Chansons (Antoine Clesse)/Le Doudou

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Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (p. 8-10).

LE DOUDOU


Air populaire montois

 


M ontois, à pleine gorge,
Chantons à l’unisson
Le dragon et saint George

Sur l’air du vieux Lumçon[1] !
Ce refrain
Plein d’entrain
Invite aux jeux, à la danse ;
Et tout refrain heureux
Réveille au cœur les instincts généreux.

Chantons, mes amis,
Cet air du pays
Si cher à notre enfance ;
Montois, sage ou fou,
Chantons le doudou ;
Rien n’est plus charmant que le doudou.


Quand Gilles prend sa lance[2]
Et presse son coursier,
L’affreux dragon balance
Une queue en osier…
On se bat :
Quel combat !
Le dragon faiblit, je pense…
Grâce à Gilles de Chin
Le voilà mort… jusques à l’an prochain.
Chantons, mes amis, etc.

Des soldats intrépides,
Avec les Du Vivier,
Au pied des Pyramides
Ont dit ce chant guerrier.
Une fois,
Un montois,
Blessé là-bas pour la France,
Sans fléchir un instant,
Avec transport disait en combattant :
« Chantons, mes amis, etc.

Quand, héroïque épée,
Un Du Vivier passait[3]
C’est saint George et l’poupée[4]
Que tout gamin chantait.
Dans les mains
Des gamins
Tombait une récompense ;
Et les malins gaillards
Disaient gaîment en se montrant leurs liards :
« Chantons, mes amis, etc. »

On peut montrer encore
À tous nos chabourlets[5]
Un drapeau tricolore
Troué par les boulets.

Ce lambeau
De drapeau,
Gage saint d’indépendance,
Au plus fort du péril
Qui le portait ? c’est Pierre Du Ménil[6]
Chantons, mes amis, etc.

Quand se tait la parole
Sous un joug détesté,
On voit par un symbole
Surgir la vérité :
Le dragon
Du Lumçon,
C’est le joug, l’intolérance ;
Et saint George indompté,
Ô mes amis, c’est bien la liberté !

Chantons, mes amis,
Cet air du pays
Si cher à notre enfance ;
Montois, sage ou fou,
Chantons le doudou :
Rien n’est plus charmant que le doudou.

1853.

  1. C’est ainsi qu’en langage populaire on appelle le combat du dragon et de St George.
  2. Gilles de Chin et St George sont pour le peuple montois un même personnage.
  3. Les généraux Vincent et Louis Du Vivier.
  4. L’poupée, c’est la statue de la Vierge. Il n’y a pas si longtemps encore, cette statue précédait saint George à la procession, ainsi que le dit ce couplet populaire :

    Nos irons vir l’car d’or

    À l’procession de Mon ;

    Ce s’ra l’poupée saint Georg’

    Qui no’ suivra de lon.

  5. On donne à Mons le nom de chabourlets et chabourlettes aux étrangers et étrangères invités aux fêtes de la kermesse.
  6. Au combat de Berchem (1830), Pierre Du Ménil, né à Mons, le 26 Août 1811, planta, en avant des braves volontaires Belges, le drapeau national qui fut mutilé entre ses mains par le canon de l’ennemi. Il fut décoré pour ce fait d’armes en 1835.