Chansons de route/La grosse Bertha
LA GROSSE BERTHA
quement, baptisé sa Kolossale pièce de 420.
Bertha, forte chanteuse, est native d’Essen…ne,
Mais elle veut briller sur un’plus vaste scène…
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Sa voix devant couvrir, dit-elle, et faire taire
Toutes les voix d’Belgique, et d’France, et d’Angleterre :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
C’est le Kaiser, Lui-Même, qui l’a ointe et bénite ;
Son Fils, qui la soutient, l’appell’ « sa gross’marmite » ;
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Vrai, d’orgueil il y a de quoi roter… et, dame !
Quand la Gross’Berlha rote on l’entend d’Rotterdam…me :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
La déflagration des gaz est sans pareille :
Y a pas, faut s’boucher l’nez, le bec et les oreilles :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Mais l’air et la chanson, entre nous, tout s’explique
Puisque c’est un « Fon d’Kroupp » qui fournit la musique :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Bluffarde, ell’nous envoie des pruneaux d’une tonne
Supposant que son bluff à la mod’nous étonne :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
« Un «entonnoir » de plus ? s’écrient nos Poilus, chouette !
C’est pour la canarder un’tranchée toute faite ! »
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Parfois, elle délire et, folle Walkirie,
Elle essaie d’imiter Wagner en sa furie :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Ah ! quel chambard, alors ! Ferme ça, phénomène
Et soign’ta maladie si qu’elle est wagnérienne !
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Mais, à chanter si fort, elle s’use et s’déforme :
Faut lui r’blinder l’gosier, r’bétonner sa plat’-forme,
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Pour couvrir la chanson de nos pièces de Marine
Elle crach’ses poumons et f… l’camp d’la poitrine !
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Un d’nos obus, un soir, lui fêlera la gueule…
À moins qu’elle n’éclate, un matin, toute seule :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Lors, Bertha remettra son Âme musicienne
Aux mains du « vieux bon dieu » de la Race prussienne :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
Sur le bloc de béton qui s’ra sa pierr’tombale,
L’Europ’fera graver en lettres Kolossales :
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
« Ci-gît la gross’Bertha qui mourut poitrinaire
» D’avoir voulu… chanter plus haut que son derrière. »
Ah ! badaboum ! badaboum ! badaboum !
- ↑ G. Ondet, éditeur, 83, Faubourg Saint-Denis, Paris.