Catéchisme d’économie politique/1881/25

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Texte établi par Charles Comte, Joseph GarnierGuillaumin (p. 143-148).
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CHAPITRE XXV.

Des résultats de la consommation.


Quel est le premier résultat de la consommation ?

C’est la perte de valeur de l’objet consommé et, par conséquent, la perte d’une portion de richesse.

Comment le possesseur de l’objet consommé est-il dédommagé de ce sacrifice ?

Il en est dédommagé soit par la jouissance que procure la consommation, si elle est improductive, soit par un nouveau produit, accompagné d’un profit, d’une augmentation de richesse, si la consommation est reproductive.

Donnez-moi des exemples de l’une et de l’autre consommation.

Quand un boulanger brûle du bois pour cuire son pain, il le consomme reproductivement, parce qu’il ajoute à son pain toute la valeur qu’il ôte à son bois. Mais le bois que nous brûlons pour nous chauffer est consommé improductivement, car il ne résulte de cette combustion aucune valeur qui remplace la valeur du bois[1].

Que concluez-vous de ces faits ?

Que, de même que la production peut être considérée comme un échange dans lequel nous donnons nos services productifs pour obtenir en retour un produit, la consommation peut être considérée comme un autre échange où nous donnons un produit (celui que nous perdons), pour obtenir en retour soit une jouissance, soit un autre produit d’égale valeur.

Si la consommation reproductive ne fait que remplacer un produit par un produit d’égale valeur, quel avantage offre-t-elle ?

En même temps qu’elle remplace les produits consommés, elle distribue entre tous les producteurs des profits égaux à la valeur du nouveau produit créé.

Ne consomme-t-on pas autre chose que des produits ?

On peut aussi consommer productivement ou improductivement des services. Nous consommons productivement le service d’un ouvrier, lorsqu’après lui avoir payé sa journée, nous en retrouvons la valeur dans le produit qu’il a façonné par notre ordre ; et nous consommons improductivement le service d’un domestique, d’un musicien, d’un acteur qui nous amuse, parce que la dépense que nous avons faite dans ce cas n’a reparu dans aucun produit.

Avez-vous fait connaître les principaux effets de la consommation reproductive ?

Oui ; tel a été l’objet de tout ce qui a précédé dans le présent catéchisme.

Ferez-vous connaître les principaux effets de la consommation improductive ?

Oui ; ce sera la matière de ce qui va suivre jusqu’à la fin de cette instruction où, par conséquent le mot de consommation, employé seul, signifiera toujours une consommation improductive.

Tous les produits créés sont-ils nécessairement consommés ?

Ils le sont non pas nécessairement, mais ordinairement. On en conçoit la raison : un producteur ne crée un produit qu’autant qu’il peut présumer que ce produit aura de la valeur, autrement il ne le créerait pas ; il ne ferait pas un sacrifice duquel, dans cette supposition, il ne serait pas dédommagé ; il ne ferait pas un échange pour donner sans rien recevoir. Or, qu’est-ce qui procure à ce produit de la valeur ? C’est l’envie qui existe dans un certain nombre de personnes de donner, pour posséder, un certain prix ; et si ces personnes en donnent un prix quelconque, c’est pour le consommer ; autrement elles feraient à leur tour un sacrifice sans dédommagement ; ce qui n’est pas dans la nature humaine.

Qu’arrive-t-il quand un produit auquel on a cru donner de la valeur, n’en a pas ?

Il résulte de là une perte pour celui qui s’est faussement imaginé qu’il communiquait de la valeur à un objet. C’est ce qui arrive quand on fabrique des marchandises de mauvaise qualité ou de mauvais goût, qui ne se vendent pas. Ce ne sont pas des produits ; car une chose ne mérite ce nom que lorsqu’elle vaut autant que ses frais de production.

N’y a-t-il pas des consommations qui ne reproduisent aucune valeur, qui ne satisfont aucun besoin ?

Lorsque, dans une tempête, on jette à la mer la cargaison d’un navire, lorsqu’on incendie des magasins qu’on ne veut pas laisser à l’ennemi, on opère des destructions de valeurs qu’on n’appelle pas des consommations. Ce mot semble réservé aux destructions de valeurs d’où il résulte soit une jouissance, soit une nouvelle valeur.

Que doit-on penser d’un système qui conseillerait la consommation, non pour jouir, non pour reproduire, mais pour favoriser la production ?

On doit en penser ce qu’on penserait d’un homme qui conseillerait de mettre le feu à une ville pour faire gagner les maçons. Le résultat de cette action insensée serait de nous priver du bien-être qui accompagne la consommation des richesses acquises, afin de nous procurer l’avantage de travailler pour en acquérir d’autres.



  1. Ceci demande une distinction. Le bois que nous brûlons pour nous chauffer, les aliments que nous prenons pour nous nourrir sont consommés productivement, s’ils n’ont pas d’autre résultat que de nous procurer des jouissances ; ils sont consommés reproductivement, s’ils ont été nécessaires pour nous livrer au travail, et s’il est résulté de ce travail une valeur égale ou supérieure à celle qui a été consommée. Le combustible qu’un ouvrier jette sans cesse dans le fourneau d’une machine à vapeur, n’est pas consommé improductivement, si le mouvement qu’imprime à la machine la force expansive de la vapeur n’est pas improductif ; pourquoi les aliments au moyen desquels un bon ouvrier entretient ses forces, les vêtements dont il se couvre, l’huile dont il se sert pour s’éclairer, seraient-ils consommés improductivement, s’ils sont indispensables à sa conservation et à l’exercice de ses facultés industrielles ? Ch. C.