Chasse et pêche au Canada/02

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N. S. Hardy, Libraire-éditeurs (p. 6-11).


LES CANONS DE LA VÉNERIE


Le prince du sport en Amérique, Frank Forster, a émis des maximes et établi en matière de chasse, des distinctions qui ont fini par se faire accepter de tous ceux qui s’enrôlent sous la bannière de saint Hubert, bien qu’il en est qui semblent, au premier abord, assez arbitraires.

Par gibier, Game, dit-il, on aurait tort de désigner toute créature portant fourrure, écaille ou plume, Fur, Fin or Feather, vivant à l’état de nature feræ naturâ, dans les bois, les rivières ou sur les grèves. S’il en était ainsi, celui-là pourrait prétendre au titre de Veneur, dont les exploits se résumeraient à pourchasser des Hiboux, des Éperviers, à occire des Grives, des Merles, des Pigeons, des Écureuils, même de la vermine comme les Putois, les Belettes, les Blaireaux, etc.

Si d’un côté, l’on ne saurait séparer de l’idée du gibier, l’attribut de servir d’aliment à l’homme, de l’autre l’exercice de la vénerie ne peut admettre chez la gent emplumée, par exemple, comme gibier que les volatiles que les chiens de race poursuivent par pur instinct et sans les avoir préalablement rencontrés. À ces nobles espèces, s’appliquent certaines règles du tir, imprescriptibles, à demi chevaleresques, bien qu’il y ait encore ici, exceptions à la règle.

C’est sans doute sous cette inspiration que M. Robert B. Roosevelt, l’ancien président du Club pour protéger le poisson et le gibier, à New-York, a écrit ses deux beaux volumes « Game Birds of the North » et « Fish of the North »

Le gibier proprement dit, comme l’entend Frank Forester, ne comprend pour les États-Unis et les provinces Britanniques, que certaines familles fort limitées ; six groupes de quadrupèdes ; le bison, la chèvre, le bouquetin, le cerf, le lièvre et l’ours.

Dans la première, la seconde et la troisième, famille on compte :[1]

  • Le Bison, Bos americanus.
  • La Chèvre des montagnes, Capra montana.
  • Le Mouton des montagnes, Ovis montana.
  • Le Bouquetin, Antilope.

La famille des Cervidae comprend cinq variétés :

L’orignal, Cervus alces.

  • Le Wapite, Cervus Canadensis.

Le Caribou, Cervus Tarandus.

Le Chevreuil, Cervus Virginianus.

  • Le Cerf à queue noire, Cervus Macrotis.

On compte deux espèces de lièvres :

Le Lièvre commun, Lepus americanus.

  • Le Lièvre du nord, Lepus virginianus.

Deux variétés d’ours :

L’Ours noir, Ursus americanus.

* L’Ours Grizzly, Ursus horribilis.[2]

Les volatiles qui d’après Frank Forester constituent en Amérique le gibier proprement dit, se rangent sous trois ordres : les espèces terrestres sous un ordre, les oiseaux aquatiques appartiennent à deux autres ordres, bien que certains individus de chacun, empiètent sur le domaine de leurs voisins.

1er ordre : les Pulvérisateurs. Deux familles, Pavonidæ et Tetraonidæ.

Ils renferment le Dindon — Meleagris ; la Caille — Ortyx et le Tetras ou Perdrix — Tetras.

Des six variétés de cailles connues en Amérique, la Caille de Virginie est la seule qui se présente aux chasseurs dans nos climats ; encore faut-il pénétrer jusque dans l’ouest du Canada. La famille Tetraonidæ nous offre six espèces :

1o La Gelinotte à Fraise — Ruffed Grouse — Perdrix des bois francs.

2o Le Tetras du Canada — Spruce Grouse — Perdrix de Savane.

3oLa Gelinotte à queue aiguë — Skarp-tailed Gouse.

4o Le Lagopède des Saules — Willow Ptarmigan.

5o Le Lagopède des Rochers — Rock Ptarmigan.

Des nombreux oiseaux aquatiques, deux groupes principaux et une infinité de sous-ordres :

La Poule d’eau — ou Foulque d’Amérique.

Trois variétés de Râles.

L’innombrable essaim d’Échassiers : becasse — bécassine — barge — chevalier — phalarophe — pleuvier — vanneau — courlis — tournepierre — maubesche, etc.

L’ordre Natatores, offre au chasseur plusieurs de ses plus belles pièces.

Deux variétés de cygnes superbes : 1o Le Cygne criard : Trumpeter Swan. 2o Le Cygne d’Amérique : Whistling Swan.

Quatre variétés d’oies, etc.

1o L’oie à cravate, outarde — Canada Goose.

2o La Bernache — Brant Goose.

3o L’oie à front blanc — White Fronted Goose.

4o L’oie sauvage — Snow Goose.

Le genre Anas : Canards d’eau douce — compte dix variétés de canards, y inclus les trois espèces de Sarcelles.

Le genre Fuligula : Gibier de mer, — renferme seize variétés.

On trouve en Canada trois espèces de Harles.

Blaze nomme Chasse au chien d’arrêt, le genre de chasse que Frank Forester a si bien décrit sous le titre de Upland Shooting ; c’est-à-dire, le tir du gibier avec l’aide de pointers, chiens d’arrêt ; de setters, chiens couchants, ou d’épagneuls.

L’autre chasse, la chasse au gabion ou à l’affût, se fait en se blottissant dans des caches ou trous creusés dans le rivage, pour y leurrer au moyen d’appelants le gibier qui passe, ou bien en faisant l’approche au moyen de légers canots masqués d’herbe ou de feuilles, et en le tirant de loin, avec de grosses pièces, chargées de postes, etc. Il va sans dire que la chasse au chien d’arrêt requiert beaucoup plus de vigueur physique, de savoir-faire pour chercher et tirer le gibier, d’habileté pour contrôler les mouvements de ses chiens ; c’est là, le noble exercice du Veneur. L’autre mode est plutôt celui du braconnier ou du charcutier qui désire pourvoir ses étaux de provisions de bouche ; — et pourtant, c’est difficile de faire chez nous la chasse aux oies sauvages, sans avoir recours à ce mode, tant ce gibier est farouche et peu abordable.

L’on aurait bien tort de croire que la chasse au Canada se résume à entasser une pyramide de volatiles de toutes espèces, mêlées à de la vermine de basse-cour.

Benedict-Henry-Revoil, décrit comme suit une battue colossale, opérée dans l’intérêt de l’agriculture : procédé que nous n’admirons qu’à demi.

« La chasse est si belle, dit-il, en l’Amérique du Nord, que ce n’est point ordinairement le gibier qui manque sur le passage du chasseur, mais la poudre et le plomb dans son sac. Il me suffit pour prouver ce que j’avance, de citer un passage de journal que j’ai tout lieu de croire fort authentique. C’est le récit d’une chasse faite dans le comté de Shefford (Canada), près d’un village nommé Frost.

Les habitants de cet endroit s’étaient rassemblés à la taverne de « l’Aigle d’or, » afin de détruire le gibier qui menaçait le produit des récoltes du pays. Il fut résolu que les oiseaux et les animaux pillards, devenus trop nombreux, seraient frappés dans une grande Saint-Barthélémy. Les chasseurs nommèrent deux chefs pour organiser le massacre, et les deux élus convinrent entre eux de se faire accompagner chacun par soixante-quinze camarades qui, dans l’intervalle d’un samedi à celui de la semaine suivante, chasseraient sous leurs ordres.

MM. Asa B. Foster et Augustus Wood partirent donc, et, le 19 avril 1856, on compta les pièces, qui se divisaient de la manière suivante :

Chasse de M. Foster Chasse de M. Wood
Pièces Pièces
Renards
50
Renards
50
Éperviers
50
Éperviers
25
Corbeaux
60
Corbeaux
100
Pics glousseurs
720
Pics glousseurs
420
Putois
270
Putois
120
Écureuils noirs et gris
600
Écureuils noirs et gris
673
Écureuils rouges et zébrés
40,620
Écureuils rouges et zébrés
33,150
Belettes
80
Belettes
20
Geais et piverts
2,570
Geais et piverts
1,860
Chouettes et hiboux
160
Chouettes et hiboux
140
Merles
3
Merles
2
Pigeons
1


xxxTotal
46,283
xxxTotal
36,561


Qu’aurait pensé d’une telle tuerie le grand saint Hubert et son ardent disciple, Frank Forester !



  1. Les espèces ainsi marquées ● ne se rencontrent pas dans la province de Québec.
  2. L’Ours Arctique et l’Ours Brun, à vrai dire, ne fréquente pas nos latitudes.