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Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1292

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Règne de Philippe IV le Bel (1285-1314)

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[1292]


Edouard, roi d’Angleterre, mettant à exécution les projets d’iniquité qu’il avait conçus, dit-on, depuis long-temps, fit de grands préparatifs, sous le prétexte qu’il allait bientôt partir au secours de la Terre-Sainte. Ayant fait équiper des vaisseaux par ses hommes de Bayonne, ville de Gascogne, et beaucoup d’autres de son royaume, et fait faire d’immenses préparatifs de guerre il fit méchamment attaquer par mer et par terre, dans la Normandie et autres pays, les gens et sujets du roi Philippe. Il en tua, prit et retint un nombre infini, détruisit la plupart de leurs vaisseaux, et emmena en Angleterre le reste, chargé de biens et de marchandises. Les hommes du roi d’Angleterre attaquèrent aussi traîtreusement une ville du roi de France, appelée La Rochelle. Livrant un grand nombre d’assauts, ils tuèrent quelques-uns de ses défenseurs, et lui firent éprouver beaucoup de dommages. Le roi de France en ayant été instruit, manda au roi d’Angleterre et à ses délégués dans la Gascogne qu’ils envoyassent dans sa prison, à Périgueux, un certain nombre desdits malfaiteurs, pour qu’il en fît ce que la raison conseillerait et ce qu’exigerait la justice. Mais ce messager fut rejeté avec mépris et orgueil ; c’est pourquoi le roi de France fit saisir toute la Gascogne par le chevalier Raoul, connétable, seigneur de Nesle, comme lui appartenant en qualité de fief de son royaume, et fit citer à son parlement Edouard, roi d’Angleterre.

Comme Jean, comte de Hainaut, opprimait les gens et sujets du roi de France qui habitaient auprès des limites de sa terre et les églises placées sous la protection dudit roi, et ne voulait point s’amender, malgré les prières ou les injonctions royales, Charles, comte de Valois, frère du roi rassembla coutre lui par l’ordre de Philippe une grande armée près du château de Saint-Quentin, dans le Vermandois. Comme il était sur le point de l’attaquer en propre personne, Jean, comte de Hainaut, redoutant le pouvoir du roi de France, se rendit sans armes auprès de Charles, alla humblement à Paris avec lui vers le roi Philippe, et répara, selon le bon plaisir du roi, les méfaits qu’il commettait depuis long-temps envers lui et ses sujets. Le bas peuple de Rouen se révolta, à cause des exactions appelées maltôte dont il était accablé, contre les maîtres de l’échiquier, serviteurs du roi de France. Les séditieux, détruisant la maison du collecteur, semèrent par les places les deniers du fisc, et assiégèrent dans le château de la ville les maîtres de l’échiquier. Ce soulèvement ayant ensuite été apaisé par le maire et les plus riches hommes de la ville, la plupart des mutins furent pendus, et beaucoup furent renfermés dans des prisons du roi de France. Gilles Cornu, archevêque de Sens, mourut, et eut pour successeur Etienne, doyen de la même église.