Comment j’ai retrouvé Livingstone (Stanley, 1884)/04

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CHAPITRE IV

Bagamoyo.


L’île de Zanzibar avec ses plantations de cocotiers et de manguiers, sa ville aux maisons blanches, ses bois de girofliers et de cannelliers, avec son port et ses navires, ses deux îlots placés en sentinelles, s’effaça peu à peu ; tandis que grandissait au couchant le rivage africain, banc de verdure pareil à celui qui, reculant toujours, n’était plus qu’une ligne sinueuse, prenant à l’horizon le noble aspect des montagnes.

Bien que de Zanzibar à Bagamoyo la distance ne fût guère que de vingt-cinq milles, nos daous paresseuses ne mirent pas moins de dix heures pour faire la traversée[1]. Elles jetèrent l’ancre au sommet d’un récif de corail situé à cent mètres de la côte, et dont la roche se voyait distinctement à quelques pieds au-dessous de la surface de l’eau.

Mes soldats, amoureux de vacarme et prompts à s’en exalter, saluèrent d’une vive mousquetade le mélange d’Arabes, de Banians et de Vousahouahili[2] qui se pressaient sur la plage, et qui nous accueillirent par des Yambo bana ? (Comment vous portez-vous, maître ?) accompagnés de regards ébahis.

Dans mon pays natal, la rencontre d’une foule qui s’est rassemblée à votre intention est chose assez fatigante, l’amour-propre de nos concitoyens réclamant un échange de poignées de main vigoureuses, auquel chacun met de l’insistance. Mais ici, un Yambo bana, en réponse à tous ceux qu’on vous adresse, paraît suffire. Tout le monde s’en contenta, excepté l’homme important du pays, qui, en sa qualité de personnage, voulait une attention particulière, et qui s’avança pour recevoir un Yambo individuel et pour me serrer la main.

Ce notable, coiffé d’un turban à longue traîne, était le djémadar Esaü,
Vue de Bagamoyo.
commandant les Béloutchis que Sa Hautesse entretient à Bagamoyo, et qui sont à la fois soldats, agents de police et gendarmes. Le djémadar avait accompagné Speke et Grant assez loin dans l’intérieur de l’Afrique, ce dont ces messieurs l’avaient amplement récompensé. Bien disposé, dès lors, en faveur des Vouasoungou (hommes de race blanche), il aida lui-même au débarquement de l’expédition ; et, quelque peu engageant qu’il paraisse, quelque désagréables que soient sa malpropreté et sa figure poilue, je le recommande à tous les voyageurs qui auraient à venir à Bagamoyo : il a sur la populace une influence précieuse.

Parmi la foule qui nous attendait, se tenait au premier rang un membre de la Société du Saint-Esprit, attaché à la mission que les jésuites ont fondée sur la côte, et dont nous avons déjà parié. Le révérend Père nous invita de la façon la plus courtoise à loger dans leur maison, à y prendre nos repas, et même, si cela pouvait nous être agréable, à établir notre camp sur leur terrain. Mais je suis de ceux qui, toutes les fois qu’elle est possible, préfèrent l’indépendance à tout autre avantage. Puis, la délicatesse avec laquelle mon hôte de Zanzibar avait supporté l’énorme embarras que je lui avais causé me faisait sentir plus que jamais le poids des obligations que vous contractez en pareil cas. Si pressante et si cordiale que fût l’invitation des bons Pères, je ne l’acceptai donc que pour moi seul, et pour la première nuit.

Je louai à l’extrémité de la ville, du côté de l’ouest, une maison donnant sur un grand espace, auquel aboutissait la route que nous devions prendre. Eussé-je été à Bagamoyo depuis un mois que je n’aurais pas pu mieux choisir. Dressées en face du bâtiment, nos tentes formèrent avec lui l’enceinte d’une petite cour, où pouvaient se traiter les affaires à l’abri des importuns.

Un enclos, attenant à la maison, reçut nos vingt-sept bêtes. Les caisses, les ballots furent emmagasinés ; une ligne de soldats fut placée à l’entour ; et laissant notre camp sous la garde de Farquhar, de Shaw et de Bombay, je me rendis chez mes hôtes, qui m’attendaient pour souper.

La Mission est au nord de la ville, à une distance d’au moins huit cents mètres. C’est tout un village : quinze ou seize corps de logis. Dix révérends frères et autant de sœurs forment le personnel de l’établissement, et s’y appliquent à faire jaillir l’intelligence du crâne des indigènes. La vérité m’oblige à reconnaître que leurs efforts sont couronnés de succès. Ils ont là, comme je l’ai dit précédemment, plus de deux cents élèves, filles et garçons ; et tous, du premier au dernier, portent l’empreinte de l’utile enseignement qu’ils reçoivent.

Le repas qui nous fut servi eut le même nombre de plats que le diner d’un hôtel parisien de première classe, et fut accommodé avec presque autant d’art, en dépit de l’infériorité des ressources. Il me fut prouvé, en outre, que les bons Pères n’étaient pas seulement de fins dégustateurs de potages et d’entrées, mais qu’ils ne se laissaient point abrutir par l’absence du liquide vivifiant qu’ont chanté Horace, Hafiz et Byron. Le Champagne — songez-y : du Cliquot dans un trou du Zanguetur ; — le Bourgogne, le Bordeaux Château-Laffite, Château-la-Rose, étaient de premier ordre ; et les yeux baissés des pieux gourmets ne brillaient pas faiblement sous cette chaleureuse influence. Ah ! ces bons Pères entendent la vie, et en apprécient la durée. Leur table, où ils sont en fête, chasse la moukoungourou, la lièvre des jungles, et diminue le saisissement qu’on éprouve, lorsqu’au sortir de la salle lumineuse, on plonge dans les ténèbres d’une nuit dont le cri des sauterelles, la voix des grenouilles, le hurlement des hyènes font
Camp de Bagamayo.
seuls vibrer les profondeurs. Sans le secours du rouge-bord, il faudrait un pouvoir surhumain pour garder intactes cette politesse, cette suavité de manières, au milieu des horreurs africaines.

Après le repas, qui rétablit mes forces défaillantes et qui m’inspira une extrême gratitude, vingt élèves des plus avancés entrèrent avec des instruments de cuivre, formant ainsi un orchestre complet. J’avoue ma surprise. Voir ces jeunes têtes laineuses produire une pareille harmonie ; écouter, dans ce pays sauvage, les airs connus de France, entendre ces négrillons chanter la gloire et la vaillance françaises avec l’aplomb de gamins du faubourg Saint-Antoine, c’était bien fait pour étonner.

Je passai une nuit excellente ; et dès l’aurore je me rendis au camp, tout disposé à jouir de ma nouvelle existence.

Je comptai mes ânes, il en manquait deux ; je pris note de mes valeurs : un rouleau de fil de laiton avait disparu. Évidemment chacun avait dormi, oubliant les rôdeurs nocturnes. Le djémadar, l’homme au turban à queue, à la peau crasseuse, fut averti et eut la promesse d’une récompense. Avant le soir l’un des ânes fut découvert dans un champ de manioc, dont il broutait les feuilles ; mais l’autre ne fut jamais retrouvé, non plus que le fil de cuivre.

Dans la journée je reçus la visite d’Ali-Ben-Sélim, qui me prodigua les salaams. Son frère, l’ancien chef des caravanes de Burton et de Speke, devait être mon agent dans l’Ounyanyembé ; je pouvais donc croire à ses politesses, et j’acceptai sans hésitation l’offre qu’il me faisait de son concours. Hélas ! malheur aux natures trop confiantes ! Ce Ben-Sélim m’invita à venir chez lui, prendre le café. Je me rendis à sa demeure, un logis confortable. Le café était bon, bien que sans sucre, et la parole flatteuse.

« Que puis-je faire pour votre service ? je suis votre ami, j’ai hâte de vous le prouver.

— J’ai grand besoin, répondis-je, d’un homme dévoué qui me procure des porteurs et qui me les envoie promptement. Votre frère connaît les Vouasoungou, il sait ce que valent leurs promesses. Trouvez-moi cent quarante pagazis, et je vous payerai ce que vous voudrez.

— Me payer pour ce léger service ! s’écria le reptile d’une voix onctueuse. Je ne vous demande rien, mon ami ; et soyez tranquille, vous ne serez pas ici dans quinze jours. Demain matin j’irai visiter vos bagages et verrai le nombre d’hommes qui vous est nécessaire. »

Je le quittai en me félicitant de l’avoir connu, et me croyant déjà sur la route de l’Ounyanyembé.

Deux raisons puissantes me faisaient souhaiter un prompt départ : l’opinion que j’avais conçue de Livingstone, et l’époque où nous étions alors. S’il était vrai que l’illustre voyageur, ainsi qu’on me l’avait fait craindre, fût homme à fuir ma présence, il importait que j’atteignisse l’Oujiji avant que le bruit de mon arrivée pût y parvenir. Or, la masika, ou saison pluvieuse, était proche ; si elle me surprenait à Bagamoyo, je ne pourrais partir que lorsqu’elle serait finie ; et d’après tous ceux qui m’en parlaient, sa durée était de quarante jours. Six semaines de pluie sans interruption ; du moins on l’affirmait. Je savais trop bien ce que j’avais en perspective ; je gardais le souvenir de tous les genres d’ennuis que l’eau du ciel peut causer. Je connaissais la pluie de Virginie et tout ce qui l’accompagne ; avaries, moisissures, fièvres et rhumatismes ; la pluie d’Angleterre, bruine misérable qui vous donne le spleen ; les averses d’Abyssinie, pour lesquelles le firmament ouvre ses cataractes, nouveau déluge qui submerge tout le pays en quelques heures ; enfin la mousson des Indes, pluie violente et continue, qui vous claquemure pendant longtemps. À laquelle de ces pluies la masika devait-elle être comparée ? Burton, en décrivant l’Ouzaramo avait beaucoup parlé de fange. Une contrée dont le sol était qualifié de boue noire pendant la belle saison, comment l’appelait-on lorsqu’une pluie de quarante jours l’avait détrempée et qu’elle avait été piétinée par toute une caravane, pagazis et baudets ? Ces réflexions, nées des circonstances, me revenaient sans cesse et me créaient d’assez vives inquiétudes.

Fidèle à sa promesse, Ali vint me trouver le lendemain, et, d’un air d’importance examina ma cargaison. Après avoir regardé la pile d’étoffes, il me dit que tous ces ballots devaient être mis dans des sacs en natte appelés makandas[3] ; qu’il enverrait un homme en prendre mesure, et me recommanda surtout de ne pas parler du prix, il en faisait son affaire.

Pour la façon de mes ballots, je m’en étais remis à l’expérience d’un nommé Djetta, commissionnaire à Zanzibar. Celui-ci, prenant toutes les étoffes, calicot, indiennes, soie-et-coton, lainages et autres, les avait empaquetées pêle-mêle, sans s’inquiéter du poids. Un jour se présentent deux pagazis (c’est le nom des porteurs) ; ils viennent pour se louer et demandent à voir leur charge ; ils la soulèvent, font la moue et se retirent. La dite charge est pesée : trois frasilahs ; une de plus qu’il ne faudrait.

Ainsi de tous les ballots ; ils dépassaient le maximum d’une trentaine de livres en moyenne. Il fallut tout défaire et tout réempaqueter ; opération fastidieuse, qui se pratique de la manière suivante : quatre mètres de mérikani très-commun, valant à Zanzibar environ 50 centimes le mètre, sont étendus par terre, vous prenez une pièce de mérikani, cette fois de bonne qualité ; l’étoffe qui la compose a été pliée en deux chez le fabricant ; vous la pliez en trois, de façon à lui donner trente pouces de large. Cette pièce est posée sur l’enveloppe et constitue la première couche ; la seconde est formée de six pièces de kaniki, cotonnade bleue pareille à l’étoffe des blouses françaises. Vient ensuite une autre pièce de mérikani ; puis un sixain de kaniki ; puis une couche de mérikani, puis du kaniki, puis du mérikani ; total : quatre pièces de celui-ci, dix-huit de l’autre, en sept couches alternatives, chacune d’un poids égal, formant un ensemble pesant soixante-douze livres. L’enveloppe est relevée sur le tout et nouée aux deux extrémités par les coins. On prend de la corde faite avec des fibres de noix de coco ; et deux hommes, pourvus d’un maillet qui leur sert à battre et à serrer l’étoffe, se mettent à la ficeler, près à près, avec la recherche qu’apportent les marins dans le gréement d’un navire.

Une fois terminé, le ballot est un corps solide de trois pieds et demi de long sur un pied de diamètre dans tous les sens. J’avais à transporter quatre-vingt-deux de ces balles d’étoffe, dont quarante de calicot et de cotonnade bleue, et les autres de tissus de différentes couleurs et de matières diverses, placées entre des pièces de mérikani. Ce dernier devait servir plus tard à l’engagement de nouveaux porteurs, ceux que j’allais prendre sur la côte ne se louant que jusqu’à l’Ounyanyembé. Quant aux étoffes dites de couleur, elles étaient destinées à payer le tribut qu’on exige dans certaines provinces.

D’autres points défectueux de notre équipement nous furent encore révélés. Ainsi, j’avais dans une tente pour quinze cents dollars de cotonnade, réservée au payement des hommes que j’attendais. Survint une rafale, accompagnée d’une pluie furieuse ; c’était pendant la nuit. Dès le matin j’allai voir quel en était le résultat.

Hélas ! cette tente qui me servait de magasin, et qui était pareille à celles de l’armée, avait laissé filtrer l’eau comme un tamis ; pas un mètre de cotonnade qui ne fût trempé. Il fallut deux jours pour faire sécher l’étoffe et la replier. La fameuse tente fut mise au rebut, et remplacée par une autre, dont la toile de chanvre, n° 5, défiait la masika,

Nous avions achevé ces différentes besognes ; les quinze jours que m’avait demandés Ben-Sélim étaient écoulés, et pas l’ombre d’un porteur. J’envoyai Mabrouki, l’un des gens de Burton, présenter mes salaams à l’officieux personnage et lui rappeler que je comptais sur les hommes qu’il devait me procurer. « Dans quelques jours vous les aurez tous, » répondit le traître à mon émissaire. « Mais je n’en crois rien, » ajouta Mabrouki, en me rapportant cette réponse. Je l’ai entendu se parler à lui-même et se dire tout haut, croyant être seul : « Pourquoi m’occuperais-je de ce mousoungou ? C’est au djémadar que le sultan l’a recommandé ; je n’ai pas à m’inquiéter de ses affaires. Que Saïd Bargash m’écrive à son sujet, et il aura ses pagazis le lendemain. »

Je montai à cheval, et me rendis chez Ben-Sélim pour lui demander compte de ces paroles. Il m’affirma n’avoir jamais rien dit de pareil ; Mabrouki m’avait fait, disait-il, un mensonge aussi noir que son visage. Jamais homme ne m’avait été plus dévoué ; il se ferait volontiers mon esclave, deviendrait mon pagazi, accepterait sans murmure… J’arrêtai le flot de ses protestations en lui disant que je n’avais besoin de lui ni pour esclave, ni pour autre chose, n’étant pas d’humeur à être servi par qui m’avait trompé ; qu’il ferait bien de ne pas approcher de mon camp, et d’en oublier la route pour lui et pour ceux qui le représenteraient[4].

Les fonctionnaires de Kaolé ne s’étaient pas montrés plus serviables. Le djémadar s’était borné à me faire une visite après la réception de la lettre du sultan ; et Karandji, employé de la douane audit village, n’avait répondu à la requête de son chef en ma faveur que par des signes de tête, des clignements d’yeux et des promesses de la même nature que celles d’Ali-Ben-Sélim. Bref, la quinzaine était perdue.

Dans cette extrémité, je me rappelai que Tarya Topan, le noble Hindi, m’avait proposé d’écrire pour moi à un certain Hadji Pallou, qui, disait-il, bien que très-jeune, n’avait pas son pareil pour former une caravane. J’envoyai Sélim, mon interprète, à Zanzibar avec une lettre pressante pour le capitaine Webb, lettre dans laquelle je priais celui-ci d’obtenir de Tarya Topan la recommandation qu’il m’avait offerte. C’était ma dernière carte.

Sélim revint le troisième jour avec une lettre de l’Hindi et une masse de bonnes choses que m’envoyait le consul.

Peu de temps après j’avais la visite de Sour Hadji Pallou. Cet éminent jeune homme était prié, me dit-il, par Tarya Topan, de me procurer cent quarante pagazis dans le plus bref délai. Malheureusement les porteurs étaient fort chers ; des quantités d’Arabes se tenaient aux aguets pour les saisir au passage, et payaient chaque homme vingt dotis (quatre-vingts mètres d’étoffe) ; mais ceux qui n’offraient que cela, attendaient jusqu’à six mois. « Voulez-vous partir promptement ? continua Hadji Pallou, donnez vingt-cinq dotis ; vous serez en route dans trois semaines.

— j’y consens, » répondis-je, en lui montrant que j’avais assez d’étoffe pour payer largement ; « et vous aurez, ajoutai-je, un présent dont votre cœur sera réjoui.

— Un présent ! oh ! non. » Il me priait seulement de dire à mes pareils « quel bon jeune homme il était. » Puis, à ma grande surprise, il me confia qu’il avait chez lui dix porteurs, et que si je voulais bien lui envoyer tout de suite quatre balles d’étoffe, deux sacs de perles et vingt rouleaux de fil, les pagazis partiraient le lendemain avec trois de mes soldats ; « car de petites caravanes étaient bien préférables aux grandes : celles-ci éveillaient la cupidité des chefs et provoquaient les attaques, tandis que les autres passaient inaperçues. »

J’organisai le départ de mes trois soldats ; j’envoyai l’étoffe, la rassade, les rouleaux, tout ce qu’avait réclamé Hadji Pallou ; et, me félicitant d’avoir rencontré ce bon jeune homme, je fis dans mon journal un superbe éloge de sa capacité, de sa complaisance, de son désintéressement ; je me promis de le recommander à tous ceux que je verrais, et je pensai au magnifique cadeau que je serais heureux de lui faire.

La préparation de ma première caravane m’apprit différentes choses qui semblent avoir échappé à mes prédécesseurs, et dont la connaissance m’aurait été bien utile lors de mes achats d’étoffe.

On trouvera à la fin de ce volume le détail des frais occasionnés par cette première bande, et celui des objets qui formaient sa cargaison. Je me bornerai à dire ici que le chargement représentait cent cinquante-six dollars, et que le transport en coûta cent quatre-vingt-cinq.

Ces préparatifs m’éclairèrent également sur la question du tribut, question importante, comme on le verra plus tard. Les étoffes destinées à cet usage doivent être emballées séparément, et de qualité supérieure, car les chefs qui les réclament ne sont pas moins difficiles que rapaces. Ils n’accepteraient pas les tissus légers dont se contentent les pagazis ; il leur faut des étoffes royales, du dabouani, de l’ismahili, du rehani, du sohari, ou du drap rouge ; et tout cela est fort cher. Pour cette première bande, composée de dix porteurs, le honga, ou tribut, fut estimé à vingt-cinq dollars. Ce n’était pas la quatorzième partie des hommes que j’avais à expédier. À ce chiffre-là, cent quarante pagazis devaient me coûter, en numéraire, trois cent cinquante dollars, avec retenue de vingt-cinq pour cent à mon préjudice. Méditez bien ces chiffres, ô voyageurs ! c’est à votre intention que je les expose.

Ma première caravane allait donc me quitter, et j’en bénissais Hadji Pallou, digne jeune homme ! lorsque le matin du départ, celui-ci vint me trouver « pour l’arrangement définitif, » et me présenta son compte avec tout le calme de l’innocence : « tant… pour avoir fourni à chaque porteur vingt-cinq dotis, prix de leur salaire, » dont il demandait le payement immédiat et en espèces.

Les paroles manquent pour exprimer mon étonnement. Je rappelai à ce bon jeune homme, qu’en lui montrant la veille les trois mille dotis qui se trouvaient dans ma tente, il avait été bien entendu que je payerais mes porteurs moi-même. Il en convint, et me dit, pour se justifier de la rupture du contrat, qu’il désirait vendre son étoffe et non la mienne ; qu’en outre il ne faisait pas d’échange, et que pour sa cotonnade, il voulait du numéraire. Je répondis à mon tour qu’il ne recevrait d’autre argent que celui que je trouverais convenable de lui donner pour le prix de ses services.

L’altercation fut vive et dura plus d’une heure. Le bon jeune homme supplia, se fâcha, versa des larmes, fit vœu de ne plus se mêler de mes affaires, si je ne prenais pas son étoffe. Je ne cédai pas un doti ; et finalement Hadji Pallou, satisfait de la commission qui devait lui revenir, me quitta d’un air radieux, emmenant les trois soldats, et prenant les denrées et le tribut nécessaires à la caravane.

C’était un habile homme que cet Hadji Pallou ; retors en affaire, énergique, prompt au calcul mental, né pour réussir dans le commerce. Ses yeux n’étaient jamais oisifs ; ils erraient sans cesse, explorant toutes les parties de mon corps, expertisant la tente, les armes, la literie, les vêtements ; quand la ronde était faite, ils la recommençaient, et toujours et toujours. Ses doigts non plus ne connaissaient pas le repos ; ils avaient des inquiétudes, des mouvements fébriles qui les obligeaient à palper constamment. Tout en me parlant, ce bon jeune homme se penchait, et tâtait mon pantalon, mon habit, mes souliers, mes chaussettes ; puis la mousseline ouvrée de sa légère chemise, l’étoffe à carreaux blancs et bleus de sa ceinture, jusqu’au moment où ses yeux, s’arrêtant par hasard sur quelque nouveauté, son corps se repenchait, les bras tendus, les mains ouvertes. Ses mâchoires elles-mêmes s’agitaient perpétuellement, par suite de l’habitude qu’il avait de mastiquer du bétel, assaisonné de chaux, remplaçant quelquefois le bétel par du tabac, sans supprimer la chaux, et produisant le même bruit qu’un jeune animal qui tète.

Bon mahométan, du reste ; un pieux jeune homme, fidèle observateur des pratiques et de l’étiquette musulmanes. Il saluait d’un air affable, se déchaussait, entrait dans ma tente, assurait qu’il était indigne de s’asseoir en ma présence, s’asseyait néanmoins, et entamait son tortueux discours.

Quant à la pratique de l’honnêteté, ce fidèle croyant ne s’en doutait pas. L’habitude du mensonge avait banni de son regard toute franchise, enlevé à ses traits toute candeur, et fait de cet adolescent le fripon le plus éhonté, l’homme le plus expert en gredinerie.

Pendant les six semaines que j’ai passées là, ce garçon de vingt ans m’a donné plus de fil à retordre que tous les escrocs de New-York n’en donnent à la police. Dix fois par jour on le prenait la main dans le sac ; il n’en était pas même troublé. Quand on lui rendit son étoffe, au lieu des vingt-cinq dotis par homme qu’il me comptait, il se trouva que les porteurs en avaient reçu vingt au maximum, quelques-uns n’en avaient eu que douze ; et cette cotonnade qu’il me vendait comme première qualité, quatre fois plus cher que le tissu habituel, était de la dernière sorte, valant, à Zanzibar, moins de dix sous le mètre.

Sur les rations qu’il avait fournies aux mêmes porteurs, et que j’avais amplement payées, il manquait de cinq à trente livres par tête. Même escroquerie à propos de l’argent qu’il fallait donner au bac du Kingani. Tous les jours c’étaient de nouvelles ruses ; il en inventait par douzaines et semblait ne penser qu’aux moyens de me piller davantage. Je ne travaillais qu’à déjouer ses fraudes ; et j’étais à bout de ressources. Le dénoncer devant tous ses camarades, ne faisait monter nulle rougeur à sa figure terreuse ; il en haussait les épaules, et voilà tout ; me laissant commenter le fait comme je l’entendais. Le menacer de réduire sa commission ne le touchait pas davantage ; pour lui un bon tiens, valait mieux que deux tu l’auras ; et dix dollars pris aujourd’hui, lui semblaient meilleurs que la promesse d’en avoir vingt dans quelques jours.

Il en prit tant et si bien, malgré ma surveillance, que les trois mille cinq cents dotis qui devaient suffire à payer cent quarante porteurs, étaient dépensés. Or, je n’avais que cent trente hommes et Hadji Pallou, digne garçon ! m’apportait son mémoire dont le total s’élevait à quatorze cents dollars.

On se demandera pourquoi je n’avais pas rompu avec ce coquin, dès la première affaire ? C’est parce que, sans lui, je serais resté à Bagamoyo plus de six mois, et qu’un prompt départ était indispensable. À tout prix, il fallait se mettre en marche ; et l’affreux Hadji, ou ses pareils, pouvaient seuls m’en fournir les moyens. Je n’ai jamais dépendu de personne comme de cet Hadji Pallou.

À la vue de ce mémoire de quatorze cents dollars, j’entrai dans une vive colère ; et je signifiai à mon jeune homme qu’il ne recevrait pas un picé[5] avant d’avoir réduit sa facture à un chiffre acceptable. Mais tout ce que je pus lui dire fut sans effet ; déclarations, menaces, promesses pleuvaient sur sa tête et passaient inaperçues. Il me fallut recourir à Tarya Topan. Ce dernier m’envoya un appelé Kandji ; le mémoire fut révisé et tomba à sept cent trente-huit dollars. Notez bien que, sauf le respect dû au noble Hindi, son envoyé ne valait pas mieux que le jeune Pallou. Entre Kandji et mon aigrefin, il n’y avait pas l’épaisseur d’un fétu. Mais que la paix soit avec eux ; et puissent leurs têtes rasées ne jamais recevoir la couronne d’épines qu’ils m’ont fait porter à Bagamoyo.

Si dans ce chapitre, et dans quelques autres, je rapporte de ces menus détails qui vous semblent insignifiants, ne croyez pas, si peu importants qu’ils vous paraissent, que j’aurais dû les passer sous silence. Chacun d’eux est un fait, et connaître des faits c’est augmenter son savoir. Comment d’ailleurs vous raconter mon voyage sans vous parler des misères qu’il m’a fait subir, et qui sont désespérantes pour celui qui les éprouve ? De ces misères, en outre, dépendait l’expédition.

Les averses se multipliaient, annonçant la masika, et nous démontraient l’urgence de remplacer nos tentes ; Shaw et Farquhar y travaillaient activement. J’y reviens, parce que c’est là un point capital. Si j’ai pu résister à la fièvre, qui m’a saisi vingt-cinq fois dans l’espace d’une année, cela tient d’abord à la miséricorde divine ; ensuite à l’enthousiasme que m’inspirait l’œuvre que j’avais entreprise ; à la bonté de ma constitution, que j’ai eu soin de ne pas ruiner, en me refusant toute débauche ; à l’énergie qui est dans ma nature, à une disposition native qui me fait voir le bon côté des choses, et que rien n’a pu détruire ; enfin, à la précaution que j’avais eue de me procurer un abri imperméable.

Je conseillerai donc au voyageur de profiter de mon expérience et, au lieu d’accepter l’avis d’un fabricant de tentes, qui tiendrait à lui placer un de ses élégants produits, nullement faits pour tous les climats, de ne s’en rapporter qu’à lui-même, et d’acheter ce qu’il y a de plus fort et de plus cher en toile de chanvre, une bonne toile, n° 5, à l’épreuve de l’eau. C’est encore le meilleur marché, et cela peut être un moyen de salut.

Un autre point que je signale aux novices, afin de leur épargner une erreur, qui a beaucoup nui à mes plaisirs, et qui, en temps de disette, a de graves résultats, c’est le choix des armes. Le voyageur doit y apporter les plus grands soins. Il lui faut au minimum trois genres de fusil : un pour la plume, un pour la grosse bête, un autre pour la défense.

Pour la plume, je conseillerais des canons d’au moins quatre pieds de longueur et du calibre 12. Pour la grosse bête, sauf les égards dus à l’opinion des vieux sportsmen, je recommande les carabines d’O’Reilly et de Lancaster[6]. Pour le combat, on ne saurait trouver mieux que le sixteen-shooter américain, raïfle de Winchester, à seize coups, chargé avec les munitions d’Eley, armurier de Londres.

Quand je me sers du mot combat, je ne veux pas dire que le voyageur doive déclarer la guerre ; mais il peut avoir besoin de repousser l’ennemi. L’attaque est toujours imminente ; et il lui faut des moyens de défense capables de le protéger.

Pour ce qui est de la chasse, un jeune homme que j’ai rencontré à Zanzibar, m’a déclaré qu’il n’existait pas d’arme plus parfaite que le raïfle désigné sous le nom d’Express. Il est possible qu’il ait raison ; je n’ai pas expérimenté son raïfle et je n’en conteste pas la valeur ; mais ce jeune homme, lui-même, ne l’avait pas essayée sur la grosse bête d’Afrique, et je peux dire qu’avec des armes qui n’étaient pas moins précises, pas moins fortes que l’Express, mes balles traversaient la bête, sans la faire tomber du premier coup. Celle-ci m’échappait souvent, presque toujours malgré ses blessures ; tandis qu’avec le pesant O’Reilly de Livingstone, il était rare que l’animal ne fût pas abattu. J’ajouterai que la balle explosive de Fraser tient parfaitement ce qu’elle promet. Les exploits de Baker et de Speke n’étonnent plus le jeune chasseur, quand il a en main un Lancaster ou un O’Reilly. Après quelques jours d’essai, il peut imiter ces Nemrods, pourvu, toutefois, que sa main ne tremble pas.

Toute carabine, je le répète, a une force suffisante pour faire pénétrer la balle ; mais non la puissance nécessaire pour être utile au chasseur africain. Il faut, pour la grosse bête d’Afrique, une arme fracassante, une force qui broie les os.

Peu de jours après mon arrivée à Bagamoyo, j’étais allé au camp de Massoudi, voir la caravane que l’on envoyait à Livingstone, et qui était là depuis le 2 novembre 1870. Le nombre des ballots n’était que de trente-cinq ; il ne fallait donc que trente-cinq hommes pour les porter. Ces ballots étaient sous la garde de sept Anjouhannais et Vouahiyou, dont quatre esclaves, qui tous vivaient dans l’abondance, sans s’inquiéter du résultat de leur inaction. Je n’ai jamais pu deviner ce que ces gens faisaient là depuis trois mois, sinon donner carrière à tous leurs vices. Impossible de prétexter du manque de pagazis ; depuis le 15 décembre, époque de la fin du ramadan, quinze caravanes au moins s’étaient formées ; et il aurait suffi de deux jours à l’influence consulaire pour réunir trente-cinq porteurs. Si j’avais été l’agent officiel d’un gouvernement, surtout d’une grande puissance, je n’aurais eu qu’à faire un signe, et les cent quarante hommes qu’il me fallait m’auraient été fournis en une semaine.

Le consul anglais dit avoir ignoré que les provisions qu’attendait Livingstone, n’étaient pas parties. C’est au moins preuve de négligence ; le jour même de mon arrivée à Zanzibar, on m’apprenait que ces marchandises n’avaient point quitté la côte. J’ignorais alors quelle était l’importance de la cargaison, et par quel moyen elle pouvait être expédiée. La surprise que j’éprouvai est donc plus facile à comprendre qu’à décrire, lorsque je vis qu’avec trente-cinq hommes on eût envoyé ces ballots, qui étaient là depuis cent jours.

Toutefois, vers la mi-février, le bruit courut dans les bazars, et se répandit au loin, que le belyouz, littéralement l’ambassadeur, allait venir à Bagamoyo pour voir où en était sa caravane ; sur quoi celle-ci, prise de frayeur, partit le lendemain, avec seulement quatre hommes d’escorte.

Deux jours après, le Columbine, vaisseau de la marine anglaise, commandé par le capitaine Tucker, déposait à Bagamoyo le consul de la Grande-Bretagne. Le soir, je me rendis à la Mission, où le docteur Kirk, le capitaine et son lieutenant, accompagnés de M. de Vienne, consul de France, étaient descendus. Je les trouvai à table ; l’entretien roula sur une grande chasse, qui venait d’être organisée, et dont on se promettait beaucoup de plaisir.

Le lendemain, à six heures, ces messieurs étaient en route, et ne revinrent que le vendredi suivant. Ce jour-là, je dînai avec eux. Dans la soirée, le docteur Kirk m’apprit que « les officiers du Columbine, avec leurs petits raïfles du calibre d’un pois, n’avaient rien tué. » Les seules bêtes que l’on eût abattues, l’avaient été par lui ; et pour jouir de la chasse, il avait dû quitter les autres et aller seul dans la forêt. « Ils savent maintenant, ajouta le consul, en parlant des officiers, quel degré de confiance on doit mettre dans la carabine Sniders, quand il s’agit des grands animaux d’Afrique. »

Vers neuf heures du matin, le jour suivant, le docteur Kirk et le père Horner, chef de la mission, vinrent me faire une visite. Le docteur ne voulut prendre qu’une tasse de thé, pressé qu’il était d’aller voir ce qui advenait de la caravane de Livingstone. Il ignorait qu’elle était partie, et qu’il avait suffi pour cela du bruit de son arrivée.

À onze heures, j’appris que Mister Kirk était à bord du Columbine

Bagamoyo a le climat le plus agréable ; une différence énorme avec celui de Zanzibar. Après une nuit passée à la belle étoile, on se réveillait, dispos et vigoureux, pour se jeter à la mer ; on sortait du bain ; et, le soleil levé, nous étions à l’ouvrage. Si les ennuis abondaient, les distractions ne manquaient pas. Nous avions dans le camp, des scènes risibles, parfois une cour martiale pour les indisciplinés ; un tour de boxe entre Shaw et Farquhar, lutte que j’arrêtais prudemment quand elle devenait trop sérieuse ; de temps à autre une partie de chasse au bord du Kingani, ou dans la plaine voisine ; la causette avec le vieux djémadar, ou avec ses Béloutchis, qui ne se lassaient pas de me répéter « que la masika approchait et que je ferais bien de décamper en toute hâte. » Enfin des Arabes, comme nous occupés de leur départ, venaient nous voir, ce qui était pour Shaw l’occasion de témoigner toute sa mauvaise humeur. Suivant l’usage du pays, j’offrais le café à mes Arabes, auxquels la politesse voulait que le plateau fut présenté d’abord. Cette formalité indignait mon compagnon ; il ne supportait pas que ces gens-là, « des nègres » ainsi qu’il les appelait, fussent servis avant lui, un homme de race blanche.

Pauvre Shaw ! ignorant comme un bébé des maux que lui réservait l’avenir. S’il avait pu savoir que cette injure à la couleur de sa peau était la moindre des calamités qu’il subirait en Afrique ! Mais il montrait pleinement l’inaptitude que l’Anglo-Saxon peu éduqué a pour les voyages, et pour tout rapport avec les gens d’une autre race. Je vis même qu’il était nécessaire de le séparer de Farquhar. Rien de sociable chez lui, pas le moindre grain d’humour ; un fond de vanité qui s’alarmait aisément, et une ambition qui, dans son essor, atteignait l’empyrée et planait au delà de tout ce qu’on peut imaginer. Pour un homme de l’intelligence et du caractère de l’autre, c’était bien le camarade le plus irritant qu’il fût possible d’avoir.

Je choisis donc Farquhar pour chef de la troisième bande, réservant à Shaw un emploi dans la mienne. Sur l’annonce de cette résolution, les hostilités cessèrent immédiatement.

Parmi les membres de la caravane, se trouvaient deux Goanais et deux Hindis. Ils s’étaient figuré l’intérieur de l’Afrique comme un Eldorado, un pays jonché d’ivoire ; et dans un jour de surexcitation, ils avaient associé leurs épargnes pour une petite affaire qui devait les enrichir. On les appelait Jako, Abdoul-Kader, Bander Salaam et Aransélar. Furent-ils dégrisés par les renseignements qu’on leur donna, ou la vision disparut-elle devant les dangers de l’entreprise ? Je ne saurais le dire. Toujours est-il qu’Aransélar, qui était notre sommelier, s’ingénia, pendant qu’il en était temps encore, à chercher le moyen de rompre son engagement. Il demanda la permission d’aller voir ses amis, l’obtint, et partit pour Zanzibar. J’appris le surlendemain, qu’il s’était fait sauter l’œil droit, ce qui me fut confirmé par le docteur Christie, chirurgien de Sa Hautesse. Il est probable que les autres avaient le même dessein ; mais l’ordre formel qu’ils reçurent de s’abstenir d’une pareille folie, les empêcha d’exécuter leur projet.

La fuite d’un palefrenier, qui, surpris la main dans un ballot d’étoffe, se sauva, fut poursuivi et disparut dans les jungles, compléta la série des distractions qui remplirent les instants que nous laissaient nos préparatifs.

J’avais alors expédié quatre bandes dans l’intérieur. La cinquième devait porter les bateaux, les caisses, notre bagage personnel et quelques charges d’étoffe et de verroterie ; c’était moi qui devais la conduire.

Les départs avaient eu lieu dans l’ordre suivant :

Le 18 février 1871, douze jours après notre arrivée à Bagamoyo, première caravane, formée de vingt-quatre porteurs et de trois soldats.

Le 21 février, seconde caravane, ayant vingt-huit porteurs, deux chefs et deux soldats.

Le 25 février, troisième caravane, comptant vingt-deux porteurs, dix ânes, un cuisinier, trois soldats, et un chef de race blanche, qui était Farquhar.

Le 11 mars, quatrième caravane : cinquante-cinq porteurs, deux chefs et trois soldats.

Enfin le 21 mars, partait la cinquième bande, ainsi composée : vingt-huit porteurs, douze soldats, un tailleur, un interprète, un cuisinier, un servant d’armes, deux hommes de race blanche (Shaw et moi), deux chevaux, dix-sept ânes et un chien.

Total des cinq groupes formant l’Expédition du New-York Herald : cent quatre-vingt-douze hommes.

  1. Il doit y avoir ici une faute d’impression ; avec ces dix heures de marche, les daous ne seraient arrivées que dans la nuit, ce que les détails suivants rendent peu probable, et ce que le voyageur nous aurait fait remarquer. Six heures seraient encore une marche assez lente, pour qu’il y ait eu à s’en plaindre, vu la proximité de la fin du jour. (Note du traducteur.)
  2. Dans le langage de cette partie de la côte et dans les idiomes qui s’y rattachent, le préfixe Ou veut dire pays, région, contrée : Ouzaramo, région de Zaramo. M, ou, par euphonie, la syllabe Mou indique l’habitant du lieu en question ; Voua est la marque du pluriel ; Ki annonce quelque chose appartenant à la contrée, et désigne principalement l’idiome. Quelques noms de pays font exception et ne prennent pas l’Ou initial ; mais leurs dérivés n’en suivent pas moins la règle commune ; par exemple Sahouahil, rivage ; Msahouahili, homme du Sahouahil ; Vouasahouahili, gens du Sahouahil ; Kisahouahili, idiome employé par ces gens. (Voir Burton, Voyage aux grands lacs, p. 19.)
  3. L’auteur a mis un s à makanda, nous l’avons conservé, parce que nous retrouverons le même mot au singulier ; mais, dans la langue du pays, makanda est le pluriel de kanda, nom de l’espèce de natte dont les ballots sont enveloppés. La kanda se fait avec les feuilles du palmier nain, dont la fronde, pour cela, est pelée et séchée au soleil, fendue en cinq ou six, et dont les brins sont tressés. Dans l’intérieur de l’Afrique on emploie la kanda en guise de tapis.(Note du traducteur.)
  4. Au lieu d’attribuer les politesses d’Ali à ce que le frère de celui-ci devait être son agent, et loin de trouver dans ce dernier fait une raison de se fier à l’officieux personnage, M. Stanley aurait pu être mis en défiance par les lignes suivantes de Burton : « Une caravane, arrivant de Zanzibar, apporta à Séid l’agréable nouvelle que, le bruit de sa mort ayant couru, son frère, Ali-Ben-Sélim, s’était empressé de faire main-basse sur tous ses bleus. » (Note du traducteur.)
  5. Petite pièce de monnaie de Zanzibar, valant à peu près quatre centimes.
  6. Fusil rayé, forte carabine.