Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Une chanson de clerc

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UNE CHANSON DE CLERC
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Dimanche matin, quand je me levai, sur le bord de la
______________________________________ fontaine verte,
J’aperçus ma maîtresse, qui lavait son visage.
Si belle était la fontaine, si limpide était l’eau,
Que nous nous voyions en elle, comme en un miroir.

   Aussi belle était la fontaine que l’ivoire,
Et sur quatre doigts de la fille il y avait cinq diamants.
Et moi de lui demander si j’irais l’aider
A mettre sur sa tête et à en descendre son petit pichet d’eau,

   — Grand merci, jeune homme, pour votre bon vouloir,
Vous avez trop de bonté, pour un passant.
Ce qui vous conviendrait à vous, c’est une jeune bourgeoise,
Qui sache bien parler et qui vous donne de la satisfaction.

   — Il n’est en ma fantaisie d’épouser aucune bourgeoise :
C’est avec vous que j’avais envie d’aller causer.
Et elle d’aller avec lui, sous un buisson de coudrier :
Quand ils s’en revinrent de là, ils étaient bons amis tous deux.

   Et elle d’aller avec lui sous un buisson d’épine blanche,
Et ils y emmanchèrent une rose, qui dura neuf mois juste...
— Je suis un jeune clerc, qui poursuis mes études,
Au nom de Dieu, orpheline, (donnez)-moi quelque chose.

   Et elle d’aller à son armoire, de lui donner cent écus,
Une douzaine de mouchoirs et quatre chemises,
Puis il fut fixé au clerc le temps au bout duquel il devrait
___________________________________ revenir à la maison,
Et le délai lui fut fixé, oh ! oui, à huit mois et demi.

   Or, voilà le temps fixé terminé,
Et le jeune clerc à la maison n’arrive pas...
Quand l’orpheline était dans ses plus grandes douleurs,
Le clerc était au seuil de la porte, qui écoutait :

   — Il a emporté mon honneur, oh ! oui, et mes biens ;
Je ne lui souhaite pas de mal, que Dieu l’amende !
— Tenez bon et prenez courage, fillette de brave cœur,
Pour enfanter votre enfant[1]; voici le père arrivé !

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Cotillon à la nourrice et maillot au fils,
Cent écus au chevet du berceau, pour faire bercer ;
Si vous m’aviez souhaité quelque mal,
Foutre jamais, orpheline, vous n’auriez revu mes deux pieds.


Chanté par Marguerite Philippe, 1868.
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  1. Il doit y avoir ici une lacune de quelques vers.