Chants de l’Atlantique suivis de Le ciel des Antilles/01/05

La bibliothèque libre.


V

IMAGES CONSOLANTES


PETITS POÈMES POUR RIMA

Une petite fille aux yeux larges et bruns,
Une frêle fillette aux innocents parfums
M’apporte une corbeille où sont les fruits de l’île :
La mangue, l’acajou, la figue et la vanille.

(L’Île et le voyage.)


I


Rima, frêle petite fille
De l’ami parti loin de moi,
Dans tes yeux bruns chante l’émoi
Des soirs frais de la belle Antille.

Lorsque ton père reviendra,
Il chérira l’enfant si douce.
En attendant, cours sur la mousse ;
Demain le manguier fleurira.


II


Rima n’a pas encor six ans,
Mais cette petite merveille
M’a porté souvent sa corbeille
De fleurs ou de fruits ce printemps.

Elle embellit le paysage
De son air si peu triomphant.
Ah ! que j’aime, de cette enfant,
Le doux et charmant babillage !


III


Lorsque de petits chœurs d’enfants
Le dimanche exaltent l’église,
Je distingue parmi leurs chants
Sa petite voix indécise.

Après la messe, à petits pas,
Elle vient d’un air angélique,
Et chante pour moi seul, tout bas,
L’adorable petit cantique.


IV


Elle m’écrit dans un cahier
De petites lettres exquises.
Pour sa fête elle eut un collier,
Un rat d’Inde et des friandises.

Je fais pour elle des moulins
Avec les fleurs du frangipane,
Et lui dis les contes câlins
Que content les coupeurs de cannes.


V


Elle eut un arbre de Noël
Quand vint Christmas et ses féeries.
Et mit, — Orion clair au ciel, —
Sa robe aux belles broderies.

Elle trouva dans son sabot
Des jouets et des ballons roses
Et vint à l’aube, au petit trot,
Me montrer ces charmantes choses.


VI


Son visage est fier et content,
Lorsqu’elle apporte des laitues
À mes six petites tortues,
Dans la cour au grand flamboyant.

Alors elle va voir les ruches
Que parfume le miel nouveau,
Et sa voix a des frissons d’eau
Quand elle chante à mes perruches.
..............


VII


Hélas ! voici bien des années
Que le père est parti.
Est-il au fond des Pyrénées,
Est-il à Djibouti ?

De l’enfant frêle et si gentille
Qui donc aura pitié ?
Jésus ! donne ton amitié
À la petite fille !


LA MAISON DES ANTILLES


Tout près d’un flamboyant que j’ai planté moi-même
Et qui n’a fleuri que trois fois,
Ma maison, d’où j’admire un horizon que j’aime,
De son toit élevé domine d’autres toits.

Les flûtes de la grive, des gros-becs du morne
De ma chambre je les entends,
Lorsque l’angélus tinte et que l’orient s’orne
Du brouillard vaporeux et rose du beau temps.

De ma fenêtre on voit planer les hirondelles,
La frégate et les goélands ;
Suivant que c’est avril aux aurores trop belles,
Ou septembre orageux propice aux coups de vents.

Les femmes du pays, droites sous leurs corbeilles,
Passent, parlant leur doux patois ;
Et tout le jour vibre le vol de mes abeilles
Qui vont chercher le miel dans la touffeur des bois.


Le soir, les anolis chantent dans les grands arbres,
Lorsque la luciole luit.
J’oublie alors un peu ces villes aux beaux marbres
Dont ma jeunesse aima le bruit.

Mon cœur se laisse prendre au charme trop tranquille
D’une existence sans élan ;
Et la mer, chaque nuit, me chante autour de l’île
Son grand cantique consolant.


fin des chants de l’atlantique