Chronique de la quinzaine - 14 septembre 1898

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Chronique n° 1594
14 septembre 1898


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre.

Le dernier événement de la quinzaine qui vient de s’écouler est le plus imprévu de tous, et le plus pénible : l’impératrice d’Autriche a été assassinée à Genève par un anarchiste italien. S’il y avait une femme qui parût être à l’abri d’un pareil crime, assurément c’est l’impératrice Elisabeth. Elle était si peu impératrice ! Elle était si bien redevenue une simple femme, plus malheureuse seulement que la plupart des autres. Elle avait descendu les marches du trône, volontairement, douloureusement, pour rentrer dans la foule d’où elle n’aurait jamais voulu sortir. La couronne souveraine, trop lourde pour son front, n’avait fait qu’illustrer ses infortunes : sa grâce et sa beauté les avaient rendues plus touchantes. Autour d’elle, tout avait été brisé par la destinée, et, en elle-même, d’autres ruines s’étaient produites qui en avaient fait comme une épave auguste, ballottée sans cesse par les flots les plus amers. A ses côtés, la foudre avait frappé sans relâche : son fils, l’archiduc Rodolphe, mort on ne sait comment, on ne sait pourquoi, dans une maison de chasse, au milieu d’une forêt mystérieuse ; sa sœur, la duchesse d’Alençon, consumée, il y a un peu plus d’un an, par les flammes du bazar de la Charité ; son beau-frère, l’empereur Maximilien, fusillé au Mexique ; son cousin, le roi Louis de Bavière, noyé dans l’étang d’un de ses châteaux : et ici nous ne parlons que des morts. Elle-même, en proie à tant de fatalités, était apparue au monde comme une sorte de Valkyrie éperdue, cherchant dans le mouvement et la fatigue physiques un peu de repos à force d’accablement. Elle semblait vouloir échapper au sort qui la poursuivait, et qui continuait de se montrer implacable. Enfin, comme rendue et épuisée, la pauvre impératrice était tombée dans une mélancolie profonde, où elle ne sentait plus que le malaise de tant de malheurs, avec un besoin persistant d’aller d’un lieu à un autre, à la manière du malade qui change de position sur sa couche fiévreuse. Elle avait demandé, dit-on, à être ensevelie sur les rivages de Corfou, où sa tombe serait éternellement battue par la mer, à peine plus tourmentée que ne l’avait été son âme inquiète. A. cette vie infortunée, et jusqu’au bout dramatique, un coup de stylet a mis fin : c’est à peine si un peu de sang a coulé de la blessure presque imperceptible. L’impératrice Elisabeth n’a pas vu venir la mort, qui n’aurait eu sans doute rien de cruel à ses yeux : elle n’a pas souffert, elle a cessé de souffrir.

Mais ce nouveau meurtre, dans les conditions odieuses où il a été accompli, pose une fois de plus une question qui n’a pas encore été résolue. On s’étonne, en voyant les choix que font les anarchistes : la vérité est qu’ils ne choisissent pas. L’arme meurtrière va au hasard entre leurs mains. Pourquoi Caserio, il y a quelques années, a-t-il pris le président Carnot pour victime ? En quoi son crime pouvait-il changer la marche générale des choses ? Lorsque Angiolillo, il y a un peu plus d’un an, a frappé dans M. Canovas del Castillo le dernier homme d’État de l’Espagne, l’événement a été plus considérable par ses conséquences. Du moins on a pu le croire. Qui pourrait dire aujourd’hui avec certitude si M. Canovas, à supposer qu’il eût continué de vivre, eût changé pour son pays le cours de l’histoire ? Peut-être est-il mort opportunément pour sa gloire, et certainement il est mort à temps pour son bonheur. Mais enfin, c’était un homme d’État puissant ; il ne reculait devant rien ; il était capable, dans une grande partie politique, de jouer le tout pour le tout, et de défier le destin en lui opposant la force de sa volonté. Si la poudre d’Angiolillo a été atrocement employée, elle ne l’a pas été tout à fait en vain. Que dire au contraire du coup de stylet de Luigi Luccheni ? Il n’y en eut jamais de plus stupide. Et les rapports de police racontent pourtant que l’homme ne manque ni de quelque instruction, ni d’intelligence. Mais ce qui distingue l’anarchisme, c’est l’aveuglement volontaire et systématique avec lequel ses adeptes dirigent leurs coups, et frappent. Ils ne visent pas, ils ne tuent pas une personne déterminée ; sinon, comment Luccheni aurait-il pu viser et tuer précisément l’impératrice Elisabeth, c’est-à-dire la femme la plus inoffensive qui fût au monde.

Elle avait un titre éclatant, elle était impératrice ; il n’en a pas fallu davantage pour qu’un anarchiste, ennemi né de toutes les distinctions sociales, ait fixé sur elle sa résolution meurtrière. A défaut d’un grand titre, un grand nom aurait suffi. Les premières dépêches ont raconté que Luigi Luccheni avait voulu d’abord frapper le duc d’Orléans : c’est pour ne l’avoir pas rencontré qu’il s’était rabattu sur l’impératrice d’Autriche. Si un autre souverain, si un autre touriste descendant d’une illustre lignée, si seulement un homme connu pour sa puissante richesse était passé par-là, il aurait eu, ou il aurait pu avoir le même sort. Indifféremment, les anarchistes se tournent contre les uns ou contre les autres. Ils les appellent les heureux de la vie, en quoi ils se trompent bien souvent. Ils ne voient que les dehors des choses et des hommes. Tout ce qui reluit de loin attire leurs yeux inexercés, clignotans et fascinés. Sous ces surfaces brillantes, ils croient voir incarnés les objets mêmes de leur haine. Et ils frappent aussitôt à coups de poignards ou de pistolets. Il y a là un danger général, auquel nul de ceux qui s’élèvent tant soit peu au-dessus de la foule n’est sûr d’échapper ; et peut-être n’est-ce pas assez dire, puisque nous avons vu à Paris même, pendant plusieurs mois, les anarchistes faire des ravages dans les profondeurs obscures de la foule elle-même. Ils n’ont pas d’autre règle que celle de tuer pour tuer, de tuer pour faire peur, de tuer pour se satisfaire soi-même par l’exercice de sa faculté de destruction. A quoi bon chercher une autre cause à ces actes monstrueux ? Le misérable anarchiste qui vient d’assassiner Elisabeth d’Autriche a voulu seulement se donner la sensation d’assassiner une impératrice : il ne s’est proposé rien de plus. On croyait fermée la série de ces meurtres, la voilà peut-être rouverte.

Quelles mesures prendra-t-on en présence d’un danger qui se révèle plus menaçant que jamais ? Ce n’est pas à nous à le dire, et nous ne sommes partisan d’aucune réaction aveugle. Mais qui oserait soutenir qu’il n’y ait rien à faire, et qu’en présence d’un pareil mal il convient de se croiser les bras ? Plus la victime ici est innocente, plus son sang demande, nous ne dirons pas vengeance, — ni le mot, ni le sentiment ne seraient dignes d’elle, — mais réparation. Tout le monde conviendra du moins que la préservation sociale est à l’ordre du jour, et que le danger auquel il s’agit de pourvoir n’est pas imaginaire. Nous plaignons la Suisse. Assurément elle n’est pas responsable de ce qui vient de se passer sur son territoire hospitalier. Elle est la première à le déplorer, et nous ne voulons prononcer aucun mot qui ajoute à ses regrets. Il y a pourtant des mesures à prendre, ne fût-ce que par une police plus vigilante et mieux renseignée, pour garantir à ceux qui viennent la visiter une sécurité plus grande, et pour effacer de leur esprit un souvenir d’épouvante et d’horreur.

La catastrophe de Genève a produit dans le monde entier la même impression : toutefois, c’est en Autriche qu’elle devait avoir le plus douloureux retentissement. L’impératrice Elisabeth avait été d’abord admirée partout, et n’avait cessé de l’être nulle part ; mais, peu à peu, elle avait manifesté aux différentes parties de la monarchie des sentimens dont la diversité n’avait rien de constitutionnel. Il ne fallait pas lui demander de s’enfermer dans les règles d’un protocole, et de les subir. Elle était aimée à Pest ; elle était devenue plus étrangère à Vienne. Dans les dernières années de sa vie errante, capricieuse et maladive, on y avait perdu l’habitude de la voir. Lentement, on s’était détaché d’elle, à mesure qu’elle se détachait de tout et de tous ; mais on lui conservait quand même une partie de l’attachement que l’Autriche entière, au milieu de ses aspirations divergentes et de ses querelles de races, garde fidèlement à l’Empereur François-Joseph. Peu d’hommes ont été, à tous les points de vue, plus durement traités par le sort que le patriarche des monarchies continentales, et aucun, en aucun temps, n’a été entouré de plus de sympathies. Cela vient, évidemment, de ce qu’il les mérite. Le respect qu’il inspire est peut-être aujourd’hui le dernier obstacle à la dissolution de son empire, qui sans doute ne lui survivra pas longtemps dans sa forme actuelle. A l’inverse de tant d’autres, ses malheurs, que l’on sentait immérités, ont accru son autorité personnelle, tant il a su les soutenir avec dignité. Il n’a jamais faibli sous la destinée la plus tragique. L’homme et le souverain ont eu beau être frappés, le lendemain des pires catastrophes on retrouvait François-Joseph égal à lui-même, renfermant ses douleurs intimes dans son cœur meurtri, et toujours prêt à remplir simplement son devoir quotidien. C’est ce sentiment du devoir qui a fait sa force au milieu de tant d’épreuves, et qui l’aidera encore à supporter celle-ci. Mais il semble qu’il y ait comme un dernier acharnement de sa destinée funeste dans le choix même de l’heure où il a été atteint. Toute l’Autriche, oubliant pour quelques jours ses divisions intérieures, s’apprêtait à-célébrer dans une même pensée de loyalisme ce qu’on appelait le jubilé de l’Empereur, c’est-à-dire le cinquantième anniversaire de son avènement au trône. La situation était bien grave il y a cinquante ans, puisqu’on sortait de l’émeute et de la guerre civile : peut-être ne l’est-elle pas beaucoup moins aujourd’hui, quoique ces maux n’apparaissent pas comme une menace immédiate. Malgré tout, la nation entière, sans distinction de partis ni de races, tenait, sur le déclin d’un long règne, et si malheureux qu’il eût été, à donner au vieil empereur une marque de reconnaissance et d’affection. Les réjouissances sont pour le moment contremandées. Un voile de deuil s’étend partout. François-Joseph, en apprenant l’assassinat de Genève, a dit en sanglotant qu’il était à l’heure la plus cruelle de sa vie, et ce mot a sur ses lèvres un sens sur l’étendue duquel on ne saurait se tromper. Que pourrait-on y ajouter ? Notre propre situation intérieure ne laisse pas aussi d’être troublée et agitée. Depuis quinze jours il s’est produit une complète métamorphose dans l’affaire Dreyfus ; peut-être n’est-ce pas la dernière qu’elle subira, et il est plus que jamais impossible de prévoir comment elle se terminera. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’elle est rouverte : il faudrait être prophète pour en mesurer d’avance l’évolution future, et nous ne le sommes pas. Nous n’avons jamais eu, ni prétendu avoir sur cette triste question, aucune lumière particulière. Nous n’avons jamais émis la prétention d’en savoir tant soit peu plus long que les autres. Nous nous sommes toujours abstenus des affirmations tranchantes, restant aussi éloignés de ceux qui prétendaient avoir une certitude personnelle de l’innocence de Dreyfus que de ceux qui prétendaient avoir une certitude personnelle de sa culpabilité.

Les uns et les autres avaient d’ailleurs des certitudes égales en intensité, et naturellement en intolérance. Ils ne souffraient pas que l’on pensât autrement qu’ils ne pensaient, et, comme ils prétendaient avoir pour eux l’évidence, ils étaient toujours prêts à accuser de mauvaise foi ceux qui ne voulaient pas la reconnaître. Nous n’avions, nous, plus modestement, que l’autorité de la chose jugée, vieux mot, vieille chose, qui, au milieu des passions débridées, paraissait singulièrement usée. Il ne suffisait plus de respecter un jugement définitif, il fallait croire. Mais quoi ? Nous avions beau ouvrir les yeux, nous n’étions nullement frappés de cette évidence dont chacun des deux partis se disputait le monopole. Il fallait donc passer aux raisons qu’ils alléguaient, aux argumens qu’ils invoquaient : raisons et argumens étaient d’un poids sensiblement pareil, c’est-à-dire assez léger. Au milieu de ce chaos des esprits, le respect de la chose jugée nous paraissait de plus en plus être le seul refuge, et nous persistons à croire qu’il était le seul à ce moment. Est-ce à dire que nous ayons la superstition de l’infaillibilité de la justice humaine, soit civile, soit militaire ? Non, certes, et nous l’avons déclaré bien souvent. Au début même, et lorsqu’on a annoncé pour la première fois avec un grand fracas qu’un honorable sénateur avait en main la démonstration certaine de l’innocence de Dreyfus, nous avons pensé qu’il fallait voir, et nous l’avons dit. Mais on ne nous a rien montré du tout, nous n’avons rien vu, et nous l’avons dit. D’autres au contraire, devant cette lanterne qu’on avait négligé d’éclairer, voyaient toutes sortes de choses, et ils s’indignaient qu’on ne les vit pas comme eux. Mais tous les yeux n’ont pas la même perspicacité. Alors a commencé, soit d’une part, soit de l’autre, une campagne qui nous a paru condamnable, et qui reste telle pour nous, quoi qu’il arrive. On en est venu dans les deux camps aux pires brutalités, sans se préoccuper de savoir sur qui et sur quoi elles tombaient. Le pugilat a remplacé le raisonnement. Plus les argumens se sentaient faibles, plus les argumentateurs devenaient violens. Dans la confusion qui en résultait, les partis révolutionnaires ramassaient partout des armes et s’en servaient avec audace pour atteindre leurs buts particuliers. Quelle bonne fortune de se trouver d’accord avec de bons citoyens un moment égarés, et de pouvoir dénoncer avec eux, presque à tous les étages de la hiérarchie sociale, une corruption à laquelle il fallait appliquer les remèdes les plus radicaux, le fer et le feu ! Un moment est venu où, à quelques honorables exceptions près, on ne pensait plus à Dreyfus et à son affaire, mais à toute autre chose, et où, dans la mêlée la plus enchevêtrée, personne ne s’occupait de l’incidence de ses coups, et n’en mesurait ni la force, ni la portée. Plus que jamais alors, nous avons cru qu’il fallait rester strictement sur le terrain de la légalité, car c’était là seulement qu’on avait chance de ne pas déraisonner. Nous l’avons fait, et, dans toute circonstance analogue, nous le ferons encore.

Mais la loi, qui n’est pas aussi aveugle qu’on veut bien le dire, a prévu et fixé un certain nombre de cas pour la révision d’un jugement devenu définitif. Dans les uns, la révision est obligatoire ; dans les autres elle est facultative, et laissée, avec certaines garanties, à l’initiative du garde des sceaux. Nous avons répété maintes fois que, si un des cas prévus par la loi, que si un fait de l’ordre juridique venait à se présenter, la situation serait modifiée. Elle pourrait alors comporter des résolutions nouvelles. Elle pourrait même les imposer. En parlant ainsi, nous étions bien loin de croire à la révélation qui s’est produite. Le crime du colonel Henry, — car c’en est un, — nous aurait paru invraisemblable la veille du jour où il a été reconnu et avoué. Mais, certes, à partir de ce moment, il y avait un fait nouveau, et du caractère le plus grave. Cette gravité a été encore accentuée, s’il est possible, par le suicide du colonel. Qui a commis un faux a pu en commettre plusieurs, et nul ne saurait dire ce qu’enferme de secrets la tombe de cet inconscient. Le désordre des esprits a atteint de telles proportions que le colonel Henry a trouvé des apologistes. On a dit qu’il était désintéressé, et nous le voulons bien. On a ajouté que, par une perversion du sens moral assez naturelle dans une âme faible et un esprit borné, il avait pu croire qu’il rendait service à l’armée, au moment où il lui portait un coup terrible. Soit encore. La psychologie rudimentaire du colonel Henry peut, en effet, expliquer l’acte qu’il a commis ; mais c’est précisément pour cela qu’elle permet de craindre encore davantage. Elle permet de craindre, par exemple, que l’acte de 1896 n’ait pas été unique et qu’il ait été, non seulement suivi, mais précédé d’autres actes non moins coupables. On répète volontiers qu’un faux postérieur de deux ans à la condamnation de Dreyfus n’a pu exercer aucun effet sur elle. Oui, sans doute ; et aussi n’est-ce pas le faux qui a pu avoir cet effet, c’est le faussaire. Si le faux avait été fabriqué par tout autre que le colonel Henry, pourrait-on le négliger ? mais il a été fabriqué par le colonel Henry ; et le colonel Henry avait collaboré à la préparation du dossier, — quel que soit d’ailleurs ce dossier, — sur lequel Dreyfus a été condamné. Depuis lors, ce même colonel Henry, qui était entré à l’État-major général on ne sait comment, et qui était si peu fait pour un genre de besogne où il faut à la fois un esprit délicat et une conscience scrupuleuse, est devenu le chef du service des renseignemens. Il a eu entre les mains tout le dossier Dreyfus. Il en était le dépositaire. L’a-t-il trouvé trop… faible ? Le malheureux a cru utile de le renforcer de quelques documens de sa façon. Tout cela suffit pour jeter un doute, légitime cette fois, tant sur les opérations de 1894 que sur l’état actuel du dossier. Et cela suffit, en tout cas, pour constituer le fait nouveau, le fait juridique, qui n’existait pas il y a quinze jours et qui existe aujourd’hui. Brusquement, la lanterne s’est éclairée. Aussi l’opinion, — non pas tout entière assurément, mais en majorité, — s’est-elle prononcée pour la révision du procès dès le lendemain des aveux et du suicide du colonel Henry. Et nous ne voyons plus d’autre moyen de nous délivrer d’un cauchemar qui, sans cela, continuerait indéfiniment de peser sur le pays.

Cette opinion, qui s’est répandue très vite et très profondément, n’a pas, nous l’avons dit, été générale. Elle n’a pas été partagée, notamment, par le ministre de la guerre qui a découvert le faux du colonel Henry et qui en a provoqué l’aveu, M. Godefroy Cavaignac. Nul n’a eu une influence plus considérable sur l’affaire Dreyfus dans la phase actuelle qu’elle traverse ; mais il ne paraît pas lui-même en avoir compris d’abord toute la portée. Si l’affaire est irrémédiablement rouverte, c’est à M. Cavaignac qu’on le doit ; et nous ne le regrettons pas, puisqu’il s’agit de faire œuvre de justice. Assurément, ce ne sont pas les partisans les plus bruyans de la révision du procès qui l’ont rendue inévitable : au contraire, ils l’avaient rendue longtemps impossible par la nature même de leurs polémiques, et ils avaient accumulé contre eux toutes les chances d’insuccès. Leurs affaires étaient aussi bas qu’elles pouvaient l’être, lorsque le coup de théâtre du ministère de la guerre a éclaté. Et assurément ils n’y étaient pour rien. C’est M. Cavaignac tout seul qui, avec une conscience à laquelle il faut rendre hommage, avait pris à tâche de revoir le dossier pièce à pièce et de l’étudier à la loupe. Il y a toutefois un reproche, et un reproche sérieux à faire à M. Cavaignac : pourquoi n’a-t-il pas fait cette étude avant de prononcer au Palais-Bourbon le fameux discours que l’on sait, au lieu de la faire après ? Il s’est porté garant, à ce moment, de l’authenticité des pièces sur lesquelles il établissait la culpabilité de Dreyfus ; il a assuré qu’il les avait personnellement examinées ; il a entraîné la conviction de la Chambre entière par l’assurance avec laquelle il exprimait la sienne. La Chambre, en somme, n’avait pas vu le dossier, et M. Cavaignac l’avait vu. Dans une de ces minutes d’entraînement que les assemblées ne connaissent que trop, et qui ne sont pas faites uniquement de courage civique, — il y entre même beaucoup d’autres ingrédiens, — l’affichage du discours ministériel a été voté à l’unanimité. Ceux qui n’assistaient pas à la séance et qui, le lendemain, ont lu le discours de sang-froid, ont été frappés de la faiblesse des preuves que M. Cavaignac avait produites et dont la Chambre s’était contentée, parce qu’elle était d’ailleurs décidée à se contenter de peu. Mais enfin ces preuves, quelque opinion personnelle qu’on en ait pu avoir, échappaient à tout contrôle : il fallait bien s’en rapporter à la parole seule du ministre de la guerre.

Telle était la situation lorsque M. Cavaignac est venu dire avec une parfaite loyauté, mais avec une loyauté qui aurait dû avoir d’autres suites, qu’il s’était trompé, ou qu’il avait été trompé ; et que la pièce principale sur laquelle il avait eu l’imprudence d’échafauder son argumentation était un faux. Il y a d’autres pièces encore, soit ; elles prouvent ce qu’elles prouvent ; mais nous ne les connaissons pas, et c’est à coup sûr la faute de M. Cavaignac si on a attribué à celles qu’il avait choisies entre toutes, et surtout à l’une d’entre elles, une importance peut-être exagérée. N’est-ce pas de lui qu’elle tenait cette importance ? Il ne restait plus libre d’apprécier à lui seul l’ensemble de l’affaire, après en avoir livré à la publicité certains détails, et après que ces détails s’étaient trouvés entachés de faux. Aussi s’est-il débattu, pendant quelques jours, dans une situation tout à fait illogique. Il avait à choisir entre deux partis : ou bien, puisqu’il avait rendu la révision inévitable, la faire lui-même et en prendre la responsabilité ; ou bien se démettre purement et simplement, comme l’a fait, non sans dignité, le général de Boisdeffre, en laissant telle quelle la situation à ses successeurs. Elle était déjà assez embrouillée ! De ces deux partis, M. Cavaignac n’a pris ni l’un ni l’autre. Il n’a pas fait la révision, et il s’est appliqué, avant de partir, à la rendre plus difficile. Nous ne pouvons pas l’en approuver. Ce n’est pas que nous éprouvions plus d’indulgence qu’il ne convient pour le gouvernement, ou plutôt pour ce qui en reste, c’est-à-dire, pour MM. Brisson, Sarrien, etc. Si leur sort est ce qu’il est, à qui la faute ? Lorsque le ministère s’est formé, on n’avait pas besoin d’une perspicacité supérieure pour prévoir que l’affaire Dreyfus était une de celles dont il faudrait s’occuper. Cependant, personne alors n’a eu l’air de s’en souvenir. M. Brisson a recruté ses collaborateurs pêle-mêle parmi les partisans timides et parmi les adversaires déterminés de la révision. M. Cavaignac était de ces derniers : on peut bien dire qu’il avait attaché au triomphe de son opinion quelque chose de son avenir politique. Dès lors, il suffisait d’un incident quelconque, et moins grave même que celui qui s’est présenté, pour amener dans le ministère la séparation et l’opposition des deux partis qu’on y avait artificiellement juxtaposés. Au fond, les collègues de M. Cavaignac n’étaient pas fâchés de se débarrasser de lui, et lui-même, en partant, n’était pas fâché d’ajouter quelque chose aux embarras avec lesquels ils allaient se trouver aux prises. De part et d’autre, cela est humain, et peut-être même ministériel, mais non pas très édifiant.

Les vœux de M. Cavaignac se réaliseront-ils, et la révision rencontrera-t-elle des difficultés inextricables ? La crise dans laquelle nous entrons sera-t-elle longue, laborieuse, périlleuse ? Rien n’est plus probable et cela même le devient chaque jour davantage. Il a fallu chercher un nouveau ministre de la guerre. On a songé d’abord au général Saussier. Le général Saussier aurait inspiré une égale confiance à l’armée et au public ; on lui a offert le portefeuille, il ne l’a pas accepté. Pourquoi ? on ne l’a pas dit. Après lui, la même offre a été faite avec plus de succès au général Zurlinden. Le général Zurlinden a été déjà ministre de la guerre, et il sait un peu par conséquent ce que c’est que la politique. On devait croire qu’en acceptant de succéder à M. Cavaignac, qui s’en allait parce qu’il ne voulait pas la révision, il était, lui, disposé ou résigné à l’ouvrir. Sinon, que venait-il faire dans le gouvernement ? Il est à présumer que celui-ci ne l’avait pas appelé pour lui donner une nouvelle consultation sur le dossier, et que l’état actuel de ce dossier, quel qu’il fût d’ailleurs, ne lui paraissait plus une raison suffisante d’écarter la révision. Mais puisque le général Zurlinden ne l’avait pas compris, pourquoi ne le lui a-t-on pas expliqué ? C’était le cas, ou jamais, de dissiper les équivoques. On s’en est bien gardé. Nos ministres ont cru qu’ils devaient d’abord se compléter en s’adjoignant un général, et qu’on s’entendrait ensuite avec lui. Ils ont cédé à cette pusillanimité des gens faibles qui reculent le plus possible devant les explications catégoriques, dans l’espoir que les choses s’arrangeront d’elles-mêmes, ou que les autres, aussi faibles qu’eux, hésiteront à rompre après avoir paru tout accepter. Mais nous sommes à un moment où toutes les fautes s’expient et s’expient vite. Si c’en était une d’introduire le général Zurlinden dans le ministère avec un bandeau sur les yeux, on n’a pas tardé à s’en apercevoir. Le général a ôté son bandeau, a lu le dossier, et s’est déclaré opposé à la révision. Et alors le gouvernement s’est trouvé dans un si grand désarroi qu’il est impossible de prévoir comment il en sortira, ou même s’il en sortira. La ressemblance entre le général Zurlinden et M. Cavaignac s’est encore accentuée au dernier moment : le nouveau ministre a mis le colonel du Paty de Clam en retrait d’emploi. Nouveau coup de théâtre, et cette fois sans explication. Nous ignorons les motifs de la disgrâce du colonel du Paty de Clam, mais ils ont dû être graves pour qu’on leur ait donné cours en ce moment. Et alors, comment ne pas se souvenir que le colonel du Paty de Clam a été chargé de toute l’instruction du procès Dreyfus, et qu’il en a été la cheville ouvrière ! Quel doute nouveau on fait naître dans les esprits ! Est-ce que tous les acteurs de cette déplorable affaire seront successivement disqualifiés ou frappés, sans qu’on consente à rouvrir l’affaire elle-même ? C’est la spécialité des ministres de la guerre : chacun, à son tour, accomplit un acte qui rend la révision plus inévitable, — après quoi il s’y oppose et il s’en va. Tout cela est fait pour confondre les esprits. On croit rêver, mais le rêve est pénible.

Jamais pourtant on n’a eu un plus vif besoin d’une solution rapide. Quelque opinion que l’on ait sur les incidens de ces derniers jours, ils ont fait au pays un grand mal, et il y aurait un mal plus grand encore à laisser ouverte la source obscure d’où ils sont sortis. Or nous ne voyons pas comment on pourrait la fermer en dehors de la révision. Ce n’est pas que nous nous fassions illusion sur les dangers de toutes sortes qu’elle présente. Ils restent très graves, et il faudrait au gouvernement, pour les conjurer, plus d’habileté qu’il n’en a peut-être, et qu’il n’en a, dans tous les cas, montré jusqu’ici.

On s’efforce de persuader à l’armée qu’il y a dans la révision un acte de défiance contre elle : s’il en était ainsi, ce n’est pas nous qui la proposerions. La révision ne veut pourtant pas dire que l’on croit désormais à l’innocence de Dreyfus et que le conseil de guerre qui l’a condamné a mal jugé. La question reste entière. Il est possible que Dreyfus soit coupable, et cela même est le plus probable, mais ce n’est plus aussi certain. L’armée elle-même, l’armée surtout doit désirer que la lumière se fasse. Elle est au-dessus de toutes les attaques qui ont été dirigées contre elle, et qui ont produit dans le pays une si vive émotion. La faute d’un homme, ou même de plusieurs, n’entraîne pour elle aucune solidarité. Ce sont là des vérités qui n’ont pas besoin d’être démontrées, et ce n’est pas pour qu’on les démontre que nous demandons la révision du procès ; c’est uniquement pour dissiper un nuage devenu trop épais et trop lourd. Et à qui s’adressera-t-on pour réviser le jugement, si décidément on le révise ? A un nouveau conseil de guerre, c’est-à-dire encore à l’armée. La confiance en elle est intacte. Et quelle que soit la sentence du nouveau conseil de guerre, si elle est rendue, comme nous n’en doutons pas, dans les formes régulières et avec une publicité suffisante, tout le monde devra s’incliner devant son autorité. Si on voit un autre moyen de faire cesser l’agitation qui règne dans les esprits, nous serions heureux de le connaître. Quant à nous, nous n’en voyons pas.

Pendant que notre gouvernement n’a d’attention que pour cette affaire toujours renaissante, pour ce drame aux cent actes divers, il se passe dans le monde des événemens qui seraient beaucoup plus dignes de l’attirer et de la retenir. La place, malheureusement, nous manque pour en parler comme il conviendrait ; mais nous aurons l’occasion d’y revenir, et il est même à croire qu’elle se présentera souvent.

Le premier de ces événemens est la prise d’Omdurman, ou de Kartoum, par les Anglais. Tout a été dit sur la longue patience et sur le remarquable esprit d’organisation avec lesquels sir Herbert Kitchener a combiné la marche en avant de l’armée anglo-égyptienne. On peut répéter de lui, sans aller jusqu’à le comparer à l’illustre personnage à qui a été appliqué cet éloge, qu’il n’a rien laissé à la fortune de ce qu’il pouvait lui ôter par conseil et par prévoyance. Il est impossible de mieux préparer qu’il ne l’a fait une expédition militaire, lorsqu’on a d’ailleurs pour cela tout le loisir et toutes les ressources nécessaires. Le sirdar Kitchener a très habilement profité de tous ces avantages. Il y a, à la vérité, seize ou dix-sept ans que les Anglais sont en Égypte ; mais il leur a suffi, aujourd’hui, d’un seul coup pour détruire la puissance du mahdisme et pour venger la mort de Gordon. Ceci dit, on nous permettra de ne pas partager dans son exagération l’enthousiasme de l’empereur d’Allemagne, qui n’a pas hésité à comparer le sirdar Kitchener au général Bonaparte, et à lui donner la préférence. Ce jugement aurait étonné M. de Moltke s’il vivait encore, et l’aurait même scandalisé. Le sirdar Kitchener a fait de la très bonne besogne, sage, méthodique, prudente, et il en a été récompensé par un succès mérité ; mais rien de plus, et, sans doute, il ne prétend pas à autre chose. L’empereur Guillaume a l’imagination prompte et volontiers débordante : toutefois il ne s’y livre d’ordinaire qu’à bon escient, et il faut presque toujours chercher sous sa rhétorique une intention politique. Cette intention n’était évidemment pas la même lorsqu’il a envoyé son fameux télégramme à M. Krüger, président de la République du Transvaal, après la ruine de l’expédition Jameson, et lorsqu’il a célébré la victoire d’Omdurman. Dans le premier cas, il a voulu être aussi désagréable, et dans le second aussi agréable aux Anglais que possible : aujourd’hui comme autrefois il avait sans doute de bonnes raisons pour cela. On parle depuis quelques jours d’une entente qui se serait produite entre Londres et Berlin sur certains points : on ne dit pas lesquels, on laisse seulement entendre que l’Egypte y aurait sa place. M. Chamberlain, qui voyage en Amérique avec l’espoir d’y préparer encore d’autres rapprochemens, était à peine arrivé à New-York lorsqu’il a été la proie des reporters, proie complaisante, au surplus, et de facile composition. Il a déclaré qu’on aurait tort de croire qu’il y ait entre l’Angleterre et l’Allemagne une alliance offensive et défensive : nous n’avions pas besoin de cette assurance pour n’y pas croire en effet. Mais, en ce qui concerne quelques questions spéciales à l’Afrique orientale, où l’Allemagne et l’Angleterre ont également des intérêts, il n’y aurait rien de surprenant à ce qu’un règlement fût intervenu entre elles. L’Angleterre prépare de très longue main, non seulement ses entreprises militaires, mais aussi ses entreprises politiques. Si elle a été assez heureuse pour obtenir l’adhésion de l’Allemagne aux progrès qu’elle vient de réaliser, et à ceux qu’elle médite encore, on ne peut que l’en féliciter : en revanche, on a peine à discerner quels avantages correspondans elle a pu assurer à l’Allemagne. Il y a là des secrets qu’il est pour le moment difficile de pénétrer. Est-il vrai aussi, comme on commence à le dire, que l’Angleterre aurait été plus loin, et qu’elle aurait obtenu du Portugal, moyennant finances, la renonciation à ses droits sur la baie de Delagoa ? Dans ce cas, elle marche à pas de géant dans la réalisation des plans que l’on attribuait autrefois à son imagination ambitieuse, et les obstacles les plus considérables disparaissent devant elle. Pourtant il en reste encore quelques-uns, et de tous les genres, et l’œuvre si hardiment entreprise, bien qu’elle soit conduite avec une admirable persévérance, est encore assez éloignée de son terme.

On a dit que l’empereur Guillaume, au cours du voyage qu’il s’apprête à faire en Orient et qui doit le conduire de Palestine en Égypte, avait refusé d’être, dans ce dernier pays, l’hôte des Anglais. C’était bien le moins qu’il ait eu cette convenance à l’égard du sultan qui doit, le premier, le recevoir à Constantinople. Mais on sait que l’Égypte n’est pas le but principal de l’Empereur. Nos lecteurs ont pu lire dans le dernier numéro de la Revue un article plein de renseignemens précis sur les origines et sur les développemens de sa politique religieuse dans les pays d’Orient et d’Extrême-Orient. Tout donne à croire que s’il n’a pas l’intention formelle de supplanter la France dans l’exercice de son protectorat catholique, il se propose du moins de porter à ce protectorat une atteinte très grave. Le péril pour nous était si évident que les hommes politiques et le gouvernement ne devaient pas être les seuls à s’en préoccuper ; le monde religieux a pris sa part à cette inquiétude, et les prélats qui le représentent avec le plus d’autorité ont fait entendre leur voix à Rome. A la date du 20 juillet dernier, le cardinal Langénieux, archevêque de Reims, a annoncé au Saint-Père l’intention de fonder un Comité national pour la conservation et la défense du protectorat français. Son œuvre sera singulièrement facilitée par l’approbation éclatante qu’elle a reçue au Vatican. La lettre de Léon XIII, en date du 20 août, — un mois jour pour jour après celle de Mgr Langénieux, — confirme notre protectorat dans des termes qu’aucun pape n’avait encore employés. « La France, dit cette lettre, a en Orient une mission à part que la Providence lui a confiée, noble mission qui a été consacrée non seulement par une pratique séculaire, mais aussi par des traités internationaux, ainsi que l’a reconnu de nos jours Notre Congrégation de la Propagande par sa déclaration du 22 mai 1888. Le Saint-Siège, en effet, ne veut rien toucher au glorieux patrimoine que la France a reçu de ses ancêtres, et qu’elle entend sans nul doute mériter de conserver, en se montrant toujours à la hauteur de sa tâche. » Que ce soit là l’intention de la France, nul ne peut en douter. Tous les gouvernemens qui se sont succédé chez elle en ont à l’envi donné la preuve, et depuis l’établissement de la République, les ministères radicaux se sont, sur ce point, montrés aussi résolus que les ministères modérés : on en a la confirmation aujourd’hui même. C’est qu’il y a là, comme l’a dit le Saint-Père, un héritage national, et que le gouvernement qui le laisserait perdre par sa faute commettrait un véritable crime envers le pays. Dans la crise que nous traversons, l’appui que nous donne Léon XIII nous est précieux. Sa voix a trop d’autorité pour n’être pas obéie, et si elle l’est, nous pourrons assister impassibles au magnifique spectacle que va donner l’empereur Guillaume. Il laissera sans doute un éblouissement après lui ; mais le protectorat de la France n’en sera pas ébranlé.

La place nous manque pour parler de la Crète. Nous ne dirons qu’un mot : le sang a coulé à Candie. La ville a été bombardée, et on ne sait pas encore combien de cadavres couvrent les décombres. Les musulmans de Candie, exaspérés par leur misère, se sont révoltés. La répression a été dure et elle devait l’être ; mais la responsabilité initiale de ces tristes événemens revient à l’Europe qui, on ne saurait le dire trop haut, a manqué à tous les devoirs qu’elle avait assumés. Sa banqueroute en Crète est un des faits les plus graves, et assurément les moins honorables du temps présent. Les puissances qui sont encore représentées militairement en Crète y ont envoyé des troupes de renfort. Soit ; mais ce n’est pas encore là une solution, et les mêmes incidens se renouvelleront jusqu’à ce qu’on en ait trouvé une. La difficulté de la trouver avait fait renoncer à la chercher, et on avait cru qu’il suffirait de décréter le maintien du statu quo pour le rendre supportable, expédient qui devait avoir le résultat qu’il a eu. Les amiraux aujourd’hui sont les premiers à proclamer leur impuissance et à demander une solution véritable. Que les puissances s’entendent pour en appliquer une, ou qu’elles renoncent à faire le bonheur de la Crète : elles ont déjà réussi à y faire regretter le sultan.

FRANCIS CHARMES.
Le Directeur-Gérant,
F. BRUNETIÈRE.

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