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Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1220

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Règne de Philippe II Auguste (1180-1223)

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[1220]


Frédéric, roi de Sicile, fut couronné empereur par le pape Honoré. Robert de Meûn, évêque du Puy, fut tué par un certain chevalier qu’il avait excommunié pour des outrages par lui commis envers l’Église. Le peuple du Puy, gravement irrité, se souleva violemment contre les parens da chevalier, détruisit de fond en comble leurs châteaux et leurs maisons, et les condamna à un exil perpétuel. Yolande, impératrice de Constantinople, mourut, laissant un fils, nommé Baudouin, encore enfant. Comme l’empereur Pierre, son mari, était encore retenu en prison, les Francs et les Latins qui habitaient en Grèce invitèrent, par une députation solennelle, son fils, comte de Namur, à gouverner la Grèce. Méprisant l’honneur qu’on lui offrait, et qui lui était dû, il envoya aux Grecs Henri, son frère cadet. Ils le reçurent gracieusement, et lui conférèrent le diadème et la dignité impériale. Au mois de juillet, le corps de saint Thomas, martyr, fut placé avec le plus grand soin, par Etienne, archevêque de Cantorbéry, dans une châsse d’or ornée de pierres précieuses et ciselée avec un travail admirable. Pierre, évêque de Paris, mourut à Damiette. Après sa mort, comme les chanoines de Paris ne pouvaient s’accorder sur l’élection, Guillaume, éveque d’Auxerre, fut, par l’ordre du pape Honoré, transféré au siège de Paris.

Gui, fils de Simon de Montfort, qui avait succédé à feu son père dans la terre des Albigeois, fut ignominieusement tué par le comte de Saint-Gilles. Sa mort affligea d’une inconsolable tristesse tous les catholiques qui demeuraient dans ce pays. A la nouvelle de ce meurtre, Amauri, son frère, touché de douleur, jura dans le fond de son cœur qu’il ne quitterait le siége d’un certain château, que son frère avait assiégé, qu’il ne l’eût réduit en son pouvoir, soit par force soit par reddition ; mais ensuite, privé du secours des siens, il quitta ce château sans avoir accompli son projet Après ce départ, ses affaires se trouvèrent en si fâcheux état, que presque tous les châteaux dont il avait été en possession auparavant tombèrent sous la domination des hérétiques.

Par un miracle aussi grand, plus grand même que celui qui avait eu lieu au sujet de Damiette, le Seigneur donna aux Chrétiens rassemblés en ce lieu la ville de Thanis, en Égypte. Les nôtres ayant formé un dessein bien concerté, envoyèrent, à la fête de saint Clément, des éclaireurs chargés de se rendre sur des vaisseaux par le Nil, jusqu’à la ville de Thanis, pour enlever les vivres des premières maisons, et reconnaître avec soin l’état de ladite ville. Ceux-ci s’étant approches de la ville, et n’ayant aperçu aucun défenseur sur les remparts ni sur les tours, s’y précipitèrent aussitôt, et la trouvèrent vide. Les habitans à la nouvelle de la prise de Damiette, s’étaient enfuis, frappés d’une terreur extraordinaire, s’imaginant voir arriver toute l’armée des Chrétiens. Ce fut ainsi que le Seigneur en ce temps planta sa bannière en Égypte. Mais alors, par l’instigation du diable, il s’éleva une dissension entre Jean, roi de Jérusalem, et Pélage, cardinal de l’Église romaine. Le légat Pélage s’ emparait du commandement de toute l’année, disant et s’efforçant de faire croire que rien n’avait été fait ou ne se faisait que par ses ordres. C’est pourquoi le roi Jean quitta Damiette et se rendit en Syrie.