolider les talus et les rives du fleuve supérieure ! de ses affluens et de prévenir ainsi, d’une manière complète, toutes les érosions. Des reboisemens et des gazonnemens exécutés dans les hautes vallées permettraient à la longue d’obtenir ce résultat. Ce serait une solution idéale sans doute, économique peut-être, mais malheureusement très lente pour ne pas dire séculaire ; et elle ne saurait donner une satisfaction sérieuse au commerce, qui exige impérieusement qu’on lui assure, à bref délai, le passage de ses Transatlantiques, qui ne veut et ne peut attendre, parce que pour lui surtout le temps est de l’argent. On s’est donc contenté de creuser à travers la Barre des Charpentiers, au moyen de ces fortes dragues aspiratrices qu’on appelle des « suceuses, » parce qu’elles pompent la vase et la boue aussi facilement que de l’eau, un chenal d’une profondeur suffisante.

Les tempêtes du large et les apports du fleuve tendront sans doute toujours à la remblayer et à l’exhausser. La lutte entre la machine qui creuse et la mer qui comble sera incessante ; mais les grands appareils dragueurs qu’on emploie aujourd’hui auront certainement l’avantage ; et leur puissance d’extraction permettra incontestablement d’abaisser le seuil de la passe à la profondeur voulue et d’assurer aux plus gros navires, sauf dans des cas extrêmes, leur entrée en Loire dans des conditions très satisfaisantes[7].

II

La profondeur de la Loire maritime, même lorsque le fleuve est à son extrême étiage et pendant les plus basses mers, permet en tout temps l’accès du port de Nantes aux bateaux d’un tonnage moyen ; et comme on ne saurait mettre en doute que le fleuve a éprouvé un envasement séculaire, il est certain qu’à l’origine de notre ère, le port des Namnètes pouvait recevoir très facilement et à toute marée les plus gros navires de mer de l’époque. Le lit de la Loire présentait même alors une largeur bien plus considérable ; et, sans parler des endiguemens qui l’ont rétréci, il est évident que les vases, les sables, les matériaux de toute nature, charriés par le courant et arrêtés par le flot pendant une série de siècles, ont peu à peu exhaussé bien des bancs, colmaté bien des fosses, comblé bien des anses et soudé définitivement à la rive bien des îles flottantes, qui en étaient autrefois séparées par des « bras morts. » La Loire maritime devait donc très probablement être à la fois beaucoup plus large et beaucoup plus profonde à l’époque celtique et romaine que de nos jours.

Le rocher de Paimbœuf (Pen-bo ou Pen-ochen, tête de bœuf), qui forme aujourd’hui une sorte d’éperon naturel, dont la saillie détermine un brusque changement dans le courant du fleuve, était autrefois en pleine Loire et n’est rattaché à la terre ferme que par des atterrissemens qui ne datent pour ainsi dire que d’hier. L’île dans laquelle sont établies les forges d’Indret n’est séparée de la rive que par un petit canal sans profondeur, sans courant, et qui peut être comblé d’un jour à l’autre ; elle n’a réellement d’île que le nom, et elle le conserve seulement comme souvenir de son ancien état. On peut faire les mêmes observations sur quelques points encore de la rive gauche, avant ou après Indret ; mais cependant, d’une manière générale, la limite de la terre et de l’eau, et le niveau des grandes inondations et des grandes marées sont restés à peu près les mêmes sur cette rive, et la terre n’a pas de ce côté sensiblement empiété sur le fleuve.

Tout autre est la rive droite, qui présente une série à peu près continue de parties basses, submersibles, marécageuses, couvertes quelquefois encore de grandes mares d’eau sans profondeur et ayant presque l’aspect de lagunes mortes après quelques jours de pluies persistantes ou pendant les inondations. De Nantes à Couëron, sur une vingtaine de kilomètres environ, la Loire paraît avoir eu de tout temps la même largeur. Quelques inflexions de ses bras peuvent avoir changé, quelques îles ont pu se transformer, se déplacer même ; mais le fleuve s’est maintenu dans ses grandes lignes et a gardé le même caractère, la même physionomie. A partir de Couëron au contraire, il s’est notablement élargi ; et la rive droite présente jusqu’à Saint-Nazaire une succession de berges très basses et de petits plateaux rocheux d’une très faible altitude, de 10 à 20 mètres en moyenne. Quelques-unes de ces berges sont encore submersibles par les grandes crues ; elles sont formées d’alluvions récentes qui ne paraissent pas remonter beaucoup plus haut que l’origine de notre ère ; et ou peut regarder comme à peu près certain qu’à l’époque romaine, toute la zone aujourd’hui émergée pendant la plus grande partie de l’année, qui s’étend entre le chemin de fer de Nantes à Pontchâteau et la Loire moderne et qui a une largeur variant de 4 à 12 kilomètres et un développement d’une trentaine de kilomètres, faisait autrefois partie du fleuve lui-même, et présentait une série d’anses naturelles, dans lesquelles tous les navires de l’époque pouvaient facilement pénétrer et mouiller dans des eaux tranquilles et presque mortes, à l’abri de tous les courans.

D’une manière générale, toutes les escales de la rive droite moderne étaient alors des îles. Lavau, Donges-sur-Loire, Montoir en Bretagne étaient entourés de tous côtés par l’eau, insubmersibles sur de petits massifs rocheux surexhaussés en moyenne de 10 à 15 mètres au-dessus du sol de la plaine inondée et navigable. Cette lagune vive s’est graduellement transformée depuis en une grande vasière coupée de nombreux étiers d’écoulement.

Le plus important et le plus remarquable de tous ces golfes, aujourd’hui comblés par les alluvions, est l’étrange pays qu’on désigne sous le nom de « la Grande-Brière. » Ce n’est ni un marais, ni une lande, ni une prairie, ni un terrain en culture ; et c’est un peu de tout cela. Vaste plaine de près de 3 000 hectares, qui change d’aspect deux fois par an. En été le sol est recouvert de roseaux et d’un assez maigre tapis gazonneux, et plus de 10 000 moutons y broutent une herbe salée qui donne à leur chair une qualité supérieure ; en hiver, c’est un lac où l’on pêche du poisson et où l’on chasse du gibier d’eau. Mais ce ne sont là que les revenus accessoires et, pour ainsi dire, d’agrément de ce bassin tour à tour lacustre et émergé. C’est le sous-sol, en réalité, qui en constitue la véritable richesse. Ce sous-sol est formé d’une couche épaisse de tourbe qui n’est sans doute pas absolument inépuisable, mais qu’une exploitation plusieurs fois séculaire n’a pas encore sérieusement appauvrie. Il est certain que la rivière a été en partie occupée autrefois par une grande forêt dont les troncs d’arbre, — presque tous des chênes et des bouleaux, — de dimensions souvent colossales, quelquefois pourvus encore de leurs branches principales et de leurs racines, se retrouvent à quelques mètres au-dessous du sol, assez nombreux pour être l’objet d’une exploitation très productive. Noirs comme du charbon, presque mous lorsqu’on vient de les exhumer, ils acquièrent rapidement à l’air une très grande dureté, deviennent un excellent bois de chauffage et peuvent même être employés à tous les ouvrages de charpente. La forêt primitive a été en partie détruite, à l’origine de notre époque géologique, par les irruptions de la mer entre Saint-Nazaire et Montoir, en partie étouffée par l’accumulation des plantes spongieuses qui se sont développées sur le sol noyé. Elle s’est transformée en tourbière, et cette tourbière est ingénieusement desséchée après tous les hivers par une série de roubines ou d’étiers dont le principal est l’étier de Méan, qui est le grand collecteur de toute la région.

Cet étier de Méan, qui débouche aujourd’hui en Loire, un peu en amont de Saint-Nazaire, porte aussi le nom de rivière du Brivet ; et, dans son cours inférieur, ce Brivet paraît avoir éprouvé, depuis l’époque romaine, une déviation assez sensible. Il est probable que ses eaux s’écoulaient alors directement à la mer au nord de Guérande ; et c’est à peu près là qu’on a souvent placé l’ancien port que Ptolémée désignait sous le nom de Brivates Portus et qui semble bien avoir donné son nom au Brivet moderne[8].

Les géographes ne sont pas tout à fait d’accord sur son tracé exact ; mais tous s’accordent pour placer son embouchure en un point quelconque de la rive, dans cette grande échancrure de la Loire, qui constitue aujourd’hui la Grande-Brière, et estiment qu’elle devait se trouver soit aux abords immédiats de Saint-Nazaire sur le fleuve même, soit un peu au nord de Guérande, dans le chenal qui faisait communiquer alors avec l’Océan les eaux du golfe aujourd’hui presque colmaté, souvent à sec et peut-être légèrement surexhaussé. Ce qui est tout à fait certain, c’est qu’à l’époque de la conquête, et, à plus forte raison, quelques siècles avant notre ère, la Grande-Brière était complètement noyée, que le flot de la marée y pénétrait librement, soit au Sud par la Loire, soit au Nord-Ouest, aux abords de Saint-Lyphard, par un défilé plus étroit, qui paraît même avoir été artificiellement approfondi, et où on a retrouvé quelques retranchemens gallo-romains et des débris anciens assez nombreux pour qu’on ait pu y reconnaître l’emplacement d’une station navale, et le proposer aussi comme l’ancien Brivates Portus de Ptolémée. La plaine liquide et navigable, fluviale et maritime tout à la fois, et dont nous n’avons plus aujourd’hui sous les yeux que les laisses paludéennes, couvrait alors tout l’espace circonscrit par Lavau, Savenay, Prinquiau. Pontchâteau, Crossac, Sainte-Reine, la Chapelle-des-Marais, Herbigne, Saint-Lyphard, Saint-Nazaire et Saint-André-des-Eaux ; et ces localités, presque toutes devenues exclusivement agricoles, étaient autrefois de véritables ports sur les rives de la grande anse naturelle du fleuve que les alluvions ont à peu près comblée. Au centre de cette lagune vive émergeait un nombre assez considérable d’îlots, qui gardent encore leur ancienne dénomination d’îles, — île Fedrun, île Mazin, île de Trignac, île Pandilh, île Besné, île Saint-Joachim, etc. Même encore aujourd’hui, pendant l’hiver, lorsque la plaine est inondée, elles surgissent et semblent flotter au-dessus de l’eau.

Pendant l’été, au contraire, à l’époque des grandes sécheresses, lorsque la lagune est vidée par ses nombreux étiers pour permettre l’exploitation de la tourbe, elles forment de petites éminences isolées, séparées par des fossés et ne communiquent entre elles que par une série de petits canaux encombrés de barques. Chaque cabane de ces bourgades en quelque sorte amphibies possède, comme les plus humbles maisons de Venise, sa gondole. C’est le véhicule traditionnel du pays, l’appendice en quelque sorte indispensable de la plus modeste habitation, qui sans elle serait absolument isolée.

La Grande-Brière était donc autrefois une véritable petite mer ; elle communiquait avec le fleuve par deux passages très larges, l’un de 8 kilomètres, entre Saint-Nazaire et Donges, l’autre de 3 kilomètres, entre Donges et Lavau ; ses eaux s’abaissaient et s’élevaient en même temps que celles du fleuve et de l’Océan, et le trop-plein, à mer basse, pouvait aussi s’écouler au Nord-Ouest du golfe, par le défilé de Saint-Lyphard qui formait une sorte de goulet naturel. La reconstitution topographique de l’ancien état des lieux ne saurait par conséquent laisser aucun doute ; et il suffit de savoir lire sur une carte géologique pour reconnaître que tout le territoire, aujourd’hui entouré de bas-fonds, de vasières et de marais salans dont la petite ville de Guérande occupe la position dominante, et qui est désormais soudée au continent, en était autrefois complètement séparée et constituait une grande île de plus de 30 kilomètres de long sur 20 kilomètres environ de largeur ; c’était probablement l’île que Pline et l’Itinéraire maritime désignent sous le nom d’insula Arica[9].

La gracieuse Guérande, entourée de remparts de granit noir couronnés de mâchicoulis et enguirlandés de lierres et de chèvrefeuilles, a conservé presque intacte sa physionomie du moyen âge. Ses larges fossés, ses quatre portes, dont l’une est, avec ses annexes, une véritable forteresse, ses dix tours crénelées, ses vieux manoirs à tourelles, l’admirable profil de sa vieille église, et surtout l’opulente ceinture d’arbres séculaires qui l’enveloppe d’ombre et presque de mystère, lui donnent un très grand air et surtout l’air d’un autre temps. Vue à distance, on dirait plutôt une oasis ou un nid de verdure qu’une place forte des temps chevaleresques et héroïques. Ce n’est plus aujourd’hui que le centre modeste des paludiers et des saliniers de la région, et elle a perdu toute l’importance maritime et guerrière qu’elle paraît avoir eu jadis. Il est même probable que, comme Nantes des anciens temps, la vieille Guérande comprenait deux quartiers distincts, la ville haute et la ville basse ; — la première Wen-ran, Gwen-ran ou Gucr-Grann, établie sur le plateau et qui a subsisté, excellent poste d’observation militaire, dominant à la fois la Loire qui remplissait la Grande-Brière et l’Océan qui venait battre le pied de la falaise, et que l’on croit reconnaître dans la Grannona mentionnée par la « Notice des dignités de l’Empire ; » — la seconde, qui semble répondre au port de Corbilon, cité par Polybe, mais dont il n’existait plus déjà que des souvenirs au temps de Strabon, ou au port de Veneda, mentionné dans d’anciennes chroniques, qui paraît avoir existé à l’embouchure même de la Loire sur l’Océan, et dont le nom rappelle le peuple des Vénètes, qui occupait la partie méridionale de la presqu’île armoricaine et toute la rive droite de la Loire maritime[10].

Veneda existait d’ailleurs encore à l’époque de l’invasion des Normands et devait se trouver quelque part près de Clis, de Kramagen, de Beslin, du Pouliguen ou de Saille, dans cette zone littorale presque entièrement occupée aujourd’hui par des salines. L’emplacement exact est d’ailleurs assez difficile à préciser. Toute la région est à peu près colmatée depuis plusieurs siècles, et même en partie cultivée ; mais l’ancienne topographie des lieux peut être assez bien reconstituée ; et il est certain que les territoires de Batz et du Croisic étaient autrefois tout à fait isolés en mer et séparés de la terre ferme par un détroit navigable ; que les atterrissemens ont peu à peu comblé ce détroit et l’ont transformé en marais salans. Saille, le Croisic et Batz étaient jadis trois îles distinctes. Aujourd’hui encore, bien que définitivement relié au continent, le plateau de Batz s’appelle toujours « l’île de Batz. » Les étangs salés qui séparent les superbes rochers du Croisic de la falaise de Guérande, et les bas-fonds marécageux qui les entourent portent le nom de « Grand-Traict » et de « Petit-Traict, » dont l’étymologie transparente, trajectus, passage, indique bien qu’il existait alors entre les îles et la terre un goulet plus ou moins profond, mais très certainement accessible aux bateaux. L’île de Batz est encore mentionnée dans des actes du IXe siècle sous le nom d’insula Bafus[11]. Ses habitans ont conservé des mœurs pour ainsi dire insulaires, un grand attachement à leurs coutumes locales, un dialecte à part. C’est une conviction pour eux, — et la pureté, et la fixité de leur type semblent leur donner un peu raison, — qu’ils sont d’une autre race que les populations bretonnes qui les entourent. Ils se disent d’origine saxonne ou Scandinave, et tiennent encore à conserver par des mariages presque exclusivement contractés entre eux leurs noms, leur caractère et leur sang.

On le voit donc, d’une manière générale, à part quelques rectifications partielles, quelques déplacemens de berges et de bas-fonds, quelques rattachemens isolés à la terre ferme, comme ceux des anciennes îles d’Indret et de Paimbœuf, la Loire maritime n’a pas sensiblement modifié sa rive gauche depuis les temps historiques. Sur la rive droite, au contraire, la situation s’est complètement transformée. Le grand fleuve y a aujourd’hui, comme sur la rive gauche, une berge continue, presque rectiligne. Sa largeur de rive à rive augmente d’une manière progressive de Nantes à la mer, et il a un bras unique de 50 kilomètres environ de développement. La situation était tout autre dans les temps anciens. À partir de Couëron, à 14 kilomètres en aval de Nantes, le fleuve se répandait dans les terres, y formait une série de golfes, de bassins à la fois fluviaux et maritimes, immense lagune au milieu de laquelle émergeait un nombre considérable d’îles aujourd’hui soudées les unes aux autres par des alluvions. Toute la région de Guérande constituait ainsi un véritable archipel. Pline pouvait dire avec raison que les îles des Vénètes étaient nombreuses ; il n’y en a plus aujourd’hui[12]. Près d’un siècle même avant Pline, César en avait longuement parlé en décrivant le théâtre des opérations de sa troisième campagne. Toutes les routes de terre de la Basse Loire, dit-il, étaient interceptées par les marées, et les Romains avaient de grandes difficultés pour manœuvrer dans un pays « dont ils ne connaissaient ni les bas-fonds, ni les ports, ni les îles[13]. » « L’Océan, dit, de son côté, Dion Cassius, lorsqu’il décrit les défenses des Vénètes dans la basse région de la Loire, les entourait pour ainsi dire de toutes ses eaux[14] ; » et on peut regarder comme certain que c’est dans cet archipel, au milieu duquel se dressait une série d’oppida établis sur des langues de terre ou des promontoires, qu’eut lieu la grande rencontre de la flotte romaine et des navires gaulois dont César évaluait le nombre à 220 environ.

Ainsi s’explique tout naturellement la riche moisson de débris archéologiques recueillis un peu partout dans ce pays aujourd’hui transformé, — briques et poteries gallo-romaines, vestiges de murs et de retranchemens, vieilles épaves et fragmens de carènes enfouis sous la vase, monnaies romaines, gauloises, phéniciennes même, armes en pierre et en métal, urnes cinéraires, fers de chevaux, pierres de frondes et de mouillage servant d’ancres, scories et ruines de tous les âges passés.

III

Dans cette petite mer intérieure, aujourd’hui disparue, qui présentait des anses tranquilles et parfaitement abritées, devait nécessairement se trouver un assez grand nombre de ports. »

Les géographes classiques n’en mentionnent que trois : Portus Brivates, Corbilon ; et le Port des Deux-Corbeaux, Portas Duorum Corvorum. On discutera peut-être toujours sur l’emplacement exact de ces trois stations maritimes. Le port de Corbilon est cité par Polybe comme une des trois villes les plus considérables de la Gaule avec Marseille et Narbonne. C’était peut-être lui faire beaucoup d’honneur, et Strabon lui-même n’en parle qu’assez légèrement, et seulement d’après les récits que Polybe attribue à l’astronome navigateur gréco-marseillais Pythéas et qui datent du IVe siècle avant notre ère[15]. Le port était déjà en ruine et abandonné sous l’empire, et il n’en reste absolument rien aujourd’hui. On croit pouvoir le placer au Sud de la falaise sur laquelle ont été plus tard bâties les tours de Guérande, peut-être aux environs du bourg de Beslon, qui est tout proche, et dont le nom semble présenter une certaine physionomie phénicienne, Cor-Bilon ou Belon. L’ancien port de Polybe aurait donc été situé dans le goulet même qui séparait jadis de l’île ou de la presqu’île de Guérande les trois anciennes îles de Saillé, de Batz et du Croisic. Il n’y a là rien que de très vraisemblable.

On doit aussi très raisonnablement placer dans les mêmes parages, et voir dans l’une ou dans le groupe de ces trois anciennes îles, aujourd’hui soudées à la terre par les marais salans du Grand-Traictet du Petit-Traict, l’île et peut-être les îles des femmes Samnites ou Namnètes dont on a tant parlé. Strabon dit que cette île était assez petite et très rapprochée des bouches mêmes de la Loire. Denys le Périégète parle au contraire d’un groupe d’îles qui formait un archipel[16]. Ces îles étaient, paraît-il, exclusivement habitées par des femmes qui s’y livraient à toutes sortes de pratiques dionysiaques en l’honneur de Bacchus, de Cérès et de Proserpine, d’après de vieilles traditions d’origine probablement phrygienne et appartenant en tout cas aux plus anciens Ages de l’époque grecque. Ces étranges lieux de séquestration féminine semblent avoir beaucoup impressionné les géographes classiques, qui racontent avec force détails que les femmes Namnètes ne permettaient pas aux hommes l’accès de leurs îles ; que c’étaient elles, au contraire, qui allaient par mer leur rendre des visites périodiques, soit sur leurs bateaux, soit sur la terre voisine, et qu’elles rentraient ensuite chez elles pour célébrer en toute liberté les mystères de l’excellent Bacchus, couronnées de grappes de lierre, en proie à un délire sacré et souvent sanguinaire.

Le port des Deux-Corbeaux, mentionné à la suite par Strabon d’après Artémidore, immédiatement après l’île des femmes, était aussi quelque part sur cette côte fragmentée d’îles et se trouvait très probablement à Brandeü, entre Guérande et la pointe de Castelli. Là, comme partout d’ailleurs sur le rivage armoricain, les corbeaux abondent, et leurs noirs essaims tourbillonnent sans cesse au-dessus de la lande ; mais le nom de Brandeü (en breton vran, corbeau ; bran-deü, les deux corbeaux) semble avoir conservé le souvenir de la vieille légende. Deux de ces oiseaux avaient, nous raconte-t-elle, une de leurs ailes blanches. On les considérait comme sacrés ; et, lorsqu’un désaccord survenait, on s’en rapportait à eux pour le trancher. Les deux adversaires apportaient chacun un gâteau sur un autel élevé. Infailliblement l’un était mangé, l’autre mis en pièces et repoussé par les deux corbeaux. C’était un oracle et un jugement sans appel[17].

Quant au Portus Brivates, il paraît certain qu’il se trouvait quelque part sur l’un des rivages de la lagune vive qui est devenue la Grande-Brière. Ptolémée dit en effet très clairement qu’il était un peu après les embouchures de la Loire en remontant vers le Nord ; et nous avons vu que la Brière était à cette époque un grand golfe rempli à la fois par les eaux du fleuve et par celles de l’Océan, et que ce golfe communiquait au Nord par le goulet de Saint-Lyphard avec l’Océan, ce qui faisait de la région de Guérande une véritable île, probablement l’île Arica, mentionnée par l’Itinéraire maritime. On a même cherché quelquefois à l’identifier avec l’ancien port de Brest, Gesocribate, dont le nom présente une certaine ressemblance avec celui de Brivates ; mais c’est réellement remonter beaucoup trop vers le Nord et absolument contraire à l’indication précise de Ptolémée, qui dit formellement qu’il était voisin des embouchures de la Loire. Il existe d’autre part, au milieu même de l’ancien goulet du Croisic, qu’on appelle toujours le « Traict » pour rappeler que cette plaine de vase moderne a été autrefois un détroit navigable (trajectus, passage), deux petites localités à peu près inconnues, le Haut-Brévin et le Bas-Brévin ; et rien ne s’oppose absolument à y voir l’emplacement de l’ancien Brivates disparu qui leur aurait laissé son nom.

On ne saurait rien affirmer de précis à ce sujet ; et il est tout aussi naturel, et pour les mêmes raisons, de placer l’ancien port quelque part sur les rives du Brivet, qui est toujours, malgré la déviation de la partie inférieure de son cours, le grand collecteur de la Grande-Brière, et dont le nom semble être aussi le même que celui de Brivates modernisé. On peut alors hésiter entre plusieurs localités baignées autrefois par les eaux de la rivière, et on a tour à tour proposé Saint-Gildas-des-Bois, Pontchâteau et la petite anse abritée par le rocher de Penhouët. Le premier se trouve presque aux sources du Brivet, au fond du golfe de la Grande-Brière aujourd’hui presque atterri. Pontchâteau porte sans doute un nom moderne ; mais « Pont » n’est évidemment que la traduction latinisée du vieux radical celtique briv, brig, qui signifie indifféremment pont, passage d’eau, gué, s’applique à toutes les traversées de rivières, et qu’on retrouve dans beaucoup de noms de lieux anciens (Brivo-durum, Briare ; Samaro-briva, Amiens, etc. ). Or Pontchâteau est à la fois placé sur le littoral de l’ancienne Brière et est encore aujourd’hui traversé par les eaux du Brivet.

L’anse de Penhouët paraît cependant devoir être l’emplacement le plus probable de l’ancien port de Ptolémée. Il résulte en effet des études remarquables de M. l’ingénieur Kerviler, dont le nom est inséparable de tout ce qui se rapporte aux souvenirs anciens, aux transformations séculaires et à tous les travaux de la basse Loire[18], qu’à l’origine des temps, le Brivet n’avait pas son embouchure dans le grand fleuve à Méan, comme on le voit aujourd’hui, mais que ses eaux s’écoulaient dans la petite baie de Penhouët, au milieu de plusieurs îles, entre le rocher de Penhouët même et la pointe la Ville-Halluard située à 1 kilomètre environ du promontoire granitique de Saint-Nazaire ; que déjà, vers le Ve siècle avant notre ère, les rives de la baie de Penhouët étaient habitées par une population assez dense de marins dont on a retrouvé de nombreux débris, et notamment ces curieuses pierres de mouillage qui étaient pour leurs navires les équivalens de nos ancres modernes ; qu’une sorte de colonie gallo-romaine paraît avoir habité la même anse pendant les premiers siècles de notre ère ; que ce n’est que vers le IXe siècle que le Brivet, après avoir comblé une partie de son estuaire, s’est barré ainsi lui-même, et que son cours s’est alors dévié à 2 kilomètres en amont et est devenu l’étier de Méan[19].

C’est donc dans le fond de la baie de Penhouët, transformée depuis peu par les ingénieurs en grand bassin à flot pour les Transatlantiques, au pied même d’un dolmen toujours en place qui remonte aux premiers âges de l’époque gallo-romaine, qu’il paraît le plus rationnel de rétablir le Portus Brivates, tandis qu’il faut placer dans le goulet occupé aujourd’hui par les marais du Grand-Traict et du Petit-Traict, qui séparaient autrefois l’île ou la presqu’île de Guérande de l’archipel vénétique où se trouvait l’île ou les îles des femmes, le vieux port de Corbilon, transformé depuis en Veneda. Tous ces ports, d’ailleurs, ont disparu sous la vase et les atterrissemens.

En résumé, il résulte de tout ce qui précède que la vieille Loire, comme la vieille Gironde, ne se jetait pas autrefois à la mer par une branche unique. Un bras de la Gironde, nous l’avons vu, se détachait de sa rive gauche et séparait du continent la grande île d’Antros, qui s’est appelée ensuite l’île du Médoc, et dont le rocher de Cordouan était le promontoire avancé. Une dérivation de la Loire sur la rive droite séparait de même, à partir de la pointe de Chemoulin, l’archipel des îles vénétiques, suivait le détroit du Grand-Traict et du Petit-Traict, et isolait en mer les îles de Saille, de Batz et du Croisic. Très certainement aussi la mer intérieure de la Grande-Brière communiquait alors directement avec le grand Océan par la fosse navigable de Saint-Lyphard. La Loire était donc, comme la Gironde dans les temps anciens, une sorte de fleuve à delta.

IV

Le port de Nantes était déjà certainement en pleine activité à l’époque de la conquête, et on y faisait d’une manière toute spéciale le trafic des métaux. Dès la plus haute antiquité en effet, on exploitait la poudre d’or et l’étain un peu partout en Gaule, et principalement dans l’Armorique. Les navires phéniciens surtout, qui allaient chercher l’étain aux îles Cassitérides, devaient fréquenter nécessairement les escales principales de la Loire maritime ; et la poudre d’or était un des principaux élémens d’échange pour toutes les transactions commerciales. L’étain de son côté était alors, beaucoup plus que de nos jours, un objet de première nécessité. Allié au cuivre, il donnait le bronze ; et aux époques reculées où l’on connaissait à peine le fer et pas du tout l’acier, le bronze était le métal absolument indispensable à tous les usages de la vie, à tous les besoins de la guerre.

Il est à peu près impossible de savoir quelque chose de précis sur l’état du port de Nantes au commencement de notre ère. On peut cependant concevoir quelles facilités exceptionnelles devait offrir pour le mouillage des bateaux de faible tonnage le groupe des îles nantaises qui divisaient le grand fleuve en plusieurs bras et présentaient un développement de rives partout facilement accostables. Les premiers travaux de transformation ou d’aménagement paraissent avoir été exécutés vers le milieu du VIe siècle par l’évêque saint Félix, qui ouvrit, entre les prairies de Mauves et de la Madeleine, un large canal, auquel on a loyalement conservé son nom respecté. Le canal Saint-Félix continue à baigner le pied des hautes murailles du célèbre château des ducs de Bretagne, et est resté depuis quinze siècles le port fluvial de Nantes. Très heureusement situé presque au confluent de l’Erdre et de la Loire, il fut même pendant longtemps le centre principal de l’activité commerciale qui s’est légèrement déplacée, suivant la loi commune, en descendant le fleuve et se trouve aujourd’hui le long du riche quai de la Fosse. Nantes s’est ensuite peu à peu développé sur les coteaux de la rive droite, dans la plaine basse de la rive gauche et surtout dans ses grandes îles, aujourd’hui très peuplées et couvertes d’établissemens industriels.

En amont de la ville le fleuve se partage en deux grands bras : l’un, le bras de Pirmil, longe la rive Sud et se divise en plusieurs rameaux ; l’autre, qui longe la rive Nord, se bifurque aussi en deux : le canal de la Madeleine et le canal Saint-Félix, ce dernier se bifurquant encore pour former le bras de la Bourse et celui de l’Hôpital. Toutes ces ramifications vont se rejoindre, à 1 600 mètres en aval, à la sortie de la ville, après avoir donné naissance à un groupe d’îles allongées, l’île Beaulieu, la Prairie-d’Amont, la Prairie-d’Aval, l’île Sainte-Anne, l’île de Biesse, l’île des Récollets, la Prairie-au-Duc, l’île Lemaire, l’île de la Madeleine, l’île Gloriette, l’île Feydeau, etc., séparées par des bras presque tous navigables, couverts de bateaux, d’embarcations et de nacelles de toutes formes et de toutes dimensions, et que l’on traverse de rive à rive par deux longues lignes de six ponts chacune. Au-dessous de la ligne aval des ponts, entre les faubourgs de Trentemoult et de Chantenay, la Loire est accessible aux bateaux de mer ; au-dessus, c’est un port fluvial dont les parties les plus animées sont le canal Saint-Félix, le bras de la Madeleine et l’Erdre canalisée, tête de ligne du canal de Nantes à Brest, d’un intérêt plus militaire que commercial.

Cette heureuse disposition des lieux a fait de tout temps la fortune de Nantes ; et, malgré la fréquence des incursions normandes, les désordres intérieurs, les ruines passagères produites par les guerres étrangères ou civiles, cette fortune s’est maintenue et s’est toujours accrue jusqu’au siècle dernier. La vieille cité du moyen âge a même été pendant quelque temps le premier port de France en relation avec le nouveau monde. La célèbre Compagnie des Indes fut pour elle une source de richesses énormes, sinon très honorables ; et le déplorable « commerce de l’ébène » procura pendant quelque temps à ses armateurs de fabuleux revenus ; on sait qu’on désignait sous ce nom l’horrible marché des esclaves noirs. On allait les acheter par milliers sur les côtes de Guinée, moyennant toutes sortes de produits manufacturés de médiocre valeur et souvent de rebut, toiles, indiennes, lainages, vieux fusils, liqueurs frelatées et malsaines. On les empilait à fond de cale et sur le pont de mauvais navires assez mal aménagés. On jetait sans pitié à la mer l’inévitable déchet de cette lamentable cargaison, morts, mourans, ou même seulement malades. On vendait le reste à tout prix aux Antilles et dans tous les ports de la mer des Indes, sous la protection de l’autorité royale, ou on l’échangeait contre du rhum, des épices, du cacao, du coton, du sucre, du café ; et c’est alors que les armateurs nantais élevèrent ce boulevard continu de somptueux hôtels aux balcons de fer ouvragés, aux puissantes cariatides, qui bordent sur près de 2 kilomètres le magnifique quai de la Fosse, et dont le grand air le cède à peine aux palais riverains de la Garonne à Bordeaux[20].

Nantes entretenait alors des relations actives avec l’Allemagne, l’Angleterre, l’Irlande, la Suède, le Danemark, la Zélande, le Portugal, tout le Levant et surtout Saint-Domingue. Mais tout a une fin, et la riche trafiquante a peu à peu décliné. Plus peut-être que tout autre port de l’Océan, elle a subi la conséquence très fâcheuse pour un port en rivière, dont la profondeur ne dépasse pas 4 mètres en basses eaux, de l’augmentation progressive de la calaison des bateaux au long cours. Les Transatlantiques, qui sont aujourd’hui le lien indispensable entre l’Europe et l’Amérique, ne pourront jamais arriver jusqu’à ses quais. Les paquebots ordinaires eux-mêmes et les navires de fort tonnage éprouvent même par certains temps quelques difficultés pour accoster à Paimbœuf ; et pour remonter en Loire, ils ont été quelquefois obligés de s’alléger d’une partie de leur chargement. C’est Saint-Nazaire qui est devenu la tête de ligne de la navigation de la Loire, et c’est là que s’arrêtent les grands caboteurs, les Transatlantiques, les cargo-boats et les longs-courriers[21].

Nantes doit donc se transformer, et se transforme en effet. Les conditions nouvelles dans lesquelles s’effectue la navigation maritime et l’extension du port de Saint-Nazaire ont sans doute modifié la nature et le mouvement de son port ; mais elle conservera toujours une supériorité marquée pour les grandes opérations commerciales et elle restera la ville des armateurs, des gens d’affaires, des constructeurs et des manufacturiers. Elle devient une grande cité industrielle ; elle est et demeurera un grand marché et un grand atelier de travail. Ses chantiers de construction de navires et ses raffineries sont en pleine activité. Elle fait un très grand commerce de grains et de bois du Nord ; elle possède des savonneries et des tanneries importantes, de belles fabriques de meubles et de cordages, de nombreuses filatures de laine et de coton. Ses habitans ont su conserver à la fois des pratiques séculaires de travail et le génie des entreprises lointaines. Elle commande surtout l’entrée du riche bassin de la Loire, et ce sera toujours pour elle une fortune.

Nantes, sans doute, traverse depuis quelques années une période de transition difficile, mais elle a des traditions et des ressources de fond qui lui permettent d’avoir pleine confiance dans l’avenir. Le mouvement de son port est principalement à l’importation et met en œuvre trois classes de bateaux, les longs courriers, les caboteurs et les gabares, celles-ci descendant en général presque à vide jusqu’à Saint-Nazaire. Les exportations ne prennent une réelle valeur que dans les années de récolte abondante. Le fret de sortie, qui est un des élémens importans du commerce maritime, fait malheureusement presque défaut. Mais on espère qu’il pourra un peu se développer lorsqu’on aura amélioré les conditions de navigabilité de la Loire supérieure[22].

Le tonnage moyen total est de 700 000 tonnes, dont le quart environ en importation de houilles anglaises. Il existe en outre sur la Loire supérieure une navigation fluviale de 50 000 tonnes, presque entièrement en produits agricoles. Quant au canal de Nantes à Brest, son trafic est à peu près de 140 000 tonnes à son arrivée par l’Erdre dans le canal Saint-Félix. Maritime ou fluvial, le tonnage du port de Nantes est donc de près d’un million de tonnes. L’activité industrielle et commerciale de la ville et l’amélioration indispensable de la navigabilité de la Loire fluviale auront certainement pour conséquence de l’augmenter.

V

Six ports, en descendant la Loire, depuis le faubourg nantais de Chantenay jusqu’à la mer. Sur la rive gauche, Indret, le Pellerin et Paimbœuf ; sur la rive droite, Couëron, la Basse-Indre et Saint-Nazaire.

La Haute-Indre, la Basse-Indre et Indret, dont l’ensemble forme la populeuse commune d’Indre, émergent tous trois sur des îlots rocheux au milieu de la vallée. Ce sont en quelque sorte les faubourgs avancés de Nantes, à 8 ou 10 kilomètres à peine de la grande ville.

La Haute-Indre est un village de pêcheurs relié au fleuve sur la rive droite par une chaussée submersible. Un peu au-dessous, la Basse-Indre est au contraire un village d’ouvriers et présente un développement de cales et de quais de près de 2 kilomètres. Importante station pour les bateaux à vapeur qui remontent ou descendent la Loire, c’est surtout une grande usine métallurgique dont les fers laminés et les aciers peuvent être classés parmi les meilleurs de la France. Le mouvement du port atteint, dépasse souvent 20 000 tonnes par an.

Presque en face de la Basse-Indre est l’île d’Indret, qui communique avec elle par un bac à vapeur. L’île est d’ailleurs presque aujourd’hui soudée à la rive. Elle appartenait encore au duc de Bretagne à la fin du XVIe siècle. Le cardinal de Richelieu la fit acheter par le roi, et depuis lors elle est restée un grand établissement de l’État et a subi différentes destinations. A l’origine ce fut un atelier pour la construction des navires, puis tour à tour un grand chantier de bois pour la marine, une fonderie de canons, une usine pour le montage des coques en fer des bateaux à vapeur de la flotte ; elle est aujourd’hui spécialement affectée à la construction des machines marines du plus grand modèle.

A 3 kilomètres à peine d’Indret, Couëron, établi sur un petit promontoire rocheux, paraît avoir eu une existence très ancienne, et on a même voulu y placer quelquefois l’ancien port de Corbilon mentionné par Strabon ; mais c’est une pure imagination de quelques archéologues trompés par une vague ressemblance de nom. On y trouve seulement quelques débris de vieilles cales qui paraissent dater du Xe siècle. Un ancien canal permettait autrefois de remonter à 1 kilomètre environ dans les terres, sans trop s’écarter de la rive, jusqu’à Port-Launay, qui était alors un véritable petit port sur la Loire, où l’on pouvait remiser les barques de pêche et prendre ou décharger quelques produits agricoles. Le canal est aujourd’hui presque atterri et des bancs vaseux ont éloigné Port-Launay à près de 600 mètres du fleuve. Au XVIIIe siècle, Couëron était une sorte d’avant-port de Nantes, particulièrement fréquenté par les navires hollandais. C’est encore aujourd’hui un centre industriel d’une certaine activité. Deux grandes usines, une verrerie à l’amont, une fonderie de plomb à l’aval y maintiennent un sérieux mouvement de navigation. Un quai de 500 mètres et une série d’estacades permettent l’accostage facile de tous les bateaux de la Loire. Le mouillage y est excellent. Le tonnage annuel atteint environ 30 000 tonnes effectives.

Le Pellerin, situé presque en face de Port-Launay, n’est guère qu’une escale pour les bateaux à vapeur qui font tous les jours le va-et-vient de Nantes à Saint-Nazaire. Trois cales de près de 100 mètres de longueur chacune et d’une vingtaine de mètres de largeur et un môle de 35 mètres, bordé lui-même de deux petites cales pour les nacelles, sont plus que suffisans pour le mouvement local qui ne dépasse guère 3 000 tonnes, en général en produits agricoles.

Paimbœuf, qui n’était avant le XVIIe siècle qu’une pauvre bourgade habitée par quelques groupes de pêcheurs, a vu il y a une centaine d’années son importance grandir et diminuer d’une manière presque subite. L’insuffisance de tirant d’eau de la Loire d’une part, l’agrandissement des types des bateaux de l’autre, rendaient de plus en plus difficile l’accès du port de Nantes. Il y a un siècle et demi les grands navires à voiles qui traversaient l’Atlantique étaient déjà obligés d’alléger leur chargement pour atteindre l’opulent quai de la Fosse ; mais on pouvait assez facilement accoster à Paimbœuf situé à 10 kilomètres à peine de l’embouchure, et ce fut pendant un certain temps le point choisi pour le stationnement et les manutentions de presque tous les navires en retour ou à destination de l’Amérique et du Levant.

Les denrées coloniales étaient transbordées sur des gabares que l’on remorquait tant bien que mal pour remonter le fleuve. Les mêmes gabares le redescendaient sans peine au fil de l’eau, et rentraient à Paimbœuf plus ou moins chargées de nos produits indigènes, le plus souvent vides ; car la plus grande partie du commerce de Nantes a toujours été à l’importation, et le fret de sortie y fait bien souvent défaut, comme malheureusement presque partout dans nos ports de France. La continuité de ces opérations de chargement et de déchargement fit pendant vingt ans de Paimbœuf le port en quelque sorte avancé et tout à fait nécessaire de Nantes. Un développement de quais de plus de 2 kilomètres, et l’excellent mouillage des Quatre-Amarres, une rade profonde et tranquille, facilitaient toutes ces opérations ; et on était peut-être à la veille de compléter, par l’établissement d’un vaste bassin à flot avec tout son outillage, ce que la nature avait déjà très bien préparé lorsque l’éclosion presque subite de Saint-Nazaire provoqua une décadence rapide. Il y a une quarantaine d’années à peine, plus de 1 200 navires, jaugeant près de 1 700 000 tonnes, avaient débarqué à Paimbœuf 215 000 tonnes de marchandises, et en avaient reçu près de 180 000. L’affaissement a été presque instantané. En 1880, le tonnage des navires à l’entrée et à la sortie ne dépassait pas 30 000 tonnes, et le mouvement des marchandises n’est plus aujourd’hui que de 10 000 tonnes à peine, dont plus des deux tiers à l’importation, moins d’un tiers à la sortie. Les anciens chantiers de construction et de réparation de Paimbœuf avaient fait de cette dernière escale de la rive gauche de la Loire maritime une petite ville très vivante. Sous le premier Empire on y construisait même des frégates, et, dans la période de 1830 à 1860, un assez grand nombre de trois-mâts voiliers. Ces chantiers ont été à peu près délaissés, et ne mettent en œuvre aujourd’hui que de très petites embarcations. La population a diminué de plus de moitié, presque des deux tiers. Rues silencieuses, maisons délabrées, magasins vides, quais déserts. C’est une ville à demi morte, qui ne se réveille que par intermittence, au passage des bateaux à vapeur reliant Nantes à Saint-Nazaire. Mais, en vérité, rien ne s’opposerait absolument à ce que la vieille « Tête-de-Bœuf » redevienne la tête de ligne de la navigation de la Loire ; et ses installations, qui rappellent son ancienne fortune, pourraient presque sans frais et modifications lui permettre d’être un port très commode pour le débarquement des charbons anglais qui alimentent toutes les usines de la rive gauche, et pour l’embarquement des produits agricoles de toute la région maritime. C’est par-là peut-être que Paimbœuf pourra échapper à une ruine complète, et retrouver, sinon la prospérité des jours passés, du moins un peu de mouvement et le salut.

VI

Il y a quarante ans à peine que Saint-Nazaire, simple station de pilotes et de pêcheurs, est devenu tout d’un coup un grand port en relations suivies avec le nouveau monde. L’ancien petit bourg maritime avait un blason « de gueules à la galère d’argent portant une clef de sable sur une grande voile, au chef d’hermine cousu d’une autre clef en bande » et arborait en devise : Aperit et nemo claudit. Ce sont toujours les armes et la devise de Saint-Nazaire, et elles sont réellement parlantes. Elles semblaient n’être qu’une ambition ou une espérance ; elles sont aujourd’hui l’image et la traduction d’un fait accompli. Le modeste havre de pêcheurs du commencement du siècle est devenu la véritable clef de la Loire, et a tout à fait détrôné Paimbœuf. C’est peut-être le port d’arrivée de toutes les côtes de France dont l’accès est le plus facile pour la grande navigation en provenance de l’Amérique ; et les ingénieurs, qui l’ont réellement créé tout d’une pièce, ont eu l’intuition très nette du grand rôle qu’il pouvait remplir dans nos transactions commerciales lointaines. Tous les autres ports de la côte bretonne ont plus ou moins le caractère de ports de cabotage ou de ports de pêche. Saint-Nazaire est surtout destiné aux Transatlantiques et aux navires au long cours. Le port tout moderne est admirablement aménagé, et tout a été prévu pour permettre son extension progressive et satisfaire à tous les développemens du plus large avenir.

La petite rade, aux eaux presque toujours calmes, dans laquelle débouche le chenal qui sert d’accès au premier bassin, est couverte par un môle en maçonnerie de 180 mètres de longueur, construit vers 1830, à l’époque où il n’était pas encore question de faire de Saint-Nazaire un grand établissement maritime. Ce môle protège une petite darse d’échouage pour les chaloupes des pilotes de l’embouchure de la Loire ; mais il n’existe pas d’avant-port proprement dit, et les plus gros navires peuvent facilement mouiller en pleine rade, et y rester à flot par tous les temps et à toutes heures de marée. Deux écluses, l’une de 25 mètres de largeur pour les Transatlantiques, l’autre de 13 mètres seulement pour les navires moyens, toutes deux munies seulement de portes d’èbe, donnent accès dans le premier bassin à flot. C’est le bassin de Saint-Nazaire, qui a été commencé en 1842 et livré à la navigation en 1856. Il a été entièrement creusé dans la vase atterrissante de la Loire, entre le promontoire schisteux de Saint-Nazaire et la pointe rocheuse de la Ville-Halluard, au pied de la falaise couronnée par le dolmen, resté en place depuis plus de vingt siècles, qui occupe le centre de l’une des places de la ville née d’hier. C’était là que se trouvait et que paraît s’être maintenu jusque vers le IXe siècle l’estuaire du Brivet, et ce n’est guère qu’à cette époque qu’il s’est dévié peu à peu vers l’amont, à 2 kilomètres environ, pour former l’étier de Méan.

L’ancienne anse naturelle dont les deux rochers de Saint-Nazaire et de Penhouët étaient les deux bastions avancés et comme de véritables môles protecteurs, s’offrait ainsi aux navigateurs dès l’origine de notre ère et même des premiers âges de la civilisation comme un port très bien abrité. Les fouilles exécutées pour le creusement de ce premier bassin ont mis en effet à jour des ossemens du bos primigenius, des outils de corne de cerf, des fragmens de poteries très grossières, et ont permis ainsi de démontrer que le fond de la Loire était, vers le IVe siècle avant notre ère, à 4 mètres environ au-dessous du niveau des basses mers actuelles, et que le fleuve a dû être en cet endroit facilement accessible jusque vers le IIIe siècle après notre ère. On a donc été conduit à y placer assez rationnellement l’ancien Brivates Portus de Ptolémée, qui s’est complètement envasé depuis, et qui était, à l’époque gallo-romaine, l’un des havres les plus fréquentés de la région maritime de la Loire[23].

Le grand bassin de Penhouët vient à la suite, et communique avec le premier par une magnifique écluse de 25 mètres de largeur et de plus de 200 mètres de longueur de tête à tête, munie de quatre paires de portes busquées dans les deux sens, de manière que les niveaux des deux bassins soient indépendans, et que le bassin de Penhouët, qui est alimenté par de l’eau pure, ne reçoive que dans une bien faible proportion l’eau vaseuse qui pénètre à toutes les marées dans le bassin de Saint-Nazaire, ouvert directement sur la Loire toujours plus ou moins boueuse. La profondeur s’y maintient d’une manière à peu près constante à 8 mètres, tandis que celle du premier bassin est réglée naturellement par les hautes mers de morte eau, et peut varier entre 7m,50 et 6m,20.

Le bassin de Saint-Nazaire a une superficie de 10 hectares et demi ; celui de Penhouët a plus du double, 22 hectares et demi. Trois grandes formes de radoub en occupent le fond, présentant des largeurs d’entrée de 25, de 18 et de 13 mètres, et des longueurs de 150, 140 et 120 mètres, permettant non seulement les réparations des Transatlantiques, mais même, si cela était nécessaire, des vaisseaux cuirassés de notre flotte. L’ensemble des deux bassins, établis tout à fait dans le prolongement l’un de l’autre, présente ainsi une superficie de 33 hectares, un développement de près-de 4 kilomètres de quais, très larges, sillonnés de rails, munis de tous les engins perfectionnés pour de rapides manutentions. L’avenir même a été très largement réservé en vue d’un accroissement possible du mouvement commercial ; et il sera facile de réaliser quand on le voudra l’ensemble des grands projets conçus par les ingénieurs, de creuser, dans le prolongement du bassin de Penhouët, un ou deux autres grands bassins communiquant tous entre eux et s’étendant jusqu’à l’étier de Méan, et d’ouvrir une seconde grande entrée, orientée directement du Nord au Sud, dans l’alignement des premiers bassins, en transformant la rue du Port en un large chenal. Mais dès maintenant Saint-Nazaire possède une des installations les plus belles et les mieux ordonnées de notre littoral de l’Océan. En quelques années, un modeste hameau de pêcheurs est devenu presque une grande ville ; et nulle part en France on n’a vu se produire un plus rapide épanouissement. Le tonnage du port était presque nul il y a près d’un demi-siècle ; il dépasse aujourd’hui un million et demi de tonnes ; il tend à augmenter tous les jours.

Les travaux de creusement des bassins de Saint-Nazaire et de Penhouët, les fouilles et les sondages préliminaires qu’on a descendus à près de 30 mètres de profondeur, ont donné lieu aux plus intéressantes découvertes. On a pu mesurer et classer chronologiquement les dépôts successifs des alluvions de la Loire. Ces dépôts se sont superposés depuis l’origine la plus reculée des temps historiques ; et on dirait de véritables feuillets dans lesquels on peut en quelque sorte lire, comme dans un livre, l’histoire du passé le plus lointain. Des épaves et des débris de toutes les industries humaines devaient naturellement avoir été laissés et se retrouver dans chaque couche contemporaine des générations qui l’ont vue se déposer. C’est ce qui a eu lieu en effet ; et, en creusant le bassin de Penhouët, on a découvert successivement dans les différentes assises du sous-sol des médailles, des bijoux, des poteries, des épées en bronze, des pierres de mouillage remplaçant pour les anciens navires l’ancre moderne, des haches en pierre et en silex, des outils en os, des andouillers de cerf, des ossemens du bos primigenius et du bos longifrons, de chevreuil et de sanglier, des crânes de forme allongée ou dolycocéphales, caractérisant les différentes couches qui leur servaient de lit. Le savant ingénieur de Saint-Nazaire a en outre constaté que les dépôts de la Loire s’étaient effectués dans l’anse de Penhouët avec une régularité parfaite.[24]. Il ne saurait d’ailleurs en être autrement, les inondations du fleuve, à part quelques déluges accidentels, ayant lieu chaque année à peu près aux mêmes époques et dans des conditions presque identiques. La glaise en suspension se dépose toujours pendant l’été ; les produits herbacés ou végétaux charriés par le fleuve arrivent à la fin de l’automne, après la chute des feuilles ; le sable ne vient que plus tard, pendant l’hiver. On a donc pu mesurer ainsi très exactement que l’épaisseur totale de ces trois dépôts, parfaitement reconnaissables et distincts, était annuellement de 3 millimètres et demi environ. C’est à peu près 35 centimètres par siècle, presque le triple de l’épaisseur des dépôts annuels du Nil, qui dépassent assez rarement 12 centimètres au bout d’un siècle.

Les débris anciens retrouvés dans les couches peuvent donc être classés suivant leurs âges relatifs, les plus anciens se trouvant naturellement dans les couches profondes, les plus rapprochés de nous dans les couches au-dessus. Mais une découverte précieuse entre toutes a pu servir de point de repère et a permis de rétablir la chronologie absolue des objets retrouvés, et par conséquent des populations qui les y avaient laissés. C’est un petit bronze de l’empereur Tetricus, assez fruste, mais parfaitement authentique. Ce Tetricus était un préfet d’Aquitaine qui usurpa la pourpre à Bordeaux en 268, fut accepté pendant quelques années comme souverain en Gaule, en Espagne et en Bretagne, et finit par se démettre entre les mains d’Aurélien en 275. La couche de sable dans laquelle on a retrouvé sa petite monnaie est donc en quelque sorte datée ; car il est probable qu’elle est contemporaine ou tout au moins très peu postérieure au règne de l’usurpateur. On a ainsi sous les yeux la profondeur exacte de la couche gallo-romaine à la fin du IIIe siècle après notre ère ; et, en remontant au-dessus ou en descendant au-dessous de cette couche à raison de 30 à 35 centimètres par siècle, on peut donner des dates très sensiblement précises à tous les objets retrouvés. La couche de vase dans laquelle se trouvait la petite monnaie de Tetricus est recouverte d’un dépôt de 6 mètres, qui correspond exactement aux 1600 ans qui nous séparent de lui. Des épées et des objets en bronze ont été découverts à 2m,50 au-dessous ; ils sont donc postérieurs de sept à huit siècles ; et on peut en conclure d’une manière à peu près sûre qu’au commencement de l’ère chrétienne, la Gaule, ou tout au moins la région maritime de la Loire, n’était pas encore sortie de l’âge du bronze, et que cet âge remonte à peu près à deux mille cinq cents ans de nous[25]. L’étude de ces stratifications a été poussée, à l’aide de puits de forage pour la fondation des écluses et des bassins à flot, jusqu’à 20 mètres de profondeur, ce qui donne une antiquité de plus de cinquante siècles. Des sondages ayant enfin permis de constater que les alluvions ne dépassaient pas en général l’épaisseur totale de 30 mètres, ou de 16 mètres au-dessous de la couche du bronze, on est conduit naturellement à fixer à peu près à six mille ou à sept mille ans avant notre ère le commencement du dépôt des alluvions de la Loire, et par conséquent l’origine de notre dernière période géologique, remontant à l’aube même des temps préhistoriques les plus reculés ; et il est curieux de remarquer que c’est à peu près au même résultat qu’on est arrivé en étudiant la formation séculaire des dunes de Gascogne. Les chiffres donnés par les apports de sable des Landes et les dépôts vaseux de la Loire coïncident donc d’une manière assez satisfaisante avec les limites données par la supputation biblique traditionnelle. Ils n’ont sans doute rien d’absolument exact ; mais il est intéressant de les connaître et de les rappeler.

VII

La Loire maritime se termine aujourd’hui à Saint-Nazaire dont le promontoire fait exactement face à la pointe de Mindin. On peut à la rigueur la prolonger un peu plus loin et y comprendre le golfe demi-circulaire dont la pointe de Chemoulin, sur la rive droite, et la pointe de Saint-Gildas, sur la rive gauche, forment les deux saillies extrêmes. Lorsque autrefois la Grande-Brière était inondée, que le territoire de Guérande était une presqu’île, peut-être même une île si, comme nous l’avons vu plus haut, la fosse de Saint-Lyphard conduisait une partie des eaux de la Loire à l’Océan au Nord de Mesquer et de Piriac, on devait alors considérer la pointe de Castelli comme la limite de la région maritime du grand fleuve.

Quatre petits ports, aujourd’hui tout à fait rattachés à la côte, jalonnaient alors l’ancienne rive de la Loire : Piriac, la Turballe, le Pouliguen et le Croisic.

Piriac n’est qu’un modeste havre de pêche assez bien abrité par une courte jetée en pierres, protégée par des bancs de rochers dont l’approche est toujours dangereuse dès que la mer devient houleuse. Site un peu sauvage. Le port, sans mouvement commercial, peut servir de refuge aux petites embarcations surprises par un coup de mer. La pêche y est assez active ; et une bonne plage y attire chaque année quelques étrangers pendant trois mois de l’été.

La Turballe, située au milieu à peu près de la petite baie limitée entre la pointe de Castelli et celle du Croisic, est beaucoup plus exposée aux tempêtes du large. Trois petites plages d’échouage y portent assez improprement le nom de ports. Tout autour cependant s’est groupée une population d’énergiques pêcheurs ; et, pour donner un peu d’abri à leurs barques, on a enraciné depuis une trentaine d’années un grand brise-lames de 200 mètres de longueur dans les rochers qui forment au-devant de la côte un groupe d’écueils très dangereux. Les résultats sont médiocres. Le port est en réalité presque impraticable par les grosses mers du large, et les vagues y pénètrent et y déferlent avec une violence qui ne permet pas même aux chaloupes de pêche d’y mouiller en toute sûreté. Plusieurs fois, elles y ont sombré ; et, pour éviter tout danger, on est obligé de les haler sur la grève au-dessus des atteintes de la mer, suivant les usages tout à fait primitifs des temps antiques. Dans ces conditions, la Turballe ne peut être qu’un port de pêche, Deux ou trois caboteurs y viennent cependant faire quelques apparitions pendant l’été, apportant de la houille anglaise aux sardiniers de la côte. Le pays est, en revanche, peuplé de hardis marins. La pêche très abondante de la sardine y entretient une certaine aisance, et la plage est assez fréquentée pendant la belle saison par quelques colonies de baigneurs.

Le Pouliguen doit son nom, Pol-Guen, port blanc, aux dunes très blanches et aux plages de sable qui l’entourent et qui miroitent quelquefois au soleil comme des cristaux. Dans ce pays de pierres noires, c’est un contraste qu’on ne pouvait manquer de noter. Le Pouliguen n’est que l’estuaire d’un petit étier qui alimente près de 400 hectares de marais salans, et ce chenal naturel était tout indiqué pour le transbordement des sels ; de grandes barques de faible tirant d’eau allaient les récolter autrefois en remontant un dédale de petits canaux sans profondeur, et on les chargeait ensuite sur des navires moyens à destination des côtes de Bretagne et de quelques pays du Nord. C’est aussi un petit port de pêche très vivant. Il est assez bien abrité contre les coups de mer du large par la pointe de Pen-Château, mais toujours assez agité et d’un accès même un peu dangereux par les vents du Sud et du Sud-Ouest. Malgré le déclin de l’industrie salicicole dans l’Ouest, le sel constitue toujours le principal élément du trafic, soit près de 8000 tonnes à l’exportation. Le mouvement total ne dépasse guère 15 000 tonnes, 5 000 à l’entrée, 10 000 à la sortie.

Placé à la pointe même qui porte son nom, le Croisic peut être considéré comme le dernier port de la Loire maritime, à l’extrême limite de l’estuaire du fleuve. La péninsule granitique dont il occupe le sommet est à peine soudée à la terre par un isthme qui, dans sa partie la plus étroite, n’a guère qu’une largeur de 300 mètres. Cette soudure est toute récente et semble même à chaque instant menacer de se rompre.

En arrière de l’isthme s’étendait autrefois ce long bras de mer dont nous avons parié plus haut, désigné sous les noms caractéristiques de « Grand-Traict » et de « Petit-Traict, » transformé depuis une époque récente en marais salans qui finiront peu à peu par se colmater et devenir un territoire agricole. La configuration des lieux semble indiquer qu’il a dû exister de tout temps un port au Croisic. On a naturellement cherché à y placer, comme un peu partout dans la région de l’embouchure de la Loire, le célèbre Portus Brivates de Ptolémée ; mais nous avons vu qu’il devait très certainement se trouver à l’ancienne embouchure du Brivet, dans les eaux de Saint-Nazaire ; et nous rappelons qu’on peut considérer comme très probable que le Croisic et le bourg de Batz, qui étaient autrefois séparés du continent par le détroit du Traict, devaient constituer l’île ou les îles des femmes d’Artémidore et de Strabon.

Le Croisic n’entre d’ailleurs dans l’histoire positive qu’à la fin du Ve siècle, avec l’invasion des Saxons, qui se sont implantés alors sur toute cette partie de la côte d’une manière à peu près continue et semblent avoir laissé, surtout à la population si vigoureuse des pêcheurs de Batz, un type très original, des mœurs un peu dures et un air de race très accentué. Ce serait aussi à peu près de cette époque que daterait son nom, qui rappellerait assez naturellement l’évangélisation de saint Félix, évêque de Nantes, vicus Cruciatus, village de la Croix, le Croisic. Mais quelques étymologistes très bretonnans tiennent à le faire dériver du gaélique ou de l’armoricain groaz, petite grève. Quoi qu’il en soit, le Croisic a été, dès le VIIe ou le VIIIe siècle, un havre assez fréquenté par les pêcheurs de la basse Loire. Au XVIe et au XVIIe siècle, on y armait de petites flottilles pour les expéditions de Terre-Neuve. On y faisait sur une assez grande échelle l’exportation des sels, des blés et même des vins. On y construisait même un certain nombre de bateaux, et, malgré les magnifiques écueils d’un effet très pittoresque sans doute, mais qui rendent quelquefois l’entrée du port assez dangereuse, l’activité commerciale était considérable[26].

Les grands travaux d’amélioration n’ont été exécutés qu’au cours de notre siècle, précisément, comme cela arrive souvent, au moment de la décadence et dans l’espoir presque toujours déçu de pouvoir l’enrayer. Mais on ranime bien difficilement un mouvement très ralenti. Le port du Croisic comprend actuellement trois parties distinctes : un avant-port, des quais extérieurs et des bassins presque fermés appelés « chambres. » L’avant-port, qui sert exclusivement au mouillage des navires en relâche, est protégé par une magnifique jetée de 860 mètres de longueur. Les quais du côté de la ville ont un développement de plus de 2 kilomètres et demi, dont la moitié environ bordent la terre ferme, et le long desquels les bateaux prennent et laissent leur chargement. D’autres quais leur font face, utilisés seulement pour l’accostage et entourant quatre îlots singuliers disposés en chapelet dans le chenal à la suite les uns des autres, et qu’on appelle, on ne sait pourquoi, mais assez improprement des « jonchères, » puisqu’il n’y a là et qu’il n’y a jamais eu ni joncs ni la moindre végétation. Ces jonchères sont simplement de petits bancs granitiques qui dépassent à peine le niveau des basses mers, mais qui ont été artificiellement surexhaussés par des dépôts séculaires de délestage. Elles laissent libre entre elles et le long des murs du quai de la ville une série de compartimens où l’eau est presque morte et dans lesquels sont disposées plusieurs cales. Ce sont la « grande chambre, » la « petite chambre » et la « chambre des vases, » échelonnées à la suite l’une de l’autre, et qui en réalité constituent le port et présentent ensemble une superficie de près de 4 hectares. Bien qu’inférieur à ce qu’il était il y a deux siècles, le mouvement commercial a toujours une certaine activité et dépasse annuellement 20 000 tonnes[27]. Indépendamment de l’intérêt qu’ils présenteront toujours comme ports de pêche, le Croisic et le Pouliguen jouissent, depuis quelques années, d’une très grande vogue pendant la saison d’été, et cette vogue est parfaitement méritée. Les 20 kilomètres de côtes qui séparent la pointe de Chemoulin de celle du Croisic sont en effet découpées d’une manière merveilleuse. Il y a un siècle à peine, le fond de la baie du Pouliguen était encore menacé par des dunes mouvantes ; et le vieux bourg d’Escouhlac dort aujourd’hui enseveli sous le sable, comme tant de villages des Landes et de la côte d’Arvert. Ces dunes ont été fixées, plantées, et sont aujourd’hui recouvertes de magnifiques bois de pins. Un nouvel Escoublac s’est reconstruit à la hâte dans la jeune forêt. La Baule, le Pouliguen et Pornichet sont devenus ainsi des séjours de villégiature estivale très appréciés ; et les ombrages les plus séduisans y dominent une mer splendide, qui vient mourir sur des plages doucement inclinées.

Un peu plus loin, entre le bourg de Batz et le Croisic, sur près de 10 kilomètres de longueur, les vagues ont admirablement modelé toute la côte, laissant heureusement de distance en distance de petites anses bien abritées entre des falaises d’un aspect imposant. Nulle part l’Océan n’a travaillé avec plus de fureur, mais, on peut le dire aussi, en plus grand artiste. De superbes rochers de granit noir se dressent menaçans en pyramides aiguës, en pylônes gigantesques, déchiquetés, fendus, perforés, surplombant quelquefois l’abîme dans lequel des blocs énormes recouverts d’eau et d’écume sont couchés comme des animaux fantastiques et monstrueux de quelque époque disparue. Par certains jours de tempête, le ressac des vagues est éblouissant de lumière. Le mugissement de la mer se répercute d’échos en échos et se prolonge en grondemens d’une sonorité terrible. Les coups de bélier se précipitent comme des décharges formidables et font trembler le sol. Le spectacle est réellement féerique, de ceux qu’on ne peut décrire et qu’on ne saurait oublier.

CHARLES LENTHÉRIC.
  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1899 et 15 janvier 1900.
  2. Cœrula lympha Liger. Tibull., I, VII, v. 12.
    Jam placida Ligeris recreatur unda. Lucan., Phars., I, v. 439.
    Flumen clarum Ligerim. Plin., IV, XXXII, 18.
  3. E. Reclus, Géogr. univ., t. II, ch. VII, 1.
  4. Léon Renier, Itia. rom. de la Gaule (Ann. de la Soc. des Antiq. de France, 1848).
  5. Ναμνῆται ὦν πόλις Κονδηούιηϰον. Ptol., Geog., II, VII, 9.
  6. Πιϰτόνες ὦν πόλεις Ρατίατον 50° 17’ — 40° 20’. Ptol., II, VII, 6.
  7. De Joly. Creusement d’un chenal à travers la Barre des Charpentiers à l’embouchure de la Loire (Ann. des Ponts et Chaussées, 1897).
  8. μετὰ τὰς τοῦ Αἰγειρος ποταμοῦ ἐϰϐολὰς, Βριουάτης λιμὴν 17° 40’— 48° 45’. Ptol., Geog., l. II, ch. VII.
  9. Plin., IV, XXX, III, 2. Itin. marit. Ed. Parthey et Pinder, 510, 1 ; E. Desjardins, Gaule rom., ch. I, § 3, op. cit.
    Cf. Sioc’han de Kersabiec. Études archéologiques, Corbilon, Samnites, Vénètes. Namnètes, Bretons de la Loire. Nantes, 1868.
  10. Cf. Not. dignit. et Chron. d’Ernold le Noir ; D. Bouquet, Collect. des Hist. de France.
  11. Cf. Bolland, Vita S. Philberti. et Acte de fondation du prieuré de Batz, IXe siècle.
  12. Plin., IV. XXXIII, 2.
  13. Cés., Bell. gall., III, 9 et 14.
  14. Dio Cass., XXXIX, 10.
  15. Strab., Geog., I. IV, II. I.
  16. Ptolémée, II, VIII. 6 ; Marcien d’Héraclée, II, 21 ; Strab., liv. IV, IV, 6 ; Denys le Périégète, Orb. descr. Geogr, min., II, V, 570-579. Cf. E. Desjardins, Gaule Rom., op. cit.
  17. Sioc’han de Kersabiec, op, cit.
  18. René Kerviler. Armoriaue et Bretagne (Recueil d’études sur l’histoire, l’archéologie et la biographie bretonnes, 3 vol. 1893).
  19. René Kerviler, L’Age de Bronze et les Gallo-Romains à Saint-Nazaire-sur-Loire (Rev. Archéol., 1877).
  20. Bulletin de la Société archéologique de Nantes et de la Loire-Inférieure, 1881.
  21. A. Guépin, Histoire de Nantes, 1837 ; L. Simonin, Les grands ports de commerce de la France, 1878.
  22. Joly, Port de Nantes (Ports maritimes de la France, op. cit. ).
  23. René Kerviler, Études archéologiques. Les Vénètes, César et Brivates Portus, 1893.
  24. René Kerviler, op. cit.
  25. René Kerviler, le Chronomètre préhistorique de Saint-Nazaire, 1893.
  26. Morlant, Précis historique sur le Pays de Guérande et du Croisic, 1818. Auiliganne, La Région du bas de la Loire. 1868.
  27. Bonamy, Port du Croisic (Ports maritimes de la France, op. cit.).