Colloque Sentimental entre Émile Zola et Fagus/LXXXIII

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Société libre d’édition des gens de lettres (p. 80-81).


LXXXIII

AU SALON


C’est le règne des poires, poires, poires, poires !
C’est le règne des poir’s, des mufles, des navets !
C’est Peuple-Roi qui se déboutonne après boire
À huer les Zola, les Rodin, les Manet !
On voudrait s’endurcir à hurler des injures,
On voudrait inventer des gros mots, les ruer
Dans les gueules qui leur tiennent lieu de figures,
Et leur tomber dessus, sang-dieu ! et les rouer
De coups de canne, oh oui ! des cannes bien cinglantes
Sur ces dos ! chanter des Te Deum raboteux
À ces reins, à leur rendre les fesses sanglantes !
Et rompre des bâtons sur ces nez vertueux !
Leur défoncer à coups de botte le derrière !
Leur aplatir le masque à furieux coups de pied !
Les flamber vifs dans leur ratatouille ordurière,
Et les plats d’épinards, les croûtons, les pompiers !
Ah ! les cochons, cochons ! les Philistins ! les pieds !
Oh ! que je te comprends, impitié de l’antique !
On réclame une Sainte Vehme, un Tribunal
Révolutionnaire, un Saint-Office artistique,
Tant vous vient l’âme d’un Carrier, d’un Coffinhal,
D’un Antonelle, d’un Torquemada ! doux rêve !
Faire à Jacques Bonhomme, à Prudhomme Joseph,
Manger, manger, manger, jusqu’à ce qu’ils en crèvent,
Et manger à Prolo, soutien de la R. F.

Des hectares de Duez, de Bonnat, de Détaille,
Des quintaux de Gérome et de Cormon ! — sans pain !
Et faire dévider à travers leurs entrailles
Des myriamètres de Xavier de Montépin !!

17 mai 98.