Chansons (Antoine Clesse)/Une Éclaircie

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Librairie Nouvelle ; Librairie Universelle (p. 12).

UNE ÉCLAIRCIE



D e larges flaques d’eau récentes,
Au grand ciel servant de miroir,
Se détachaient, éblouissantes,
Dans un chemin boueux et noir.
Après l’orage, une éclaircie
Versait, aux sites enchantés,
La lumière et la poésie :
Mon cœur était plein de clartés. (Bis.)

Les gouttes d’eau retentissantes
Tombaient des feuillages en pleurs ;
Et des senteurs plus pénétrantes
S’échappaient des prés et des fleurs.
La terre semblait parfumée ;
Avide, mon âme écoutait :
L’oiseau chantait sous la ramée,
Dans les arbres le vent chantait.

Le soleil, aux rayons timides,
— L’orage au loin grondait encor, —
À travers les branches humides
Faisait briller des perles d’or,
Et, rutilante de lumière,
La Trouille montrait devant moi,
Comme un géant sur la rivière,
L’ombre immense du vieux beffroi.

Le bonheur animait ma joue ;
Lentement je marchais joyeux ;
Mes pieds barbotaient dans la boue,
Ma pensée allait vers les cieux…
Puis le ciel se recouvrit d’ombre ;
Gaîment je disais en chemin :
Qu’importe si le temps est sombre,
Le soleil reluira demain !

Mons, 15 Mai 1872.
Antoine Clesse.