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Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1295

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Règne de Philippe IV le Bel (1285-1314)

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[1295]


Raoul, seigneur de Nesle, connétable de France, qui venait de Bordeaux vers La Réole au secours de Charles, frère du roi de France, reçut à composition, le jour de la Résurrection du Seigneur, une certaine forteresse appelée Pondency, située sur son chemin et qu’il avait assiégée huit jours, laissant la vie sauve aux Anglais qui la défendaient avec les Gascons. Ayant renvoyé les Anglais, il amena vers Charles à La Réole soixante Gascons qu’il fit, le jeudi de Pâques, attacher à des gibets devant les portes de La Réole. A la vue de ce spectacle, et à la nouvelle que les Anglais avaient trahi ces Gascons à Pondency, les gens du château de La Réole furent saisis d’une terrible indignation contre les gens du roi d’Angleterre qui étaient avec eux ; c’est pourquoi Jean de Saint-Jean et Jean de Bretagne s’enfuirent, pendant la nuit, de la ville avec les autres Anglais vers les rivages de l’Océan, et, montant sur leurs vaisseaux, s’échappèrent à grand’ peine. Un grand nombre d’entre eux, poursuivis par les Gascons, furent tués avant d’avoir atteint les vaisseaux. Le matin du vendredi suivant les Français, s’apercevant que pendant cette nuit la discorde avait régné dans la ville, livrèrent l’assaut, et, n’ayant éprouvé de résistance que de la part d’un petit nombre, pénétrèrent aussitôt dans le château, prirent et tuèrent beaucoup de Gascons, et soumirent la ville et le château à la domination du roi de France. Simon évêque de Préneste, et Bérard, évêque d’Albano, cardinaux de l’Église romaine, envoyés en France par le pape Boniface pour rétablir la paix entre le roi de France et le roi d’Angleterre, arrivèrent au mois de mai à Paris. Après la prise du château de La Réole, Charles, comte de Valois, assiégea la ville de Saint-Sever, et après l’avoir fatiguée d’assauts durant tout l’été, la força enfin de se rendre ; mais ensuite, lorsqu’il fut retourné en France, ces perfides habitans reprenant l’esprit de rébellion, manquèrent à la foi qu’ils avaient promise au roi de France. Sanche, roi de Castille, mourut, et Henri, son oncle, dont nous avons rapporté ci-dessus l’évasion de la prison du roi de Sicile, garda sous sa tutelle et protection deux enfans en bas âge, qu’il avait eus d’une nonne liée à lui par le mariage. Après la nomination de Simon de Beaulieu à l’évêché de Préneste, frère Gilles Augustin fut créé par le pape Boniface archevêque de Bourges. De l’ordre des ermites de Saint-Augustin il fut élevé au pontificat, et composa beaucoup de livres sur le sujet des saintes Ecritures et de la philosophie.

Une grande flotte du roi de France étant débarquée à Douvres, port d’Angleterre, enleva et brûla tout ce qu’elle trouva hors des murs ; et tandis qu’une si grande armée aurait pu facilement s’emparer de toute l’Angleterre, empêchée par l’autorité de Matthieu de Montmorency et de Jean de Harcourt, elle fut forcée de s’en revenir sans avoir rien fait. Marguerite, reine de France, femme du très-saint roi de France Louis, mourut à Paris, et fut ensevelie avec honneur auprès du très-saint roi Louis son mari, dans l’église de Saint-Denis en France. Avant sa mort elle avait établi et fondé à Paris, près de Saint-Marceau, un monastère de sœurs Mineures, où elle avait long-temps vécu en grande pureté. Alphonse, roi d’Aragon, étant mort, Jacques son frère, usurpateur du royaume de Sicile, se transporta en Aragon et fut élevé à la dignité royale. Ayant fait la paix avec Charles, roi de Sicile, il lui donna en mariage une de ses filles, et mit en liberté les otages que feu le roi Alphonse, son frère, avait reçus dudit roi de Sicile ; l’autre frère d’Alphonse, Frédéric, posséda après lui la Sicile.