Charlotte Corday, de M. Ponsard

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Charlotte Corday, de M. Ponsard
Revue des Deux Mondes, Nouvelle périodetome 6 (p. 140-152).

CHARLOTTE CORDAY


PAR M. PONSARD.




Le sujet choisi par M. Ponsard présente certainement de graves difficultés ; cependant je ne crois pas que la figure de Charlotte Corday doive être bannie du théâtre. Il y a dans le courage viril de cette jeune fille une donnée tragique dont la poésie peut s’emparer. Sans doute cette donnée présente plus d’un écueil ; le dénoûment prévu d’avance, gravé dans toutes les mémoires, semble condamner l’action à l’immobilité ; les préparatifs du meurtre sont tellement connus, il serait tellement insensé de vouloir les changer, que le poète, au premier aspect, paraît condamné à transcrire l’histoire. Toutefois l’étude approfondie de cette question délicate nous, conduit à une conclusion bien différente. S’il n’est pas permis au poète, en effet, d’altérer le témoignage de l’histoire, si le meurtre de Marat est trop près de nous pour que l’imagination la plus hardie ne soit pas obligée d’en respecter, d’en reproduire les circonstances principales, le poète a le droit d’interpréter à sa manière le récit de l’historien. Derrière les faits accomplis, il a le droit de chercher, l’espérance de trouver les idées qui ont servi de germe au projet de Charlotte Corday, les passions qui ont ébranlé son courage, les réflexions qui l’ont raffermi. Et si dans la poursuite et la découverte de ces mobiles mystérieux, indiqués plutôt qu’expliqués par l’historien, il prend pour guide l’austère philosophie, il peut tirer de la vie et de la mort de Charlotte Corday une tragédie émouvante et vraiment pathétique. Non pas que je conseille à l’imagination, en présence de cette grande figure, d’oublier, de méconnaître ses devoirs jusqu’a greffer le roman sur l’histoire : à Dieu ne plaise qu’une pareille folie entre jamais dans ma pensée ! mais, sans recourir au roman, il est permis d’ouvrir devant nous l’ame toute romaine qui a conduit le bras de Charlotte Corday. C’est là la vraie tâche du poète dramatique. Certes, il ne faut pas négliger de nous montrer, de nous peindre à grands traits l’état de la France six mois après la mort de Louis XVI ; toutefois ce serait s’abuser étrangement que de subordonner la conduite de Charlotte Corday au tumulte des factions ; le drame ainsi compris descendrait fatalement à des proportions mesquines ; la jeune fille héroïque ne serait plus qu’un instrument aveugle entre les mains du hasard. Pour que Charlotte nous intéresse, nous émeuve, nous frappe d’admiration et d’épouvante, il faut qu’elle domine l’action générale du poème ; il faut que tous les événemens trouvent dans son ame généreuse, non pas seulement un écho plus ou moins retentissant, mais un juge sévère ; à cette condition, le drame s’agrandit., et l’héroïne, bien que placée près de nous dans l’ordre des temps, que nos pères ont vue marcher au supplice, se transfigure, et, d’un battement d’ailes, s’élève jusqu’aux régions les plus sereines de la poésie.

Charlotte avait vingt-cinq ans lorsqu’elle conçut le projet de délivrer la France en poignardant Marat. Privée de sa mère par la mort, séparée de son père et de ses sœurs par la pauvreté, éloignée de ses frères qui servaient dans l’armée des princes, confiée aux soins d’une vieille tante, c’est-à-dire livrée à elle-même, Charlotte avait grandi dans la solitude et l’indépendance. Ne consultant pour le choix de ses lectures que sa seule volonté, quittant, reprenant ses études sans recevoir jamais ni conseil ni réprimande, elle se nourrissait de Corneille, dont la sœur était son aïeule, de Plutarque, dont les mâles récits la charmaient, de Raynal, dont les principes généreux enflammaient son cœur. Ainsi, quand la montagne commença contre la gironde cette bataille furieuse qui devait coûter tant de sang à la France, Charlotte s’était déjà préparée depuis long-temps au sacrifice de sa vie ; sans savoir encore de quel côté se tournerait son dévouement, elle éprouvait le besoin impérieux de se dévouer. Et comme les passions qui agitent le cœur des jeunes filles se taisaient en elle, comme sa vie solitaire n’avait pas été troublée par les rêves enivrans de l’adolescence, son ardeur de sacrifice devait naturellement s’adresser à la patrie. MM. de Belzunce et de Pontécoulant ne paraissent pas avoir inspiré à Charlotte un sentiment plus tendre que l’amitié. Son ame appartenait tout entière à la France quand les girondins fugitifs vinrent à Caen chercher un asile et des vengeurs. Le cœur de Charlotte s’est-il attendri pour le plus beau, le plus courageux des girondins, pour Barbaroux ? En lisant la lettre qu’elle lui écrivait la veille de sa mort, il n’est guère permis de le penser, car cette lettre, charmante au début, grave et solennelle dans les dernières lignes, ne trahit aucun regret, aucun regret du moins qui porte l’empreinte de la passion. Il règne dans toute cette lettre une sérénité et parfois un enjouement railleur que la passion ne permettrait pas. Quant à la lettre de Charlotte à son père, c’est d’un bout à l’autre le langage d’une Romaine ; il est difficile d’imaginer plus de simplicité dans la grandeur. Si l’ame de la jeune fille se sent un instant ébranlée en songeant aux larmes que son père va répandre, elle reprend bien vite son courage et sa vigueur au spectacle de la France délivrée. Elle parle à son père comme une fille qui sent couler dans ses veines le sang de Corneille, le sang d’Émilie.

Une ame ainsi faite, ainsi douée, préparée aux actions héroïques par le commerce familier des ames les plus mâles de l’antiquité, n’est pas, à coup sûr, un champ stérile pour la poésie dramatique ; mais si Charlotte n’a jamais aimé, d’où viendra le combat ? d’où naîtra la péripétie ! Si elle a pu dire à Barbaroux, dire à son père : « Ne pleurez pas ma mort ; pourquoi me pleurer ? qu’ai-je à regretter ? ma nature, je le sens, ne m’appelait pas au bonheur ; » si, pour armer son bras du poignard, pour se résoudre au sacrifice de sa vie, elle n’a pas à consommer dans son cœur un premier sacrifice ; si elle n’a pas de lutte à soutenir, pas de bonheur à immoler, comment se nouera l’action ? Cette question, je l’avoue, a quelque chose de décourageant, et pourtant je crois qu’il n’est pas impossible de la résoudre victorieusement. Si Charlotte, en effet, n’a jamais aimé, si elle a ignoré la seule passion qu’elle ait jamais inspirée, l’amour enthousiaste, la mystique adoration qu’Adam Lux devait sceller de son sang ; si elle a rencontré sans émotion les regards ardens qui l’ont suivie jusqu’au pied de l’échafaud, ne croyons pas qu’elle ait quitté la vie sans déchirement. Elle avait pour son père, pour ses soeurs, pour sa vieille tante, une tendre affection ; chaque fois qu’elle prenait un enfant sur ses genoux, qu’elle passait la main dans sa blonde chevelure, ses yeux se mouillaient de larmes involontaires ; son cœur, que la passion n’avait pas troublé, songeait, à son insu, aux joies de la maternité. Belle et n’ayant pour dot que la pauvreté, quoique jamais aucune plainte ne soit sortie de sa bouche, sans doute elle ne voyait pas sans une secrète amertume ses amies de couvent échanger leur nom contre le nom d’un homme préféré. Malgré les consolations stoïques adressées à son père, tous les témoignages s’accordent à nous montrer Charlotte Corday comme une femme faite pour comprendre, pour aimer la vie de famille, pour jouir pleinement du bonheur que donne le foyer domestique. Si l’héroïsme a triomphé dans son cœur, le triomphe n’a pas été obtenu sans combat, sans blessure ; plus d’une fois les affections humaines ont élevé la voix avant de consentir à s’immoler. Eh bien ! c’est dans cette lutte intérieure que le poète doit chercher les principaux développemens de l’action dramatique, et cette lutte est assez vive, assez cruelle pour offrir tous les élémens d’une véritable péripétie.

Cependant je ne voudrais pas réduire à cette donnée purement psychologique l’intérêt du drame tout entier. Les trois hommes qui se partageaient alors le gouvernement de la montagne, qui disposaient à leur gré du sort de la France, Robespierre, Danton et Marat, doivent tenir une place importante dans un poème baptisé du nom de Charlotte Corday. Pour amener le spectateur à bien comprendre le dévouement de l’héroïne, il est nécessaire de lui montrer la guerre intestine qui déchirait alors la convention. Si Robespierre, Danton et Marat ne viennent pas expliquer devant lui les passions qui les dévorent, les principes dont la mise en œuvre a coûté tant de sang et de larmes, les rêves insensés qu’on ne peut écouter sans épouvante, la résolution de Charlotte n’est plus que le caprice d’une imagination en délire. Ici se présente un nouvel écueil. La guerre qui déchirait la convention était si terrible, semée d’épisodes si étranges, si imprévus, la France haletante contemplait avec une si cruelle anxiété cette assemblée où l’injure et la menace prenaient trop souvent la place des argumens, qu’il semble bien difficile de mettre aux prises la gironde et la montagne sans absorber l’attention tout entière. Oui, sans doute, c’est là un écueil dangereux, mais que le poète peut éviter. Pour peu en effet qu’il possède le sentiment des proportions, il comprend bien vite que la convention, malgré sa terrible grandeur, ne doit servir qu’à expliquer la résolution de Charlotte. La montagne et la gironde se résument en quelques hommes, et sans nous ouvrir les portes de la convention, sans nous montrer les tribunes furieuses dont les clameurs ajoutaient encore à la colère des combattans, il suffit d’amener devant nous les chefs de la montagne et de la gironde. Quand je parle de les amener devant nous, ce n’est pas sans dessein que j’emploie cette expression. Il faut en effet qu’on les voie, qu’on les entende, il faut qu’ils nous révèlent dans un entretien familier ou dans une querelle acharnée le secret de leurs pensées, de leurs espérances. Laisser à d’autres le soin de nous les peindre, de nous initier aux mystères de leur conscience, serait méconnaître le but naturel, les devoirs évidens de la poésie dramatique. Dans un tel sujet, il faut se défier des portraits, car les portraits les plus habiles, tracés de la main la plus sûre, ne sauraient jamais remplacer l’homme même que le poète a voulu peindre. Quelques vers bien frappés, écrits d’un style précis et sévère, ne produiront jamais sur l’ame du spectateur une impression aussi profonde que la vue même du personnage. Cette pensée, bien qu’elle se trouve dans l’épître aux Pisons, est encore aussi vraie aujourd’hui que le jour où elle fut exprimée pour la première fois, et je ne crains pas en la reproduisant le reproche de plagiat.

Comment nous montrer Robespierre, Danton et Marat, Barbaroux, Buzot et Louvet, sans nous ouvrir les portes de la convention ? Pour les trois derniers, la réponse est toute simple. Les girondins sont proscrits ; nous les trouverons à Caen. Quant aux trois chefs de la montagne, il faudra trouver moyen de les réunir dans une délibération sur leurs communs intérêts. La diversité de leurs caractères, l’opposition, la contradiction des systèmes dont ils poursuivent l’accomplissement à travers les ruines amoncelées à leurs pieds, ne tarderont pas à éclater. Une fois en présence, ils ne s’entretiendront pas long-temps avant d’en venir à l’ironie, à la menace. Cette manière de nous les révéler par eux-mêmes n’a rien que la raison ne puisse avouer. Reste la difficulté de mettre dans leur bouche des paroles que l’histoire ne désavoue pas.

Le triumvirat de la montagne offre au poète trois caractères profondément distincts. Robespierre, dont le nom reste attaché au régime de la terreur ; Danton, dont le nom rappelle à toutes les mémoires les journées de septembre ; Marat, qui se disait l’ami du peuple et qui a demandé, qui a obtenu tant de têtes, réunis pour le triomphe de la révolution, étaient fatalement condamnés à s’entre-détruire, car chacune de ces trois natures devait se défier des deux autres. Robespierre, dévoré de la soif du pouvoir, poursuivait froidement, mais avec une persévérance infatigable, avec une obstination que rien ne pouvait décourager, le but marqué d’avance dans ses desseins. Calme et prudent, profitant habilement des fautes commises par ses adversaires, il n’allait pas volontiers au-devant du danger ; affrontant, méritant parfois le reproche de lâcheté, il dédaignait de répondre aux accusations qui ne compromettaient pas l’accomplissement de sa volonté. C’est peut-être la figure la plus terrible de cette époque orageuse, et cependant Robespierre a connu la plus douce des passions humaines. La richesse n’attirait pas cette ame singulière ; s’il abat les vieilles institutions, s’il proscrit les grands, ce n’est pas pour se loger dans les palais déserts. Non, il veut régner, il veut tenir la France dans sa main. La douceur même de ses mœurs ajoute à l’effroi qu’il inspire. Il y a dans toute sa conduite un si parfait désintéressement, ses ennemis eux-mêmes sont tellement convaincus qu’il ne garde rien pour lui de la dépouille des victimes, tous ses discours sont dictés par une logique tellement inflexible, que la sérénité de son intelligence au milieu de l’orage lui donne une sinistre grandeur.

Danton, malgré les journées de septembre dont il n’a pas répudié la responsabilité, effraie moins que Robespierre, car l’ambition n’est pas le mobile unique de toute sa conduite. En poursuivant la conquête du pouvoir souverain, ce n’est pas le pouvoir seul qu’il veut conquérir ; il veut satisfaire, il veut assouvir toutes ses passions, tous ses appétits, depuis sa gourmandise jusqu’à sa luxure. Arrivé à Paris pauvre et obscur, il veut la popularité, il veut la richesse pour épuiser toutes les jouissances. Ardent, audacieux jusqu’à la témérité, il joue avec le danger et se complaît à le braver. Il n’est jamais mieux inspiré, plus éloquent, plus abondant en images, plus railleur, plus puissant qu’en face du danger. Il ne choisit pas ses paroles, il ne passe pas son temps à les trier, il ne relit pas, comme Robespierre, les plus belles pages de Rousseau pour préparer ses discours ; pour lui, la tribune est un champ de bataille. Il lance ses argumens à la tête de ses ennemis comme un frondeur la pierre qu’il vient de ramasser. Danton semble né pour les révolutions. Il ne cache pas ses vices, il s’en glorifie. Si quelqu’un lui dit qu’il s’est vendu à la cour, il répond hardiment que c’est un marché nul, que la cour ne l’a pas estimé assez haut. Et pourtant, malgré cette misérable jactance, il n’a pas dit un éternel adieu à tous les bons sentimens ; il ne verse pas le sang par cruauté, pour le plaisir de le voir couler. Pour lui, la hache n’est qu’un moyen de supprimer les obstacles : il accepte la hache comme une nécessité ; mais une fois les obstacles supprimés, rendu à sa nature, il combat avec énergie toutes les mesures violentes qui n’ont pas la nécessité pour excuse.

Marat semble frappé de vertige. Il y a dans sa cruauté quelque chose que la haine la plus ardente ne peut expliquer. Quelque aversion qu’on lui suppose pour l’aristocratie, de quelque jalousie qu’il soit animé contre la société tout entière, qui n’a pas voulu reconnaître en lui le rival, le successeur de Newton, il est impossible de trouver dans l’aversion la plus violente, dans la plus implacable jalousie, la clé de cette étrange et sauvage nature. La folie seule, la plus terrible de toutes les folies, peut résoudre le problème. Aussi comprend-on sans peine que le choix de Charlotte Corday se soit arrêté sur Marat.

Il y a dans le drame de M. Ponsard plusieurs scènes faites avec un remarquable bonheur, une incontestable habileté ; mais dans le drame tout entier il n’y a pas trace de composition. On peut louer sans flatterie telle ou telle partie qui se recommande par l’élégance ou l’énergie ; avec la meilleure volonté du monde, il est impossible de découvrir dans cette œuvre une idée génératrice qui en domine, qui en relie tous les élémens. On dirait que le hasard seul a présidé à la distribution des scènes. Le banquet chez Mme Roland me semble parfaitement inutile, car rien dans la conversation des convives n’annonce la vengeance qui se prépare. L’accueil dédaigneux fait à Danton par les girondins ne suffit pas pour transporter le spectateur dans le domaine tragique, et puis n’y a-t-il pas quelque chose de singulièrement mesquin à mettre en scène des hommes tels que Sieyès et Vergniaud pour leur confier des rôles de comparses ? Le tableau suivant, qu’on peut appeler le tableau des faneuses, n’est à mes yeux, comme le précédent, qu’un véritable hors-d’œuvre. La conversation politique à laquelle nous venons d’assister chez Mme Roland ne nous a pas appris grand’chose sur le sujet que le poète se propose de traiter ; cette idylle, qui, partout ailleurs, pourrait séduire par son élégance, dépayse le spectateur. À quoi bon nous montrer Charlotte Corday occupée de travaux champêtres ? A quoi bon la placer sur la route suivie par les girondins fugitifs ? Une rencontre ainsi amenée ne manque-t-elle pas à la fois de vraisemblance et de grandeur ? Après les terribles journées de mai et de juin, il est probable que Charlotte pensait moins à vendre les foins et les pommes de sa tante qu’à sauver la France en frappant un grand coup. Je veux bien qu’elle fût excellente ménagère, mais je trouve dans cette idylle un caractère puéril. Les girondins proscrits ne devaient pas demander le chemin de Caen ; ils savaient très bien se diriger seuls et sans conseil vers l’asile qu’ils avaient choisi. Le poète nous introduit dans la famille de Charlotte. Ici, ici seulement, commence l’intérêt dramatique. Les plaintes, les lamentations du vieillard qui se dispose à émigrer, les soins touchans dont Charlotte entoure sa vieille tante, le bruit des clairons qui annonce la réunion et le prochain départ des volontaires, l’exclamation généreuse qui échappe à la jeune fille, son indignation, son mépris pour les jeux frivoles qui occupent ses hôtes, composent une scène pleine d’attendrissement et de grandeur. Malheureusement la scène suivante, qui se passe à l’hôtel-de-ville de Caen, est loin d’offrir le même mérite. La conversation de Barbaroux et de Charlotte Corday, moitié politique, moitié amoureuse, a le tort très grave d’être beaucoup trop longue. Barbaroux, au lieu de répondre simplement, rapidement, aux questions de Charlotte, se met à réciter sur les chefs de la montagne un morceau très habilement écrit, j’en conviens ; mais enfin c’est un morceau, et j’avoue que la patience de Charlotte me semble difficile à comprendre. Alarmée par les dernières nouvelles venues de Paris, tremblant pour le sort de la patrie, comment peut-elle écouter ces portraits tracés d’une main savante ? Ne doit-elle pas interrompre Barbaroux dès qu’elle le voit parler pour le plaisir de s’entendre bien plus que pour l’instruire ? Ne doit- elle pas tressaillir de dépit, et traiter cette vaine éloquence comme elle traitait tout à l’heure les hôtes réunis chez Mme de Bretteville autour des tables de jeu ? L’énergie de son patriotisme peut-elle s’accommoder de ces périodes combinées avec tant de coquetterie ? J’ai grand’peine à le croire. La déclaration adressée à Charlotte me semble une invention malheureuse. Que Barbaroux, saisi d’admiration pour la beauté, pour l’ame généreuse de la jeune fille, ne puisse se défendre de l’aimer, je le conçois volontiers ; mais qu’il choisisse pour lui exprimer son amour le moment où elle l’interroge d’une voix frémissante sur les malheurs et les dangers de la France, je le conçois difficilement. C’est le plus sûr moyen de s’amoindrir aux yeux de la femme qu’il aime. Les railleries de Louvet sur l’entrevue de Barbaroux et de Charlotte ne sont pas dictées par un goût très délicat. Le souvenir de Faublas intervient assez mal à propos. Le pardon de Charlotte se comprendrait plus facilement sans ce malencontreux souvenir, car sans doute Charlotte, qui n’a pas lu les Amours de Faublas, en a plus d’une fois entendu parler, et le nom seul de ce livre, rapproché de son nom, doit offenser sa pudeur et sa fierté.

Je n’aime pas la scène qui se passe au Palais-Royal, quoiqu’elle soit applaudie. Ce club en plein vent, cette harangue débraillée, interrompue par de plats quolibets, s’accorde mal avec la gravité du sujet. Il ne sied guère de tourner en ridicule cette foule ignorante que Marat gouverne à son gré, qui obéit aveuglément à tous les caprices de son maître, dont la colère une fois déchaînée ne recule devant aucun crime. Chercher dans les passions, dans les espérances, dans les illusions de la foule, un sujet de rire, est, à mes yeux, une étrange aberration que la morale réprouve aussi bien que le goût. L’achat du couteau en présence du spectateur n’est qu’un détail inutile. Les caresses prodiguées par Charlotte à l’enfant qui vient jouer près d’elle amènent sur les lèvres de l’héroïne des paroles attendrissantes ; mais je renoncerais de grand cœur aux petites filles qui dansent en rond, aux petits garçons qui sautent à la corde, et je verrais même disparaître sans regret la jeune mère qui demande à Charlotte son état, ses ressources, et qui, la voyant pour la première fois, lui offre une place dans l’atelier et à la table de son mari. L’amour du simple et du naturel entraîne ici M. Ponsard beaucoup trop loin.

Enfin, nous sommes chez Marat. Danton et Robespierre délibèrent avec lui sur le parti qu’ils doivent prendre. La république leur appartient ; que vont-ils en faire ? La scène est bien posée, bien conduite. Les trois personnages se dessinent tour à tour, j’allais dire se confessent, avec une franchise qui ne laisse rien à désirer. C’est, à mon avis, la plus belle scène de l’ouvrage. Le langage de Robespierre contraste heureusement avec le langage de Danton et de Marat. Le rhéteur, l’homme d’action et le fou sanguinaire se justifient tour à tour avec adresse, avec audace, avec effronterie, échangent les conseils et les railleries, les reproches et les menaces. Cette délibération suffirait seule pour assigner à M. Ponsard un rang élevé dans la poésie contemporaine. Le monologue de Marat nous révèle pleinement tous les secrets de l’ami du peuple. Quand Marat s’écrie : O mort ! attends un peu ; quelques têtes encore, et puis tu me prendras, le frisson vous saisit, et l’on ressent pour le poète une admiration mêlée d’épouvante. Je n’ai rien à dire du meurtre de Marat ; l’attitude et les paroles de Charlotte après l’accomplissement de sa résolution héroïque sont ce qu’elles doivent être. Quant à la scène qui termine l’ouvrage, quoiqu’elle soit remplie de grandes pensées noblement exprimées, elle n’a qu’un seul défaut, c’est d’être absolument impossible. Danton et Charlotte se jugeant mutuellement, et se jugeant eux-mêmes comme la postérité les jugera, se condamnant, se résignant sans colère aux reproches qu’ils ont mérités, ajoutant une page à la Science nouvelle de Vico, aux Idées de Herder sur la philosophie de l’histoire, sont une fantaisie par trop hardie et que je ne puis pardonner à M. Ponsard. Danton essayant de sauver Charlotte Corday, lui proposant de haranguer le peuple pour dérober sa tête à l’échafaud, n’est pas une invention moins singulière. Sans doute, il ne fallait pas baisser le rideau sur le meurtre de Marat ; mais la conclusion morale ne devait être énoncée ni par Danton ni par Charlotte. Et puis cette conclusion, pour être acceptée, devait tenir compte des personnages qui l’entendent bien plus encore que des spectateurs assis dans la salle. Sieyès lui-même, malgré toute sa pénétration, malgré la sagacité prodigieuse de son esprit, ne pouvait pas juger la convention comme nous la jugeons aujourd’hui, cinquante-sept ans après la mort de Marat. La vérité, placée par M. Ponsard dans la bouche, de Danton et de Charlotte Corday est une vérité trop vraie, puisque le poète ne tient pas compte du temps.

Il y a malheureusement, dans le drame nouveau, comme dans Lucrèce, comme dans Agnès de Méranie, plusieurs sortes de style qui s’accordent assez mal. La conversation chez Mme Roland est écrite avec une simplicité qui parfois devient prosaïque. La scène des faneuses rappelle André Chénier ; le langage de Barbaroux dans son entrevue avec Charlotte manque de franchise, et, par ses nombreuses périphrases, reporte la pensée vers les tirades de la tragédie impériale. La délibération des triumvirs est écrite, d’un bout à l’autre, avec une vigueur toute cornélienne. L’élévation, la noblesse, la familiarité, sont les caractères distinctifs de cette belle et grande scène.

Quant à l’impartialité que M. Ponsard nous annonce dans le prologue par la bouche de Clio, je ne saurais l’approuver, puisqu’elle aboutit dans Charlotte Corday à l’impersonnalité. S’il s’agissait du meurtre de Pisistrate, si à la place de Charlotte Corday nous avions devant nous Harmodius et Aristogiton, j’accepterais à peine l’impartialité du poète, car le poète doit toujours prendre parti pour les vainqueurs ou les vaincus ; mais lorsqu’il s’agit d’un meurtre accompli à la fin du siècle dernier, d’un meurtre béni par nos pères, et qui pourtant devait hâter la mort des girondins que Charlotte espérait sauver, l’impartialité est-elle permise ? Je sais bien que, malgré les promesses du prologue, M. Ponsard n’a pas réussi à déguiser complètement ses sympathies, je sais bien qu’il trahit malgré lui ses affections girondines ; mais il ne demeure pas moins vrai que dans Charlotte Corday l’impersonnalité domine. Or l’impersonnalité, à peine acceptable chez l’historien, puisqu’elle le transforme en chroniqueur, puisqu’elle supprimerait le génie de Thucydide et de Tacite, ne peut se concilier avec les devoirs du poète. Il n’y a pas de poésie lyrique, épique ou dramatique, sans passion, et je m’étonne que M. Ponsard ait pu se méprendre aussi étrangement sur les lois de son art. Toutefois, si Charlotte Corday n’est pas une composition dramatique, la scène des triumvirs, pour le fond et pour le style, vaut mieux, à mon avis, que les précédens ouvrages de l’auteur.

Si M. Ponsard n’ajoutait pas foi à la justesse de nos remarques, s’il voyait dans notre langage une sévérité excessive, l’attitude du public pendant la représentation de Charlotte Corday pourrait servir à lui démontrer que notre opinion n’est pas une opinion solitaire. Si nous réservons nos louanges pour la scène des triumvirs, si nous blâmons sans hésitation, sans ambages, la succession substituée à la génération, nous ne sommes pas seul à blâmer ; le public, sans prendre la peine d’analyser l’impression qu’il a reçue, s’est rangé à notre avis. Il a écouté avec bienveillance, avec attention, toutes les parties de cette œuvre que ses deux sœurs aînées, Lucrèce et Agnès de Méranie, recommandaient hautement ; mais il est demeuré froid pendant toute la première moitié de la soirée, et sa froideur est, à nos yeux, une preuve de clairvoyance. Il a compris sans peine qu’une galerie de tableaux, quelle que soit d’ailleurs l’habileté du peintre, n’est pas, ne sera jamais une œuvre dramatique. Il a très vivement applaudi les sentimens élevés que M. Ponsard rencontre sans effort et traduit dans une langue harmonieuse, il a témoigné à plusieurs reprises qu’il s’associait aux grandes pensées présentées sous une forme concise ; mais il n’a pas renoncé à ses droits, et son silence pendant les scènes inutiles ou placées au hasard renferme une leçon dont M. Ponsard doit profiter. Si le public pris en masse se préoccupe rarement des questions de style, et l’on concevrait difficilement qu’il en fût autrement, car les questions de style exigent des études spéciales, il juge très sainement tout ce qui se rattache à l’intérêt dramatique. Or l’intérêt dramatique commence trop tard dans l’œuvre de M. Ponsard, et non-seulement il commence trop tard, mais il est permis d’affirmer que l’auteur n’en a pas tiré tout le parti qu’on pouvait espérer. Charlotte une fois armée du poignard ; la tragédie ne pouvait plus attendre ; mais, avant d’armer la main de l’héroïne, le poète devait nous montrer les combats intérieurs de cette ame généreuse, et c’est ce qu’il n’a pas fait. Il s’est contenté de quelques vagues indications, comme si le temps lui manquait pour dessiner complètement sa pensée ; et cependant quel temps n’avait-il pas perdu avant d’aborder le véritable sujet de sa composition ! Éclairé par la réflexion, M. Ponsard ne tardera pas à comprendre ; s’il ne comprend déjà, que ses études, poursuivies d’ailleurs avec une louable persévérance, ne peuvent être acceptées comme une œuvre poétique. Qu’il s’agisse en effet d’une ode, d’un roman ou d’un drame, il ne suffit pas de réunir les élémens de sa pensée et de les offrir au lecteur ou au spectateur comme un échantillon de son savoir ; il faut les combiner, les relier ensemble par une étroite alliance. C’est à cette condition seulement que le poète mérite vraiment le nom qu’il porte ; c’est à cette condition seulement qu’il invente, qu’il crée. Je sais que l’invention semble se mouvoir moins librement dans l’histoire moderne que dans le champ de l’antiquité, je sais que les événemens dont les témoins vivent encore se prêtent plus difficilement que les souvenirs des siècles lointains aux combinaisons poétiques ; toutefois des exemples éclatans, dont l’autorité ne peut être récusée, sont là pour démontrer que les choses et les hommes peuvent être idéalisés par l’imagination fermement résolue à user de tous ses droits. Voyez Shakspeare en effet : il écrit sous le règne d’Élisabeth, et il met en scène Henri VIII aussi librement, aussi poétiquement que Jules César ou Coriolan. Une fois qu’il a pris possession de son sujet, il ne s’inquiète pas de savoir si les témoins de l’action qu’il a choisie vivent encore, s’il est exposé à les coudoyer en sortant du théâtre. Il manie l’histoire d’hier comme l’histoire d’autrefois ; sans se permettre jamais d’en altérer les données fondamentales, il agrandit pourtant ce qui lui paraît trop mesquin, il efface ou relègue sur les derniers plans ce qui n’a pour l’expression de sa pensée qu’une importance secondaire. Or, ce que Shakspeare a fait, toute proportion gardée entre le génie et le talent, pourquoi M. Ponsard ne le ferait-il pas aujourd’hui ? Pourquoi, en traduisant sur la scène les souvenirs de la révolution française, se montre-t-il plus timide qu’en développant quelques pages de Tite-Live ? Que le poète ne s’y trompe pas : le public, loin de voir dans sa réserve une preuve de sagesse, n’y voit qu’un doute, une hésitation contraire à toute poésie. On peut respecter l’histoire sans la transcrire littéralement, et l’auteur de Charlotte Corday paraît l’avoir oublié.

Ainsi, ma pensée sur l’œuvre nouvelle de M. Ponsard se réduit à des termes très simples et très clairs. Je lui adresse trois reproches : absence de composition, impersonnalité, absence d’unité dans le style. Quant au premier reproche, je crois en avoir établi nettement la légitimité. Il est impossible, en effet, de se rappeler la galerie de tableaux que M. Ponsard nous a présentée sans se rappeler en même temps tout ce qu’il y a de capricieux, de fortuit dans la succession des scènes offertes à nos regards. Était-il facile de supprimer le caprice, d’effacer le hasard et de soumettre tous les incidens, tous les ressorts du drame à l’empire d’une volonté unique et constante ? Non, sans doute ; mais le problème d’unité de conception n’est pas plus insoluble pour Charlotte Corday que pour Lucrèce ou Agnès de Méranie. Qu’il s’agisse de la convention ou de l’aréopage, du sénat de Rome ou du parlement anglais, partout et toujours il faut, dans une œuvre poétique, une idée dominante, une volonté souveraine qui serve de centre et de pivot à toutes les évolutions de la fantaisie. Or, dans Charlotte Corday, cette loi est évidemment méconnue. Il fallait entrer dès le début au cœur du sujet, et ne pas essayer de nous y mener à travers une série d’épisodes. Une fois engagé dans cette voie épisodique, M. Ponsard devait se complaire dans l’achèvement de chaque tableau, et perdre de vue le but véritable, le but unique de son œuvre. Quel que soit le talent empreint dans chacun de ces tableaux, rien ne saurait masquer l’absence de composition générale. L’admiration la plus complaisante ne saurait aller jusqu’à prendre cette suite de scènes pour une œuvre dramatique. La seconde vient après la première, mais non à cause de la première. Or, malgré la différence profonde qui sépare la méthode scientifique de la méthode poétique, il faut, dans la poésie aussi bien que dans la science, dans l’invention aussi bien que dans la démonstration, dans la série des scènes aussi bien que dans la série des argumens, établir et maintenir la relation de la cause à l’effet. Que cette relation, évidente dans la science, soit plus difficile à saisir dans la poésie, je le veux bien ; cependant, pour être moins frappante dans le domaine de l’invention, elle n’en est pas moins réelle, moins nécessaire. À cet égard, Sophocle procède comme Euclide ; les plus beaux théorèmes de géométrie ne s’enchaînent pas mieux, ne sont pas déduits avec une logique plus rigoureuse que l’OEdipe roi.

Le reproche d’impersonnalité est-il moins clairement justifié ? Y a-t-il dans l’ouvrage entier une scène qui révèle sans ambiguïté les sympathies politiques de l’auteur ? On me répondra qu’il est girondin comme Charlotte Corday. Je consens à le croire ; toutefois, à parler franchement, cette opinion, qui se laisse deviner, n’est nulle part affirmée en termes précis. Tous les partis sont traités dans le drame de M. Ponsard avec une indulgence qui équivaut à l’indifférence. Si le cœur du poète préfère la gironde à la montagne, pourquoi n’avoue-t-il pas hautement sa prédilection ? Pourquoi enveloppe-t-il sa pensée d’un nuage ? Craint-il qu’on ne l’accuse d’injustice envers la montagne ? S’il croit avoir contenté les admirateurs de Robespierre et de Danton, il s’abuse étrangement. Les paroles hardies placées dans la bouche des montagnards ne rachètent pas aux yeux de leurs disciples fervens les tirades récitées par Barbaroux, et ces tirades mêmes n’expient pas aux yeux des girondins de notre temps les paroles prononcées par Danton et Robespierre. Je laisse Marat hors de cause, parce qu’il excitait l’horreur et le dégoût parmi les montagnards comme parmi les girondins.

Il faut pourtant, me dira-t-on, que chaque parti parle son langage. Sans cette faculté accordée à tous d’exprimer librement les sentimens qui les animent, il n’y a pas de vérité. Oui, sans doute, chaque parti doit parler son langage ; mais il faut cependant que le poète manifeste sa prédilection pour tel ou tel personnage. Tout en laissant à chacun la libre expression de sa pensée, il peut désigner clairement le personnage qu’il préfère. En poésie, il n’y a pas de préférence sans sacrifice. M. Ponsard n’a-t-il pas méconnu cette vérité tellement évidente qu’elle n’a pas besoin d’être démontrée ? A-t-il sacrifié les montagnards aux girondins, ou les girondins aux montagnards ? Malgré le meurtre de Marat, poétiquement parlant, la montagne n’est pas sacrifiée, car Robespierre, Danton et Marat confessent leur foi comme des apôtres en possession de la vérité. La gironde n’est pas sacrifiée, car Barbaroux adresse à la montagne les invectives les plus sanglantes, il la flétrit avec l’indignation la plus énergique. Si bien que M. Ponsard, pour avoir voulu contenter tout le monde, n’a contenté personne.

Le style, ai-je dit, manque d’unité. Faut-il essayer de prouver cette dernière affirmation ? Dans la conversation politique engagée chez Mme Roland, le langage des interlocuteurs n’est guère que de la prose rimée. Pas une image, pas une comparaison qui élève la pensée au-dessus de la réalité. Supprimez la rime, et vous aurez le langage de la tribune ou des journaux. Dans la scène des faneuses, le style s’élève, mais à quelle condition ? C’est le style de l’élégie ou de l’idylle plutôt que le style dramatique. Dans l’entrevue de Barbaroux et de Charlotte Corday, troisième forme de style, que j’ai déjà caractérisée. Enfin, dans la scène des triumvirs, nous avons le style cornélien. J’admire sincèrement l’énergie, la franchise, la familiarité empreintes dans cette scène. Pourtant, comme en poésie l’originalité est la première, la plus précieuse de toutes les qualités, tout en reconnaissant que M. Ponsard n’a jamais rien écrit qui surpasse ou même qui égale cette scène, je regrette que cette dernière forme de style n’appartienne pas en propre à l’auteur de. Charlotte Corday. Si le style de Pierre Corneille convient mieux au théâtre que le style d’André Chénier, la critique ne doit pas cependant mettre l’imitation la plus heureuse, la plus habile, la plus savante, au même rang que l’originalité. Le style, pour mériter une approbation sans réserve, doit puiser sa raison d’être dans la pensée même de l’auteur ; et quoique le public ne soit pas juge compétent dans les questions de style, il en tient grand compte à son insu. Il ne devine pas, il ne cherche pas à savoir de quels élémens se compose la trame du langage ; mais la diversité des styles employés dans un même ouvrage distrait son attention sans qu’il s’en aperçoive, et l’auteur porte la peine de cette distraction. C’est pourquoi M. Ponsard fera bien d’employer pour son prochain ouvrage un style qui lui appartienne ; qui n’appartienne qu’à lui seul ; c’est l’unique moyen de conquérir une solide renommée.


GUSTAVE PLANCHE.