Catéchisme d’économie politique/1881/04

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Texte établi par Charles Comte, Joseph GarnierGuillaumin (p. 14-20).
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CHAPITRE IV.

Des opérations communes à toutes les Industries.


Comment appelle-t-on les hommes qui entreprennent la confection d’un produit quelconque ?

Ce sont les entrepreneurs d’industrie.

Quelles sont les opérations qui constituent le travail d’un entrepreneur d’industrie ?

Il doit d’abord acquérir les connaissances qui sont la base de l’art qu’il veut exercer.

Que doit-il faire ensuite ?

Il doit rassembler les moyens d’exécution nécessaires pour créer un produit et, finalement, présider à son exécution.

De quoi se composent les connaissances qu’il doit acquérir ?

Il doit connaître la nature des choses sur lesquelles il doit agir ou qu’il doit employer comme instruments, et les lois naturelles dont il peut s’aider.

Donnez-moi des exemples.

S’il veut être forgeron, il doit connaître la propriété qu’a le fer de s’amollir par la chaleur, et de se modeler sous le marteau ou sous des cylindres. S’il veut être horloger, il doit connaître les lois de la mécanique et l’action des poids ou des ressorts sur les rouages. S’il veut être agriculteur, il doit savoir quels sont les végétaux et les animaux qui sont utiles à l’homme, et les moyens de les élever. S’il veut être commerçant, il doit s’instruire de la situation géographique des différents pays, de leurs besoins, de leurs lois, ainsi que des moyens de transport qui sont à sa portée.

Quels sont les hommes qui s’occupent à recueillir et à conserver ces diverses connaissances ?

Ce sont les savants. L’entrepreneur d’industrie les consulte directement, ou consulte leurs ouvrages.

Ne suffit-il pas à l’entrepreneur de s’instruire des procédés de son art ?

Oui ; mais les procédés mêmes de son art sont fondés sur des connaissances recueillies, mises en ordre, conservées et journellement augmentées par les savants.

Les savants prennent donc part à la production des richesses ?

Indubitablement. Les vérités qu’ils enseignent sont la base de tous les arts.

Qu’arriverait-il, relativement à l’industrie, si les sciences cessaient d’être cultivées ?

On conserverait pendant un certain temps, dans les ateliers, la tradition des connaissances sur lesquelles sont fondés les procédés qu’on y exécute, mais ces procédés se dénatureraient peu à peu entre les mains de l’ignorance ; de mauvaises pratiques s’introduiraient ; on ne saurait pas pourquoi elles sont mauvaises, on n’aurait aucun moyen de retrouver les bonnes ; enfin, l’on ne pourrait attendre le perfectionnement que du hasard.

Après s’être instruit de la nature des choses sur lesquelles et par lesquelles il doit agir, que doit faire encore l’entrepreneur d’industrie ?

Il doit calculer les frais qu’occasionnera la confection du produit, en comparer le montant avec la valeur présumée qu’il aura étant terminé ; et il ne doit en entreprendre la fabrication, ou la continuer s’il l’a déjà entreprise, que lorsqu’il peut raisonnablement espérer que sa valeur sera suffisante pour rembourser tous les frais de sa production.

Quelles sont les autres opérations industrielles de l’entrepreneur ?

Il doit enfin diriger les travaux des agents salariés, commis, ouvriers, qui le secondent dans la confection des produits.

Désignez-moi quelques classes d’entrepreneurs dans l’industrie agricole.

Un fermier qui laboure le terrain d’autrui, le propriétaire qui fait valoir son propre terrain, sont des entrepreneurs d’industrie agricole. Dans les branches analogues à l’agriculture, celui qui exploite des mines, des carrières, pour en tirer des minéraux, ou qui exploite la mer et les rivières pour en tirer du sel, des poissons, du corail, des éponges, etc., est un entrepreneur d’industrie, pourvu qu’il travaille pour son propre compte. S’il travaille pour un salaire, ou à façon, c’est alors celui qui le paie qui est entrepreneur.

Désignez-moi quelques classes d’entrepreneurs dans l’industrie manufacturière.

Tous ceux qui, pour leur propre compte, font subir à un produit déjà existant une façon nouvelle au moyen de laquelle la valeur de ce produit est augmentée, sont entrepreneurs d’industrie manufacturière. Ainsi le manufacturier n’est pas seulement l’homme qui réunit un grand nombre d’ouvriers en ateliers ; c’est encore le menuisier qui fait des portes et des fenêtres, et même le maçon et le charpentier qui vont exercer leur art hors de leur domicile, et qui transforment des matériaux en un édifice. Le peintre en bâtiments lui-même, qui revêt l’intérieur de nos maisons d’une couleur plus fraîche, exerce encore une industrie manufacturière.

Il n’est donc pas nécessaire, pour être entrepreneur, d’être propriétaire de la matière que l’on travaille ?

Non ; le blanchisseur qui vous rend votre linge dans un autre état que celui où vous le lui avez confié, est entrepreneur d’industrie.

Le même homme peut-il être à la fois entrepreneur et ouvrier ?

Certainement. Le terrassier qui convient d’un prix pour creuser un fossé, un canal, est un entrepreneur ; s’il met lui-même la main à l’œuvre, il est ouvrier en même temps qu’entrepreneur.

Désignez-moi quelques classes d’entrepreneurs dans l’industrie commerciale.

Tous ceux qui, sans avoir fait subir une transformation à un produit, le revendent tel qu’ils l’ont acheté, mais dans un lieu et dans un état qui rendent le produit plus accessible au consommateur, sont des entrepreneurs d’industrie commerciale, ou des commerçants. Ainsi, ce n’est pas seulement le négociant qui fait venir des marchandises de l’Amérique et des Indes qui fait le commerce, c’est encore le marchand qui achète des étoffes ou des quincailleries dans une manufacture, pour les revendre dans une boutique ; ou même celui qui les achète en gros dans une rue, pour les revendre en détail dans la rue voisine.

Quels sont, dans l’industrie commerciale, les salariés qui remplissent les fonctions d’ouvriers ?

Les matelots, les voituriers (quand ils ne sont pas entrepreneurs, mais agents salariés), les porte-faix, les garçons de magasin et de boutique et, en général, tous ceux qui reçoivent un salaire fixe pour leur travail.

Quelle différence met-on entre l’industrie et le travail ?

On appelle travail toute action soutenue dans laquelle on se propose un but utile et lucratif. L’industrie est un ensemble de travaux dont quelques-uns sont purement intellectuels, et qui supposent quelquefois des combinaisons très élevées.

Résumez l’objet des opérations qui se rencontrent dans toutes les industries.

1o Les recherches du savant ; 2o l’application des connaissances acquises aux besoins des hommes, en y comprenant le rassemblement des moyens d’exécution et la direction de l’exécution elle-même, ce qui forme la tâche des entrepreneurs d’industrie ; 3o le travail des agents secondaires, tels que les ouvriers, qui vendent leur temps et leurs peines, sans être intéressés dans le résultat.