Catherine Tekakwitha/1/1

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Imprimerie du Messager (p. 11-14).


CHAPITRE PREMIER


Les Iroquois. — Leur pays. — Leurs mœurs.


Nous n’avons nullement l’intention de développer ce thème. Il nous suffira d’indiquer certains traits caractéristiques qui formeront comme le cadre et l’arrière-plan de cette histoire et aideront à mieux saisir le genre de difficultés qu’eut à surmonter notre héroïne dans la pratique des vertus.

On sait que le nom Iroquois leur fut donné par les Français, parce que ces sauvages terminaient tous leurs discours par le mot Hiro (j’ai dit), en ajoutant le mot Koué, cri de joie ou de tristesse, selon qu’il était prononcé long ou court. Eux-mêmes s’appelaient Hodeno-saunee (peuple de la maison longue).[1].

Les Iroquois, fins diplomates autant que guerriers indomptables, ambitieux, agressifs, patients et féroces, rêvaient d’anéantir leurs trois grands ennemis, les Hurons, les Algonquins et les Français. Ils réussirent singulièrement avec les deux premiers et mirent à deux doigts de sa perte la colonie naissante de la Nouvelle-France.

Ils formaient une vaste confédération qui comprenait cinq nations ou tribus, situées entre la rivière Hudson et le lac Erié. Allant de l’Est à l’Ouest, on avait d’abord les Agniers, puis les Onneyouts, les Onnontagués, les Goyogouins et les Tsonnontouans.

Le canton des Agniers se trouvait ainsi le plus rapproché de l’Hudson, du lac George, du lac Champlain et du Richelieu (appelé rivière des Iroquois). C’est dans ce canton que naîtra Catherine Tekakwitha.

Dans chaque canton on distinguait trois souches ou familles principales, sous des noms d’animaux, — comme nos modernes sociétés secrètes — la Tortue, le Loup, l’Ours. Chacune a son chef, ses anciens, ses guerriers. Grande est l’autorité du chef, grand le respect dont on l’entoure. Et cependant il ne commande point : sa force est dans la persuasion, l’éloge ou le blâme.

La religion des Iroquois, comme celle des autres sauvages, est un tissu de fables ridicules, de superstitions et de pratiques grossières où l’immoralité entre pour une large part. La manière dont les familles se groupent dans les cabanes n’est pas pour entraver le libertinage.

La cabane iroquoise, faite en forme de berceau ou tonnelle de jardin, est soutenue latéralement par de fortes pièces de bois et recouverte de grosses écorces de cèdre, de frêne, d’orme ou de sapin. Sa longueur variable est de cent à cent cinquante pieds, sa largeur et sa hauteur de vingt-cinq pieds. Une porte à chaque extrémité, mais pas de fenêtre ni de cheminée : un trou dans la toiture, au-dessus de chaque foyer, fait entrer la lumière et laisse échapper la fumée. Dans la cabane plusieurs feux, et quatre familles à chaque feu ; les familles sont disposées de chaque côté de la cabane, de manière à laisser un espace libre au milieu, comme un corridor, où se trouvent échelonnés les divers foyers. On s’assied par terre, on couche sur des peaux de bêtes, sur des nattes ou sur la terre nue.

Ces détails d’intérieur nous feront mieux comprendre le genre de vie de la pieuse Tekakwitha, durant ses vingt et un ans de séjour chez les Iroquois de la Mohawk.

Les Agniers (que les Anglais appellent Mohawks) avaient leurs principaux villages sur les bords de la rivière Mohawk : Gandaouagué, Gandagoron, Tionnontoguen. Le premier reviendra souvent dans notre récit.

Sur les deux mille cinq cents guerriers, que les vingt-cinq mille âmes de la confédération iroquoise pouvaient mettre en campagne, les Agniers n’en fournissaient que cinq à six cents. Mais ils étaient les plus hardis et les plus terribles. Leur supériorité sur les autres tribus venait aussi de l’usage des armes à feu qu’ils recevaient de leurs voisins, les Hollandais de Fort Orange (aujourd’hui Albany), en échange de riches pelleteries.

L’audace des Iroquois contre leurs ennemis croissait sans cesse : Hurons, Algonquins, Montagnais, Français, n’étaient en sûreté nulle part. Le P. Vimont, supérieur de Québec, écrivait en 1641 : « La Nouvelle-France se va perdre si elle n’est fortement et promptement secourue. »[2]

Le secours viendra, mais pas toujours à temps, ni toujours suffisant. Il y faudra d’abord la semence du saint Évangile, fécondée par le sang des martyrs.

  1. Garneau, Histoire du Canada, 5e éd., Paris, 1913, t. I, p. 119.
  2. Relation de 1641, p. 58.