Chronique de la quinzaine - 31 juillet 1833

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Chronique no 32
31 juillet 1833


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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Nos ministres sont enfin sortis des graves préoccupations qui les absorbaient depuis bientôt un mois. L’anniversaire de juillet s’est passé à leur satisfaction. Ils peuvent maintenant reprendre leur train de vie habituel, et se frotter les mains avec la joie d’un homme qui vient d’être délivré d’un pénible cauchemar. On ne nous accusera pas, dieu merci, de nier les faits ou de chercher à les dénaturer, et nous reconnaîtrons sans peine que pendant les trois jours tout a souri au pouvoir. La foule se pressait sur les places publiques comme elle faisait aux fêtes de l’empire et de la restauration, comme elle fera toutes les fois qu’on dépensera 1,500,000 fr. pour l’amuser et lui jeter de la poudre aux yeux.

Au lieu de suivre M. le ministre des travaux publics dans l’ordonnance de ses fêtes, nous préférons lui adresser une réclamation sérieuse au sujet de l’un des édifices dont on a posé la première pierre pendant la troisième journée. Il s’agit du Jardin des Plantes et de la science que les architectes de M. Thiers sont sur le point de mutiler l’un et l’autre par le choix de l’emplacement qu’ils ont fait pour une nouvelle galerie à élever.

Depuis long-temps de nouvelles salles sont nécessaires au Muséum d’histoire naturelle. Les magasins regorgent d’objets de toute espèce rapportés par les dernières expéditions autour du monde, et leur nombre s’accroît incessamment par les envois que font d’autres voyageurs. Dans les galeries actuelles elles-mêmes, les pièces classées sont tellement rapprochées les unes des autres, que l’étude en est très difficile, sans parler de l’effet désagréable qui en résulte pour l’œil. Rien n’est donc plus urgent que de remédier à un pareil état de choses qui défigure le plus bel établissement scientifique de l’Europe, et la construction d’une galerie supplémentaire est le seul moyen de le faire disparaître.

Deux plans ont été proposés à cet effet. L’un, qui n’a pas été adopté, avait été mis en avant par M. Cuvier, dont l’avis en pareille matière est de quelque poids. M. Cuvier proposait d’élever un bâtiment parallèle à celui qui existe déjà, et de les réunir tous deux par des ailes latérales, de manière à ce que le tout formât un parallélogramme régulier auquel on eût donné la largeur nécessaire en empiétant plus ou moins sur le jardin. Il eut suffi pour cela de reporter la grille intérieure un peu plus loin, et de sacrifier seulement quelques-uns des tilleuls qui se trouvent en tête des trois allées de ce côté. Les avantages de ce projet sont nombreux et frappans à la première inspection. D’abord les collections des trois règnes eussent été réunies dans la même enceinte ; l’œil eut pu suivre leurs diverses séries dans une suite de salles qui, pendant de longues années, eussent suffi à tous les envois futurs, en les supposant même aussi nombreux que dans ces derniers temps. Ensuite le jardin, auquel on reproche d’être trop long pour sa largeur, perdait une partie de ce défaut ; et enfin on eût moins aperçu le toit de la Pitié, qui, de loin, paraît faire partie de l’édifice actuel et l’écrase de sa masse noirâtre.

On a préféré à ce plan un autre projet qui nous paraît pécher sur tous les points que nous venons d’énumérer. Le bâtiment dont on vient de poser la première pierre, sera situé parallèlement à la rue de Buffon, et complètement isolé de l’ancien. Pour lui faire place, il faut abattre ces massifs de jeunes arbres qui existent sur l’emplacement, et qui sont du meilleur effet. Quelques pieds de distance le sépareront à peine de l’allée de tilleuls qui règne de ce côté du jardin, de sorte que, l’édifice élevé, cette allée interceptera le jour, occasionnera une humidité nuisible aux murs, et force sera de l’abattre sur une largeur considérable, pour éviter ces deux inconvéniens. Nous regretterions particulièrement ces beaux ombrages ; messieurs les architectes, toujours empressés à montrer leur savoir-faire, ont, en général, fort peu de respect pour les productions de la nature, qui cependant valent bien les leurs à tout prendre.

Cette galerie, consacrée tout entière à la minéralogie, sera fort belle sans doute ; mais les minéraux n’occupent en ce moment que deux des salles de l’ancienne, et cet espace sera loin de suffire aux besoins de la zoologie, pour laquelle quatre salles de plus ne seraient pas de trop. Si, pour obvier à cela, on transporte une partie des animaux dans le nouvel édifice, il s’ensuivra que la série zoologique sera coupée en deux portions, et que celui qui voudra se livrer à l’étude, sera souvent obligé d’aller chercher au loin l’animal dont il aura besoin, et tous ceux qui cultivent les sciences savent combien ces interruptions sont fatigantes et font perdre de temps. Enfin le jardin n’y gagnera qu’un édifice isolé, sans liaison apparente avec ceux du voisinage, et qui ressemblera à tout ce qu’on voudra, à une caserne ou à un hôpital, par exemple. On a allégué contre le premier projet quelque chose d’analogue à ce qui a été dit au sujet du Luxembourg et des Tuileries, un défaut de parallélisme entre les bâtimens du fond, et la grille qui donne sur la Seine : or, sur les milliers de promeneurs qui fréquentent habituellement le Jardin des Plantes, il n’en est probablement pas dix qui aient jamais fait cette remarque. Ce n’est qu’en jetant les yeux sur un plan, qu’on s’aperçoit de la légère différence qui existe, en effet, entre les deux lignes dont nous parlons, et elle est si peu sensible, même sur le papier, qu’elle mérite à peine qu’on en parle.

Pendant que nous consommons notre poudre en réjouissances, des coups de canon de bon aloi continuent à se tirer en Portugal, sans amener encore les résultats rapides qu’on pouvait en attendre d’après les nouvelles de la dernière quinzaine. Tout porte à croire cependant que l’amiral Napier est en ce moment devant Lisbonne, et que nous apprendrons bientôt que don Miguel n’a d’autre parti à prendre que d’aller de nouveau consulter M. de Metternich.

En Angleterre, le ministre Grey a décidément remporté la victoire sur le parti qui s’appelle conservateur ; victoire long-temps incertaine, et qui n’est due qu’à la prudence d’une partie de ses adversaires qui ont reculé devant une résistance trop prolongée envers une mesure sérieusement réclamée par le peuple. Les grasses sinécures de l’Irlande ont aussi reçu un échec d’un sinistre augure pour celles de l’Angleterre. John Bull va lentement à l’attaque, mais il tient bon une fois en route, et finira par arriver.

Si nous revenons à Paris pour jeter un coup-d’œil sur nos théâtres, nous les trouverons toujours sous l’influence inévitable de la saison actuelle, à part l’opéra qui nous a donné Ali-Baba, attendu depuis si long-temps avec impatience. Le poème a paru à tous sans exception aussi ridicule que ce que M. Scribe a jamais fait de plus ridicule, et il réussit assez bien dans ce genre quand il juge à propos de l’exploiter. M. Chérubini, que n’avait pas effrayé la tâche de jeter le voile de sa musique sur ces niaiseries d’opéra comique, a retrouvé ses plus heureuses inspirations d’autrefois dans cette rude entreprise. Néanmoins, malgré tout le succès qu’elle a obtenu, l’œuvre musicale de Chérubini n’a pas encore été bien comprise : de nombreuses auditions sont nécessaires pour bien saisir l’ensemble de cette grande composition. Les morceaux les plus saillans : la romance de Nourrit dans l’introduction, l’air de Mme Cinti au premier acte, le grand duo du second, le morceau à mi-voix des voleurs dans la caverne, et le duo du quatrième acte, ont seuls été appréciés à leur juste valeur ; et l’honneur en est surtout à Nourrit, qui a chanté la partie de Nadir de la manière la plus brillante, à Levasseur et à Mme Cinti. Ali-Baba, dont les représentations vont être maintenant suspendues par l’absence de Nourrit, paraît destiné à défrayer l’Opéra pour sa saison d’hiver.

Au Théâtre Français, nous avons eu l’Alibi, jolie comédie de M. Longpré, dont le sujet n’a d’autre défaut que d’avoir été pris dans le fameux sac où M. Ancelot renferme son dix-huitième siècle et ses élucubrations sur icelui. C’est la troisième fois que la muse gaillarde de M. Longpré va chercher ses inspirations dans le sac en question. Jusqu’à présent cela lui a réussi ; mais qu’elle prenne garde d’y retourner une quatrième.

Nous n’avons, que nous sachions, aucune autre pièce de quelque importance, et ayant obtenu les honneurs de la représentation, à signaler à nos lecteurs ; mais nous nous reprocherions éternellement de ne pas leur dire un mot d’un nouvel astre dramatique qui s’est levé sur l’horizon littéraire pendant les trois jours, et qui s’est ainsi trouvé dès sa naissance en conjonction avec le soleil de juillet, coïncidence du plus heureux augure pour la scène, si l’astrologie judiciaire n’a pas toujours tort.

M. François Cristal, avocat à la Cour royale de Paris, est l’astre en question. M. Cristal, voyant avec peine que Boileau, dans le troisième chant de l’Art poétique, avait médit du Tasse et fulminé à ce propos une sorte d’anathème littéraire contre le christianisme considéré sous le point de vue poétique, résolut un jour de prouver à Boileau qu’il avait tort, et pour cela conçut l’idée de faire une tragédie chrétienne. C’est à cette grande idée que nous devons La Passion de Jésus-Christ, tragédie en cinq actes et en vers. Nous allons essayer de faire connaître quelques-unes des innombrables beautés de cette pièce, qui nous reporte au beau temps de MM. Arnault et Jouy.

Au premier acte, l’apôtre Mathieu ouvre la scène avec Paul qui n’a pas encore fait le voyage de Damas. Tous deux cherchent à se convertir réciproquement. Mathieu veut que Paul se range du parti de Jésus-Christ ; Paul s’indigne de la proposition, et veut que Mathieu abandonne son maître :


Y penses-tu, Mathieu ! moi, citoyen romain,
Je me prostituerais à ton Galiléen !
...............

</noinclude> Je ne puis concevoir cet excès de folie,

Reviens de ton erreur, c’est moi qui t’en supplie.</poem>|3}}
et ainsi de suite sans monter ni descendre d’un octave. Mais nulle part le talent poétique de M. François Cristal ne s’est élevé plus haut que dans le quatrième acte. Pilate cause avec sa femme Valérie, qui veut à toute force qu’il ne condamne pas Jésus-Christ : cette Valérie est une maîtresse femme, une nouvelle Émilie qui ne rêve que liberté et qui en parle, comme le vieil Horace. À son mari qui lui dit avec douceur :


Et pourquoi, Valérie,
À cet homme veux-tu que je sauve la vie ?


elle répond par ces vers foudroyans :


Tu viens me demander, dans ton indifférence,
De cet homme pourquoi j’entreprends la défense ?
Romain dégénéré, ne te souvient-il plus
Que ta femme est du sang de Caïus Gracchus ?
Quoi ! parce qu’un tyran commande aux bords du Tibre,
Crois-tu donc qu’il n’est plus de Romaine au cœur libre ?


À quoi Pilate, qui dans toute cette scène se comporte en véritable épicier, réplique fort sensément :


Pourquoi penser toujours au siècle des Gracchus ?
Ils sont morts ! des Romains les beaux jours ne sont plus.
Songe à nos intérêts ; ne va pas follement
D’un brillant avenir saper le fondement.


Mais Valérie ne se le tient pas pour dit et accable son époux de vers si ronflans, qu’elle en obtient enfin ce qu’elle désire. Pilate reste seul, et comme la scène conjugale l’a mis en verve de discourir, l’honnête proconsul s’avise de faire de la philosophie épicurienne : il regrette de Tibur le séjour enchanteur ; il trouve le fardeau du pouvoir lourd à porter, et parle de donner sa démission et de rentrer dans la vie privée ; mais une réflexion subite l’arrête, et lui arrache cette exclamation pathétique :


Le repos, à mon âge, est bien fastidieux !
Ah ! si l’on me nommait consul de Bithynie,
De la Grèce, du Pont, ou bien de l’Arménie !
Comme j’accepterais un pareil changement !


Au cinquième acte, on voit Jésus-Christ marcher au supplice, couronné d’épines et portant sa croix. Pilate, Caïphe et quelques autres sont restés sur la scène, attendant le récit obligé de la fin.


PILATE.

Je vois Albin, qui vers ces lieux s’avance.

CAÏPHE à Albin.

Eh bien !

ALBIN.

Eh bien ! Cet homme était vraiment
Le fils de quelque Dieu. Quel étonnant courage !
De force et de douceur quel sublime assemblage !

CAÏPHE (vivement.)

Dites-nous s’il est mort ?

PILATE.

Dites-nous s’il est mort ? De ce Galiléen,
Albin, sans plus tarder, racontez-nous la fin.


Albin s’acquitte de cette tâche tout aussi bien que pourrait le faire M. Viennet, et quand il est au bout, Pilate s’écrie :


Ma sentence
A donc fait sur la croix expirer l’innocence !
Caïphe, es-tu content ?


(Tonnerre, obscurité, la toile se lève, on voit dans le fond du théâtre le Calvaire et trois croix : une voix partant du Calvaire :)


Eloi ! Eloi !

TOUS.

Quel lamentable cri !

LA MÊME VOIX.

Lamma sabacthani !

VALÉRIE entre effrayée.

Tu l’as donc condamné ?

PILATE.

Tu l’as donc condamné ? Reviens de ton effroi.

VALÉRIE.

Faudra-t-il désormais que je compte sur toi !


La toile tombe. — Vraiment M. François Cristal est appelé à régénérer la scène française. Nous conseillons sérieusement à M. Jouslin de Lasalle de monter au plus vite la Passion de Jésus-Christ. Jouée selon les saines traditions du Théâtre Français, elle ferait certainement courir tout Paris.

VALLÉE AUX LOUPS, SOUVENIRS ET FANTAISIES, PAR M. DE LATOUCHE.[1]

Sous ce titre, le poète, habitant d’Aulnay, vient de publier un recueil varié de prose et de vers, des morceaux d’art, de critique et d’étude. Les poésies de M. de Latouche n’étaient connues jusqu’ici que par de rares fragmens imprimés çà et là, et par la confidence qu’il en avait faite à quelques amis en se promenant sur ses coteaux ; aujourd’hui nous les possédons tout entières. Ce sont d’abord de petits poèmes dramatiques comme le Juif Errant, une Nuit de 1793, des traditions populaires qui marquent un essai de retour à la poésie du moyen âge, quelques imitations de Goëthe et de Tieck, comme le Roi des Aulnes et Phantasus. Ces morceaux, où se déploie beaucoup d’habileté, de grâce et de couleur, mais que déparent quelquefois l’effort et l’obscurité elliptique de la pensée ou de l’expression, ont dû perdre à n’avoir pas été publiés au temps même où ils furent composés, c’est-à-dire de 1819 à 1824, si je ne me trompe. Ils appartiennent historiquement à ce mouvement poétique d’alors qui cherchait un rajeunissement pour notre poésie dans la naïveté et les croyances des vieux âges, un peu à l’exemple de ce qui s’était passé en Angleterre et en Allemagne, à la fin du dix-huitième siècle. M. de Châteaubriand avait le premier donné l’impulsion chez nous dans sa prose éloquente ; M. de Vigny dans ses poèmes, M. Hugo dans ses ballades, et, vers le même temps, M. de Latouche par ses traditions populaires, concouraient à réaliser en vers des applications de la même pensée. Éditeur et introducteur d’André Chénier, M. de Latouche se distingue entre les poètes de ce temps, par des caractères qu’il serait curieux de suivre avec quelque détail. Il n’a rien de l’école parallèle qui a pour père Lamartine ; peu vague, peu spiritualiste, peu mystique et nullement chrétien ; mais plus positif à la manière des anciens, plus didactique, plus curieux du paysage et aussi plus historique et politique que la plupart de nos poètes. Un honneur et une vertu qu’il faut reconnaître hautement à M. de Latouche, c’est cette conviction politique profonde et inébranlable, un peu amère peut-être, mais intègre et vraie, qui prouve le disciple familier de Marie-Joseph Chénier, non moins que d’André. Dans ses épitres au noble écrivain, autrefois habitant d’Aulnay, il se montre de cette mâle école historique de Marie-Joseph et de Lebrun, comme dans l’épitre à un poète (M. Guttinguer), il s’est montré de l’ingénieuse et sobre école de Despréaux. Mais ce qu’on lira surtout dans ce volume, ce qui le fera garder à demeure sur les tablettes favorites avec les élégiaques préférés, ce sont les treize élégies qu’il contient et auxquelles il faut joindre la jolie pièce, déjà connue, du Printemps. Ces treize élégies, qui par leur manière concise et étudiée, rappellent assez Properce, composent un ensemble où se peignent les délices, les jalousies, l’ivresse, les brouilleries d’une passion. Nous indiquerons surtout la septième qui nous semble une perle admirable, et toute la fin de la seconde et de la troisième. Voici la dernière qui respire une mélancolie antique ; il me semble qu’Horace, Callimaque ou Tibulle n’auraient pas soupiré autrement :


Oh ! dites-moi, qu’est-elle devenue ?
Dort-elle encor dans la paix des tombeaux,
Ou compagne des vents et de l’errante nue,
Voit-elle un autre ciel et des astres plus beaux ?
Quand le printemps en fleurs a couronné ces arbres,
Les chants du rossignol hâtent-ils son réveil ?
Son sein gémirait-il pressé du poids des marbres,
L’écho du vieux torrent trouble-t-il son sommeil ?
Et quand novembre, au cyprès solitaire
Suspend la neige et nous glace d’effroi ;
Lorsque la pluie a pénétré la terre,
Sous son linceul se dit-elle : « J’ai froid ! »
Non ; sa vie est encore errante en mille atômes.
Objet de mes chastes sermens,
Tu n’as point revêtu la robe des fantômes,
Et tes restes encor me sont doux et charmans.

Vagues parfums, vous êtes son haleine ;
Balancemens des flots, ses doux gémissemens ;
Dans la vapeur qui borde la fontaine,
J’ai vu blanchir ses légers vêtemens.
Oh ! dites-moi ! quand sur l’herbe fleurie
Glissent, le soir, les brises du printemps,
N’est-ce pas un accent de sa voix si chérie ?
N’est-ce pas dans les bois ses soupirs que j’entends ?


Il n’y a pas une tache dans ce morceau touchant et simple ; il y en a en général bien moins dans les élégies de M. de Latouche que dans ses autres productions. La surface de sa pensée ne se cristallise pas toujours avec transparence. Mais ce petit nombre d’élégies échappe presque entièrement au reproche, et le nom de Valérie y brille gravé sur un vif diamant. Le morceau sur André Chénier est un complément indispensable et définitif des œuvres de ce grand et cher poète. Dans l’Étude de PaysageM. de Latouche nous détaille avec charme sa vallée et les souvenirs de quelques habitans, il dit en parlant de Georges Farcy : « Il cachait son génie et son courage sous un air bien bon enfant… À sa taille mince, à des favoris d’un blond vif, on l’eût pris pour un Écossais. » Ce dernier trait est pris sur la nature ; il peint tout Farcy au physique ; il résume les plus longues et minutieuses descriptions qu’on pourrait faire de lui : Écossais de physionomie et aussi de philosophie, oh ! c’est juste cela. Le Cœur du Poète, petit roman final, consacré à la mémoire de Marie-Joseph Chénier, sera lu avec un profond intérêt ; le commencement m’a touché plus que les dernières parties ; mais j’attribue cette différence d’impression à certains détails circonstanciés qui m’étaient venus depuis long-temps sur la personne réelle qui joua près de Marie-Joseph ce rôle de Stéphanie un peu flatté par M. de Latouche. Plusieurs passages où M. de Latouche s’exprime indirectement pour son propre compte par la bouche de Marie-Joseph calomnié, seront sentis, comme ils doivent l’être, par tous les caractères indépendans et sincères qui ont pu lui être hostiles sans le bien connaître : nous voudrions que M. de Latouche en fut persuadé autant que nous le sommes nous-même.


— Nous recevons de Berlin sous le titre de Feuilles volantes une petite brochure de jolis vers français composés par l’un de nos jeunes compatriotes, M. Marmier : ce sont de purs sonnets, de gracieuses et simples élégies, des souvenirs aimables d’une muse toute française qui s’adresse tantôt à Tieck, tantôt à M. Adalbert de Chamisso, ou quelquefois aux beautés des rives de la Sprée.


  1. vol. in-8o, chez Levavasseur, rue de Choiseul.