Chansons posthumes de Pierre-Jean de Béranger/Histoire d’une idée

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Histoire d’une idée


HISTOIRE D’UNE IDÉE


Air de la Rosière de Salency (Air noté )


Idée, idée ! éveille-toi.
Vite, éveille-toi, Dieu t’appelle.
Sommeillait-elle au front d’un roi ?
Au front d’un pape dormait-elle ?
                CHŒUR DE BOURGEOIS.

Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

bis.


D’un tribun ou d’un courtisan
Est-ce l’ouvrage ou la trouvaille ?
Non. Fille d’un simple artisan,
Elle a vu le jour sur la paille.
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

— Quoi ! toujours, s’écrie un bourgeois,
Des prétentions mal fondées !
Pour l’émeute encore une voix.
Nous n’avons eu que trop d’idées.
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

De l’Institut les souverains
Disent : — Sachez, petite fille,
Que nous ne servons de parrains
Qu’aux enfants de notre famille.
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

Un philosophe crie : — Eh quoi !
Quelqu’un a cru, cervelle folle,
D’une idée accoucher sans moi !
Il n’en sort que de mon école.
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

Un prêtre dit : — Siècle de fer,
Ce qui naît de toi m’épouvante.
Toute idée est fille d’enfer :
Si Dieu créa, le diable invente.
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

Un charlatan, qui vient la voir,
L’escamote, fuit et répète :
— Sans tambour que peut le savoir ?
Que peut le savoir, sans trompette ?
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

— Mais, malgré trompette et tambour,
Cette idée est sans doute ancienne,
Se dit chacun. Et, tour à tour,
Chacun lui préfère la sienne.
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.


Pauvre idée ! Enfin, un Anglais
L’achète ; et le sir britannique
À Londres lui donne un palais,
En criant : — C’est ma fille unique !
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

En France, avec ce père intrus,
Elle accourt. Que d’or elle apporte !
Du fisc les valets malotrus
Vite au nez lui ferment la porte.
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.

Mais en fraude admise à la cour,
Comme anglaise on lui rend justice.
Son vrai père, le même jour,
Pauvre et fou, mourait à l’hospice.
                CHŒUR DE BOURGEOIS.
Une idée a frappé chez nous.
Fermons notre porte aux verrous.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :

Air de la Rosière de Salency.

No 402.


\relative c'' {
  \time 3/8
  \key bes \major
  \tempo "Moderato."
  \autoBeamOff
  \set Score.tempoHideNote = ##t
    \tempo 4 = 100
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bes c bes | d4. | c8 d c | f4. | f8 g f
d[ (c)] bes | g'[ (f)] ees | d4. (c) bes \bar "||"
d,8 e fis | g[ (a)] bes | a[ (bes)] a | c4.
a8 bes c | ees[ (fis)] g | bes,4 a8 | g4. \bar "||"
}
\addlyrics {
I -- dée, i -- dée, é -- veil -- le- toi.
Vite, é -- veil -- le- toi, Dieu t’ap -- pel -- le.
Som -- meil -- lait- elle au front d’un "roi ?"
Au front d’un pa -- pe dor -- mait- el -- "le ?"
Une i -- dée a frap -- pé chez nous,
Fer -- mons no -- tre porte aux ver -- rous.
}

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