Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade II

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Cent Ballades, Texte établi par Maurice RoyFirmin Didot (p. 2-3).


II



Ou temps jadis, en la cité de Romme,
Orent Rommains maint noble et bel usage.
Un en y ot : tel fu que quant un homme
4En fais d’armes s’en aloit en voyage,
S’il faisoit la aucun beau vasselage,[1]
Après, quant ert a Romme retourné,[2]
Cellui estoit, pour pris de son bernage,
8Digne d’estre de lorier couronné.

De cel’ honneur on prisoit moult la somme ;

Car le plus preux l’avoit ou le plus sage.[3]
Pour ce pluseurs, qu’yci pas je ne nomme,
12S’efforçoient d’en avoir l’avantage ;
Bien y paru, car de hardi visage
Domterent ceulz d’Auffrique en leur regné,
Dont maint furent, au retour de Cartage,
16Digne d’estre de laurier couronné.

Ce faisoit on jadis ; mais une pomme
Ne sont prisié en France, c’est domage,
Adès les bons, mais tous ceulz on renomme
20Qui ont avoir ou trés grant heritage.
Mais par bonté, trop plus que par lignage,
Doit estre honneur et pris et loz donné[4]
A ceulx qui sont, pour leur noble corage,
24Digne d’estre de lorier couronné.

Princes, par Dieu c’est grant dueil et grant rage
Quant les biens fais ne sont guerredonné
A ceulx qui sont, au dit de tout lengage,
28Digne d’estre de lorier couronné.

  1. B et la f.
  2. B Et puis s’en feust a
  3. B et le p.
  4. B loz et p.