Chansons de route/La Douleur du drapeau
LA DOULEUR DU DRAPEAU
C’est moi qui porte le Drapeau
D’un vieux régiment de la ligne :
Pour lui, je risquerais ma peau,
Sans hésiter, au premier signe.
Depuis quelques temps il me semble
Qu’il n’est plus si fier, ni si beau…
Mais qu’a-t-il donc notre Drapeau ?
On dirait qu’il tremble !
Lorsqu’au-dessus du Régiment
Il plane, ange de la Patrie,
Dans sa grande aile, par moment,
L’ouragan souffle avec furie ;
Et l’on croit entendre à la ronde
Des voix qui sortent du tombeau…
Mais qu’a-t-il donc, notre Drapeau ?
On dirait qu’il gronde !
Riants et chantants nos Poilus
Affrontent, gaiement, la tempête…
Mais l’étendard ne flotte plus :
On dirait qu’il baisse la tête !
Sur mes doigts que sa frange effleure
Je sens tomber des gouttes d’eau…
Mais qu’a-t-il donc notre Drapeau ?
On dirait qu’il pleure !
Moi qui l’ai connu triomphant,
Son désespoir me désespère :
Je l’aime plus que mon enfant ;
Pour lui, je trahirais mon père !
Aussi, dans un langage étrange,
J’ai confessé le cher lambeau…
Je sais ce qu’il a le Drapeau :
Il veut qu’on le venge !
- ↑ La musique d’accompagnement est éditée par M. Eveillard, Boulevard Magenta.