Catalogue raisonné du Musée d’Archéologie et de Céramique/Avis préliminaire

La bibliothèque libre.
AVIS PRÉLIMINAIRE


Le Musée d’Archéologie de la ville de Rennes, important par le nombre et le choix des objets d’art qui le composent, est pour la plus grande partie formé par le cabinet de M. de Robien, président au Parlement de Bretagne. Ceux qui possèdent le fruit de ses recherches doivent avant tout quelques mots de juste hommage à la mémoire de ce magistrat éminent qui honora le pays par l’étendue de son savoir et l’enrichit par ses collections.

Christophle-Paul Gaultron de Robien, chevalier, sire et baron de Kaer, vicomte de Plaintel, naquit à Rennes, d’une ancienne famille parlementaire, le 4 novembre 1698. Il fut conseiller le 17 mai 1720, puis président à mortier le 24 octobre 1724. Ne devrait-on pas s’étonner d’une organisation judiciaire qui permettait d’arriver si jeune à ces charges si graves ? mais son mérite saurait la faire excuser pour lui. Le droit féodal et coutumier de la province, l’histoire et les antiquités de la Bretagne, ainsi que son histoire naturelle, furent l’objet constant des études de toute sa vie, et l’on peut dire qu’il n’aborda rien sans l’approfondir avec succès. Les mémoires et factums qu’il publia dans ses procès prouvent sa science comme jurisconsulte breton[1] ; ses connaissances comme naturaliste sont attestées par ses Nouvelles idées sur la formation des fossilles[sic][2], et par sa Dissertation sur la formation des trois différentes espèces de pierres figurées qui se trouvent dans la Bretagne[3], opuscules qui furent imprimés à Paris, mais sans nom d’auteur, en 1751. Ses autres travaux sont restés manuscrits, soit parce que des considérations politiques s’opposaient à leur publication, tel que le Journal historique de tout ce qui s’est passé en Bretagne pendant les premières années de l’administration de Philippe, duc d’Orléans, régent du royaume[4], soit parce que la mort l’a surpris avant qu’il eût eu le temps d’y mettre la dernière main, tel est son grand ouvrage sur la Bretagne[5], dont le titre donne l’analyse : 1re partie. Description historique et topographique de l’ancienne Armorique ou petite Bretagne depuis la conquête des Romains jusqu’au passage des Bretons insulaires dans cette province, enrichie de plans, cartes et dessins des monuments qu’on a pu découvrir jusqu’à présent ; 97 feuillets, 124 dessins. — 2e partie. Description historique et topographique de l’ancienne Armorique ou petite Bretagne, avec l’histoire moderne et détaillée par les évêchés de cette province, enrichie de cartes, plans, vues et dessins des villes et principaux édifices et monuments qu’on y remarque ; 86 feuillets, 60 dessins. — 3e partie. Description historique et topographique de l’ancienne Armorique ou petite Bretagne avec les cartes de côtes, les vues et dessins de quelques-unes, de quelques montagnes, cavernes, mines, rivières, pêcheries, etc., les dessins au naturel des papillons, oiseaux, poissons, plantes marines, coquillages, testacés et crustacés, orties errantes et fixes qui se rencontrent sur le rivage, etc. ; 424 feuillets, 460 dessins. — 4e partie. Notices historiques sur un grand nombre d’hommes illustres, empereurs, rois, princes, sur des statues, vases et objets antiques, sur les anciennes monnaies et médailles gauloises, juives, puniques, grecques, romaines, françaises et espagnoles, et sur celles des ducs de Bretagne ; 309 feuillets, 13 dessins. Relié il y a quelques années en deux gros volumes in-fo, comprenant en totalité 916 feuillets et 657 dessins, avec portrait de l’auteur, dessiné par Huguet et gravé par Balechou.

M. le comte de Caylus donne quelques extraits de ce dernier ouvrage dans le t. VI de son Recueil d’antiquités[6], et il est cité dans la Bibl. hist. de Jacques Lelong, t. III, no  35,355[7]. C’est de la dernière partie de ce manuscrit que sont extraites les monnaies de Bretagne qu’on voit sur une planche gravée à la fin du 2e vol. de l’Histoire de Bretagne de DD. Morice et Taillandier, et qui sont tirés du cabinet du président[8].

Il voulut lui-même décrire les vastes collections formées par son zèle infatigable, et son grand manuscrit en contient un catalogue[9]. On pourrait généralement y désirer plus de précision, et les indications de provenance y manquent trop souvent, mais les déterminations sont presque toujours exactes et montrent la sûreté de ses appréciations. Nous l’avons toujours avec fruit consulté, souvent avec profit utilisé.

Ce riche cabinet se trouve cité avec avantage par Piganiol de la Force, Nouv. descr. de la France, t. VIII, p. 276 ; par le comte de Caylus, VI, p. 369 ; par Dezalliers d’Argenville, l’Hist. nat. éclaircie dans la lithologie et la conchyliologie, p. 212[10]. Ce qui en reste aujourd’hui ne doit pas démentir leurs éloges. Une nombreuse bibliothèque, une belle galerie de tableaux, de dessins et d’estampes, un cabinet d’histoire naturelle aussi complet et aussi bien ordonné que le permettait à cette époque l’état de la science, des séries numismatiques bien classées dans des médaillers qui existent encore, et enfin une collection d’antiquités égyptiennes, gauloises, grecques et romaines, de pierres gravées, d’objets d’art du moyen âge et de la renaissance, de porcelaines et de laques de la Chine et du Japon, de curiosités de toute espèce des pays les plus éloignés qui lui étaient apportées par les navigateurs, tout cela venait émerveiller ses contemporains, dont la naïve admiration se traduisait par des vers comme ceux-ci dus à la plume de Desforges-Maillard, du Croisic :

Magistrat équitable, ami sûr et sincère,
   Digne de ses nobles aïeux,
La probité, l’honneur forment son caractère,
Et son beau cabinet a de quoi satisfaire
   Les savants et les curieux.[11]

Il est bon, dans ce siècle aux souvenirs effacés, de remettre un peu en relief ces grandes figures parlementaires en qui l’on voyait s’allier à la naissance et à la fortune toutes les qualités morales, ainsi que la science la plus profonde et la plus vaste érudition. Si nous ne pouvons continuer leurs traditions laissées, que ce ne soit pas du moins faute d’avoir connu leur vie et leurs travaux, leurs leçons et leurs exemples !

M. le président de Robien fut reçu membre de l’Académie de Berlin le 20 février 1755. Il mourut le 5 juin 1756. Son fils, comme lui président à mortier, hérita de ses collections et de son savoir.

Mais à l’époque de nos troubles civils, elles changèrent violemment de maître, confisquées en vertu des lois de la Révolution. Le ministre de l’intérieur eut alors l’idée de créer à Paris, avec ce qui de toutes parts était ainsi mis à sa disposition, un musée gigantesque où tout se trouverait centralisé. Il écrivit en conséquence aux communes, en 1792, pour faire faire un inventaire scrupuleux et un triage réfléchi de tous les objets appartenant aux arts et aux sciences, et destinés à servir d’éléments à l’éducation nationale. Son intention était, d’après le rapprochement des inventaires, de classer dans le Muséum ou dans la Bibliothèque nationale les objets les plus précieux, et de former du reste des espèces de sections. Le Conseil Général de la commune de Rennes s’en émut, et dans sa séance du 21 décembre, un membre fit observer que ces dispositions contrarieraient le vœu public en enrichissant Paris des dépouilles de chaque commune, et en assemblant dans un centre unique des matériaux destinés à servir de base à l’éducation dans toutes les localités. Sur cette observation, le Conseil arrêta que l’on aviserait aux moyens de conserver à Rennes le cabinet de Robien, et une commission fut chargée d’écrire dans cet esprit au ministre. Cette démarche réussit. Mais la commune de Rennes n’avait pas songé aux voies et moyens, et elle ne tarda pas à se trouver embarrassée de ses richesses : les nouveaux pouvoirs se disputèrent à qui ne les aurait point, se les rejetant les uns sur les autres, et il s’ouvrit une série de discussions entre la commune, le district et le département.

La loi du 8 pluviôse de l’an II avait donné aux directoires de district la propriété des objets d’art provenant des confiscations. L’ancienne église de la Visitation reçut provisoirement le cabinet de Robien, ainsi que les livres destinés à former une bibliothèque publique. Ce local ayant bientôt reçu la destination urgente d’un hôpital militaire pour les blessés, ces dépôts divers furent transportés en l’an III, confusément et à la hâte, dans l’ancien couvent des Carmélites. Ce monastère n’ayant pas tardé à être vendu nationalement, le tout subit un autre transport dans les bâtiments de l’ancien évêché. Cependant, l’administration du département d’Ille-et-Vilaine trouvant onéreux l’entretien de ces collections, en répudiait la propriété, qu’elle considérait comme une charge sans compensation. Une décision du ministre de l’intérieur du 24 ventôse an XIII en attribua la propriété aux communes où elles étaient en dépôt, leur imposant en même temps les frais d’entretien. La commune de Rennes fit force difficultés pour accepter et ces valeurs et leurs charges. On lit dans le registre des délibérations un mémoire adressé au ministre le 10 thermidor an XIII, dans lequel on voit que la ville accepte avec reconnaissance l’école d’équitation « dont on sent l’utilité directe. » Quant au jardin botanique et au muséum, la ville n’en veut en aucune manière : « C’est une propriété départementale ; rien ne peut en dépouiller le département, qui la possède en vertu d’une loi positive et spéciale du 13 floréal an VII. » Le ministre tint bon de son côté, et la ville finit par accepter, le 24 vendémiaire an XIV, la possession du jardin botanique, ainsi que celle du cabinet d’histoire naturelle et du musée[12].

Les collections de Robien, ainsi devenues municipales, continuaient de rester déposées dans les bâtiments de l’évêché, lorsqu’elles y furent victimes du vol le plus audacieux. Le 24 avril 1809, un nommé Jursellez, forçat évadé du bagne de Brest, après avoir examiné les locaux comme visiteur lors de l’ouverture publique de l’établissement, s’y introduisit pendant la nuit à l’aide d’escalade et d’effraction, brisa les armoires et fit main basse sur les médailles d’or et d’argent, les bagues et objets de prix qui y étaient renfermés. Trois jours après, arrêté par la gendarmerie comme suspect et fouillé, on trouva sur lui plusieurs bagues, produit du vol. D’après ses aveux, l’on déterra, enfoui dans le Jardin des Plantes, un sac contenant un grand nombre des objets de prix par lui soustraits. La police découvrit chez deux orfèvres, qui furent regardés comme complices par recélé, un grand nombre de pièces d’or qu’ils avaient achetées clandestinement du voleur. Par arrêt de la Cour spéciale du département du 30 juin 1809, cet homme fut condamné à douze ans de fers, à l’exposition et à la flétrissure[13] ; les deux orfèvres furent l’objet de poursuites compliquées[14]. Mais ces évolutions de procédures n’ont qu’un intérêt secondaire pour l’amateur ; ce qui lui importe de savoir, et ce qui doit être pour lui un sujet de regrets irréparables, c’est que tout n’a point été recouvré, et qu’une statuette antique de Cupidon, en or massif, trouvée à Loc-Mariaker, figurine panthée du travail le plus curieux, n’a point reparti dans les vitrines, d’où elle avait été ravie. — La tradition de ce vol se perpétue par cet individu au bagne de Brest, ou on le réintégra, et il fut, plus tard, répété sur une plus grande proportion à Paris. Le 6 novembre 1831, un nommé Fossard, forçat évadé du même bagne, et un nommé Drouillet, forçat gracié, s’introduisirent par les mémés moyens dans le cabinet des antiques de la bibliothèque du roi, et pendant la nuit, à l’aide d’escalade et d’effraction, ils firent aussi main basse sur les objets en métaux précieux qui y étaient conservés ; les médailles d’or et d’argent, bijoux et vases de prix devinrent la proie de ces voleurs ; une partie fut fondue, l’autre jetée dans la Seine. Ce fut alors que disparut la célèbre patère antique d’or massif, découverte à Rennes en 1774, et offerte par le Chapitre au duc de Penthièvre, gouverneur de Bretagne, pour être donnée au roi Louis XV ; mais des plongeurs la retirèrent du lit du fleuve. Seulement, la plaque ciselée en relief, incrustée au fond de la patère, s’en était détachée, sans doute au moment de la chute : on la retira quelques jours après d’un autre endroit de la Seine. Ainsi, plus heureusement retrouvée que le Cupidon, la patère de Rennes figura parmi les pièces de conviction pour revenir à la collection royale. Fossard fut condamné par la Cour d’assises, le 16 janvier 1833, à quarante ans de travaux forcés, Drouillet à vingt ans de la même peine[15]. Qu’était la grande valeur intrinsèque qui tentait ces malfaiteurs en comparaison de la valeur inestimable de ces précieux objets d’art qu’anéantissait leur cupidité ?

La collection de Robien restait toujours déposée à l’évêché. En 1814, le comte de Ferrières, commissaire extraordinaire en Bretagne, voulut la faire transférer ailleurs ; la ville résista par la force d’inertie. Mais en 1815, le maréchal Soult, envoyé en Bretagne avec le même titre que le comte de Ferrières, se fit obéir sans réplique. Le musée évacua le palais épiscopal ; les toiles furent déposées dans les salles basses du Présidial, et les collections scientifiques furent mises pêle-mêle dans les greniers de l’Hôtel-de-Ville, aussi maltraitées en 1815, dit M. Marteville, qu’elles l’avaient été en 1794[16].

Cette malheureuse collection, sans cesse ballottée, n’était pas à bout de vicissitudes. En 1819, le musée des tableaux fut encore délogé et transporté dans une ancienne chapelle, jadis annexée par les Jésuites à leur collége, local humide où il fut relégué[17]. Quant au musée d’histoire naturelle, la ville profita de la création d’une Faculté des Sciences, en 1836, pour s’en débarrasser en le donnant à cette nouvelle institution. Il faut espérer qu’il pourra être un jour livré aux études du public studieux.

Une circonstance inopinée vint augmenter la collection archéologique. Lors des travaux exécutés de 1841 à 1845 dans le lit de la Vilaine pour sa canalisation dans la traverse de Rennes, on rencontra, depuis l’endroit où est aujourd’hui construit le pont de Berlin jusqu’à celui où était l’hôpital Saint-Yves, une quantité énorme de monnaies romaines de tous métaux et modules, à partir de la conquête jusqu’au IVe siècle de notre ère. Toutes les monnaies ayant cours dans cette contrée pendant ce laps de temps y étaient représentées. Ces découvertes, ainsi que celles du moyen âge dans les couches supérieures, ont été soigneusement décrites dans un ouvrage de M. le docteur Toulmouche[18]. À quelles causes attribuer cet encaissement de monnaies dans un même lieu ? Diverses hypothèses, plus ou moins admissibles, ont été mises en avant. Nous essayons d’émettre la nôtre. Un passage d’un auteur ancien pourrait donner une indication utile. Suétone, dans la vie d’Auguste, s’exprime ainsi : Omnes ordines in lacum Curtii quotannis ex voto pro salute ejus stipem jaciebant (cap. 57). Ne peut-on pas voir dans l’accumulation successive de ces monnaies à toutes les effigies l’expression de l’ex-voto formé par les Gaulois à l’imitation des Romains, pour le salut des empereurs, usage païen auquel la religion chrétienne dut mettre un obstacle et que la chute de l’empire dans les Gaules dut anéantir sans retour ? Un nombre considérable de médailles antiques vint alors se joindre aux séries numismatiques laissées par le président de Robien.

Enfin, un état de choses plus stable arriva par la construction du Palais-Universitaire, où les Musées, les Facultés de droit, des sciences et des lettres, ainsi que l’Ecole de médecine, devaient trouver sous le même toit un commun et splendide abri. Lorsque ce Palais, achevé en 1855, fut prêt a recevoir ses nouveaux hôtes, un arrêté du Maire, en date du 1er septembre, nomma M. le docteur Jules-Marie-François Aussant directeur honoraire des Musées de la ville. Nul n’était plus digne de cette confiance de l’Administration municipale. C’était, en effet, à son initiative qu’était due cette création nouvelle, et ce fut à ses soins incessants que l’installation et le classement des différents Musées durent se trouver accomplis. Enfin, au mois de juin 1860, cette œuvre première se trouvant accomplie, le Conseil municipal, par la plus justement flatteuse des délibérations, lui décerne en récompense des services rendus a la ville une médaille d’or.

Sous son habile direction, le Musée de Rennes était destiné à prendre un rang des plus honorables parmi les musées de province. Son activité suffisait à tout : directeur de l’Ecole de médecine, président de la Société archéologique, membre du Conseil municipal, il n’en trouvait pas moins le temps de se donner avec une égale sollicitude aux Musées de la ville. Amateur éclairé de la peinture et des beaux-arts, érudit antiquaire, naturaliste distingué, collectionneur intelligent et passionné, il mettait sans cesse ses connaissances variées en tout genre à la disposition de son attachement pour le Musée. Ses découvertes profitaient plus à l’établissement qu’à lui-même, et par ses libéralités, il lui fit prendre une rapide extension. À la tête des réunions savantes, des expositions industrielles et artistiques, cette position n’était pour lui qu’un moyen d’être utile à sa ville natale. S’il mettait en lumière l’ancienne industrie céramique de la Bretagne, sa découverte des faïences du vieux-Rennes et des poteries de Fontenay, qui en faisait recueillir les échantillons si recherchés, n’avait pour but que le pur intérêt de l’art et son désintéressement n’avait aucune borne. Tant d’honorables travaux ne pouvaient manquer de fixer l’attention du gouvernement, et par la distinction la plus méritée, il fut nommé chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur.

Cependant la fin de sa vie approchait, il le sentait, et ne voulant pas se laisser surprendre et quitter son œuvre inachevée, il enrichit les différents départements du Musée de tout ce que ses collections réunies pouvaient offrir d’intéressant et de curieux. Ce n’était pas seulement l’archéologie qu’il venait ainsi compléter. C’est de cette manière que la salle de céramique, si riche en vieux Rennes, se trouva bientôt établie, que s’orna la galerie de peinture et qu’une galerie nouvelle devant être destinée à l’iconographie bretonne reçut de ses portefeuilles tous les éléments appelés à la former, que la minéralogie et la conchyliologie par lui marchèrent vers leur complément. Puis il mourut à Rennes, le 18 juin 1872. La Société archéologique qu’il avait présidée a retracé ses travaux, dans une notice biographique étendue : écrire sa vie, c’était retracer le mouvement intellectuel et scientifique à Rennes pendant toute l’existence de cet homme si dévoué[19]. D’un autre côté, tandis qu’au Musée la salle d’archéologie avait reçu le nom du président de Robien et l’image du savant magistrat, l’administration municipale donna le nom de M. Aussant à la salle de céramique, en y faisant placer son portrait. C’est ainsi qu’on se rend soi-même digne d’honneur en honorant la mémoire des hommes utiles dont la vie fut consacrée à l’étude et au travail, au progrès des lettres, des sciences et des arts.

Le Musée d’archéologie, bien que multiple par les différents fonds qui depuis son origine ont contribué à sa formation, constitue cependant un ensemble unique. Il est composé : 1o du fonds du président de Robien ; 2o du fonds de la ville, c’est-à-dire du résultat des fouilles de la Vilaine et des acquisitions successives de la Mairie, parmi lesquelles il faut citer en dernier lieu l’achat de la belle collection gauloise de feu M. Moët de la Forte-Maison ; des libéralités du Gouvernement et notamment d’une partie de la collection Campana, de Rome ; 4o de la collection particulière de la Société d’archéologie du département, qu’elle a déposée dans le même local, mais en conservant son droit de propriété distinct sur chaque objet lui appartenant ; 5o des nombreuses libéralités de M. le docteur Aussant et de ses enfants ; 6o enfin des dons faits au Musée de la ville par diverses autres personnes généreuses, jalouses d’augmenter aussi la valeur de cette richesse commune.

Toutes ces collections n’étaient susceptibles de produire le résultat qu’on pouvait en attendre, à moins d’un classement régulier et sans des catalogues raisonnés. Celui qui écrit ces lignes fut chargé de ce soin et il l’entreprit sous la direction de M. Aussant.

Pour la disposition de la collection, il a paru convenable de la diviser en deux parties : l’archéologie proprement dite, qui comprend dans une première section les objets d’art de l’antiquité et dans une seconde section ceux du moyen âge et de la renaissance ; 2o l’ethnographie, qui se compose des objets de curiosité rapportés des pays lointains et qui peuvent aussi servir à l’histoire de l’art par la comparaison des industries de ces civilisations, aussi éloignées par l’espace que les autres le sont par le temps[20].

La numismatique, bien que formant une partie intégrante des séries archéologiques, a reçu tout d’abord un catalogue particulier. L’importance de cette suite, formée dès le principe de plus de 3,000 pièces, nombre qui atteint aujourd’hui 5,000, a rendu nécessaire d’en dresser à part un inventaire séparé [21]. Ce travail, exécuté en 1859 et tenu constamment à jour, est déposé en manuscrit dans le cabinet des médailles, où il peut être consulté.

La Société archéologique du département devait naturellement s’intéresser, pour le catalogue du Musée, à la tâche d’un de ses membres relative à l’objet direct de ses études académiques. Aussi voulut-elle bien se charger elle-même de la publication. La 1re partie parut en 1866, dans le tome IV de ses Mémoires ; la 2e partie en 1868, dans le tome VI. Les deux parties réunies furent ensuite l’objet d’un tirage à part. Le Musée archéologique s’élevait déjà à plus de mille articles.

Cependant le Musée prenait journellement un accroissement considérable. Les libéralités de M. Aussant et celles de plusieurs autres généreux habitants, les acquisitions de la Mairie l’ont en ce moment doublé. Le catalogue, presque épuisé d’ailleurs, étant devenu insuffisant pour répondre aux besoins des visiteurs, sa réimpression était rendue désirable afin de remplir ses nombreuses lacunes. L’Administration municipale a pris libéralement le soin d’y pourvoir, et, sur la demande de M. le Maire, le Conseil municipal a voté les fonds destinés à y faire face.

A la suite du Catalogue du Musée d’archéologie va se trouver celui du Musée lapidaire, créé pour en former une annexe. On n’a rien négligé pour que la seconde édition de ce livre, rectifiée et complétée, approche du niveau de la science et puisse ainsi réaliser son but. On a, pour y arriver, profité des travaux de la Société archéologique, et particulièrement de ceux de M. l’abbé Brune sur l’archéologie religieuse du diocèse, de M. P. de La Bigne Villeneuve sur l’histoire et la topographie de la ville de Rennes et de M. le commandant Mowat sur l’épigraphie.

C’est donc sous le patronage bienveillant de la Société dont il fait partie, et sous les auspices d’une Administration municipale éclairée qui ne néglige aucun encouragement pour la prospérité de ses établissements d’instruction publique, que l’auteur produit le résultat de son travail, et c’est, fort de ce double appui, qu’il réclame pour ses recherches, souvent ardues et difficiles, l’indulgente appréciation que les amis de la sciences savent accorder à ces études.

A. A.

  1. Cat. de la Bibl. publ. de la ville de Rennes, par D. Maillet, nos3,289 à 3,292.
  2. Ibid., no 4,678.
  3. No4,677.
  4. Ibid., no 10,069 ; Cat. des Mss., no 190.
  5. Cat. de la Bibl., nos4,474, 9,237 et 10,832 ; Cat. des Mss., no 179.
  6. Cat. de la Bibl., no  11,380. Exemplaire aux armes du président de Robien, d’azur à 10 billettes d’argent, 4, 3, 2 et 1.
  7. Ibid., no  11,701.
  8. No 10,849.
  9. No 6197.
  10. Ibid., 1er suppl., no  4,658, v. f. d. s. tr. aux armes du prés. de Robien.
  11. Article biographique par M. de Keranflec’h dans la Biographie bretonne de Levot, t. II, p. 723 à 729.
  12. Marteville, Hist. de Rennes, II. p. 266.
  13. Registre de la Cour spéciale du département aux archives du greffe de la Cour d’appel.
  14. Voyez Bulletin criminel de la cour de cassation, 1809, p. 353, et Sirey, Recueil général des arrêts, 1810, 1re part., p. 261.
  15. Moniteur universel des 7 et 11 novembre 1831 ; 20 juillet, 1er et 4 août 1832 ; 17 janvier 1831 — Gazette des Tribunaux du 7 novembre 1831, 11 février, 29 juillet, 3, 4, 5, 6 août, 7 septembre, 31 octobre, 29 décembre 1832 ; 14, 15 et 16 janvier 1833. — Chabouillet, Cat. du cab. imp., p. 364.
  16. Marteville, Hist. de Rennes, II, p. 271.
  17. Ducrest et Maillet, ibid., p. 549.
  18. Toulmouche, Hist. arch. de l’époque gallo-romaine de la ville de Rennes, 1847, in-4o
  19. Notice biographique sur M. Aussant, ancien président de la Société, par M. Aug. André, dans le t. VIII des Mém. de Soc. arch., p. 515, — On peut y voir l’énumération de ses travaux et de ses différentes publications.
  20. C’est la division qui a été aussi adoptée pour l’Exposition archéologique de Rennes, en 1868, dont le compte-rendu, rédigé par MM. Aussant et André, est aux Mém. de la Soc. arch., t. iii, p. 58. On y avait également annexé l’ethnographie. Voir, pour les motifs qui ont déterminé la commission, les considérations sur lesquelles on s’appuie, p. 95.
  21. V. Bull. de la Soc. arc., t. i, p. 37, 38.