Commentaire de la logique d’Aristote/1

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Commentaire de la logique d’Aristote/1
Librairie Louis Vivès (5p. 102-127).
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Chapitre I : Ce que c’est que l’universel et d’où il tire son origine.[modifier]

Pour connaître les cinq universaux ou prédicables qu’établit Porphyre, il faut savoir que, notre intellect étant séparé de la matière (car ce n’est pas une puissance attachée à un organe corporel ou matériel, et tout ce qui est reçu en une chose y est reçu selon le mode de celui qui reçoit), il faut en conséquence que ce qui est i objectivement à l’intellect par un acte droit soit dégagé de la matière et des conditions de la matière qui existent présentement. Et quand je dis dégagé de la matière, ce n’est pas simplement de toute matière, mais de la matière spécialisée. En effet, les choses naturelles sont conçues avec la matière, c’est pour cela qu’on dit que cet objet doit être dégagé des conditions de la matière; par exemple, dans notre imagination il y a l'imagination ou forme représentant tel homme, sui vaut ce qu’il a été extérieurement, laquelle forme, par la vertu de l’intellect actif, agit sur l’intellect possible, comme les couleurs, en vertu de la lumière, agissent sur la puissance visuelle, et alors il se produit dans l’intellect possible une certaine forme, qui est appelée espèce intelligible, ou suivant les autres actes d’intellection, ou la parole, et cette forme représente l’homme, non cependant tel qu’il est présentement, mais abstrait de telles conditions, c’est là ce qu’on appelle être universel. C’est pourquoi il y a deux choses à con sidérer dans l’homme ainsi conçu, à savoir, la nature humaine elle-même ou ce qui la possède, et l’universalité ou abstraction des susdites conditions de la matière. Quant au premier rapport, homme dit la chose, à l’égard du second, il dit l’intention. Car dans la réalité, il ne se trouve pas d’homme qui ne soit pas hic et nunc (ici et maintenant), et la nature dans ce sens est dite être la première intention. Mais comme l’intellect se réfléchit sur lui-même et sur les choses qui sont en lui soit subjectivement, soit objectivement, il considère encore l’homme ainsi conçu par lui en dehors des conditions de la matière, et voit que cette nature conçue avec une telle universalité ou abstraction, peut être attribuée à tel ou tel individu, et qu’elle est réellement dans tel ou tel individu, il forme en conséquence une seconde intention sur une telle nature, et il l’appelle universelle ou prédicable, ou quelque chose de semblable. Donc, suivant ce que nous venons de dire, une chose en tant que conçue est dite universelle, mais en tant que l’intellect considère cette universalité eu quoi il s’attribue quelque chose suivant l’être en plusieurs, ou l’attribution à plusieurs, et ainsi elle est dite seconde intention. Nous allons parler maintenant de ces secondes intentions, ou des cinq universaux ou prédicables qui sont appelés universaux en tant que l’intellect leur attribue l’être en plusieurs; ils sont appelés prédicables, à raison de ce que l’intellect les fait appliquer à plusieurs. Ce sont le genre, la différence, l’espèce, le propre et l’accident.

Chapitre II : Ce que c’est que le genre et d’où il tire son origine.[modifier]

Le genre, tel que nous l’entendons ici, est ce qui est affirmé de plusieurs choses différentes en espèces in eo quod quid. Or, pour comprendre les divers points de cette description, il faut savoir que le genre se dit de plusieurs espèces, ou se divise et plusieurs espèces. Mais comme il n’est pas un être en réalité, mais seulement suivant la raison, sa division ne s’opère pas en réalité. Et comme encore le genre n’est pas quelque chose de réel, les parties subjectives ou les espèces en lesquelles il se divise, sont réellement diverses et distinctes entre e]les, il faut en conséquence qu’elles aient en elles quelque chose de réel, par quoi l’une est différente de l’autre. Il faut remarquer ici qu’une même chose a, par son essence avec l’essence d’une autre chose, quelque conformité ou convenance et quelque difformité réelle, laquelle conformité ou difformité peut être plus grande ou plus petite par comparaison à diverses choses, par exemple: Sortès, par son essence qui est de telle âme et de tel corps, est conforme à Platon, à ce cheval et à cette plante. En effet, Sortès par son essence est raisonnable, sensible et vivant; dans ces trois choses il est conforme à Platon. Il est conforme à ce cheval en deux choses, à savoir dans le sensible et dans le vivant, et il est difforme en une chose, parce qu’il est réellement raisonnable, ce qui n’est pas dans le cheval; il est conforme à la plante, à savoir dans le vivant. Mais comme notre intellect peut distinguer les choses qui sont unies en réalité, quand une de ces choses ne tombe pas sous la raison de l’autre, et lorsque le raisonnable, considéré en soi, n’est point de la raison du sensible, et le sensible de la raison du vivant, c’est pour cela qu’il prend ces choses dans Sortès, sous différents rapports, comme nous l’avons dit. Donc, quand l’intellect considère en réalité ce en quoi une chose con vient à d’autres choses, il attribue à cette chose conçue une intention d’universalité. Et comme dans chaque chose singulière il faut considérer quelque chose, qui est le propre de cette chose, en tant qu’elle est cette chose, de même que dans Sortès il faut considérer quelque chose qui est tellement le propre de Sortès, en tant qu’il est tel homme, qu’il ne convient à nul autre. Donc l’intellect attribue à une chose ainsi conçue une intention de singularité, et il appelle cela singulier ou individuel, et ces secondes intentions sont l’universalité et la singularité. Aussi, bien qu’on ait dit plus haut que les intentions sont le produit de l’intellect, il faut néanmoins qu’elles aient quelque fondement dans les choses extérieures. Car il répond à l’intention de singularité en dehors de ce qui est le propre de Sortès, en tant qu’il est tel homme, et à l’intention d’universalité extérieurement, comme le fondement dans lequel Sortès est conforme aux autres choses. Donc, comme le choses qui sont conformes en une chose sont difformes en une autre, pourvu qu’une telle difformité soit selon la forme et non selon la matière caractérisée, ou selon ce qui est propre à tel individu, en tant que tel, l’intellect attribue l’intention de genre à ce en quoi ces Choses s’accordent, et l’appelle genre. Il faut remarquer ici, suivant Avicenne, qu’il y a deux formes; l’une qui est partie du composé, comme l’âme est la forme de l’homme, car l’homme se compose de corps et d’âme. Pour l’autre, elle suit tout le composé, comme l’humanité, qui est aussi la forme de l’homme, et prise dans ce sens la forme s’appelle quiddité, et elle est ce que l’intellect conçoit de la chose. Donc, quand l’intellect conçoit la forme susdite ou la quiddité, comme celle-ci est déterminée à cette matière, à savoir l’humanité, comme elle se trouve dans cette matière spéciale, dans cette chair, dans ces ossements, et autre chose de ce genre, alors en produisant le concret, à savoir un tel homme, il conçoit le singulier et lui attribue une intention de singularité. Mais s’il conçoit cette forme non comme déterminée à telle matière, parce que toute forme pareille est de soi plurificable à telle ou telle matière, l’intellect attribue à ce qui a une telle forme une intention d’universalité, par laquelle l’homme est un universel. Et si les choses qui s’accordent dans cette forme n’ont pas entre elles la difformité qui regarde la susdite forme, mais si elles sont seule ment difformes par la matière spéciale de telle ou telle chose, dans laquelle ladite forme déterminée est dans telle ou telle chose, suivant le mode dont il sera parlé dans le traité sur l’espèce, ces choses sont dites ne différer que numériquement, et le substantif concret de cette forme reçue, en tant qu’il peut être plurifié, par exemple, l’homme est appelé une espèce très spéciale. Mais si les choses qui s’accordent dans quelque forme plurifiable, comme on u dit, sont difformes entre elles, non seulement quant à la matière caractérisée, comme on l’a dit, mais quant à la difformité spécifique, par exemple, parce qu’ telle forme est l’animalité en laquelle s’accordent Sortès et tel cheval, qui sont difformes entre eux, non seulement quant à la chair et les os, mais en ce que cet homme a la forme d’humanité, et ce cheval celle d’équinité; de telles choses sont dites différer en espèce, et telle forme en laquelle elle s’accorde est prise en concret, par exemple animal et genre; et parce que, ainsi que nous l’avons dit, une telle nature, prise en concret, peut se dire de plusieurs choses formellement différentes qui sont dans diverses espèces, il s’ensuit qu’une intention de genre peut être attribuée à une telle nature. C’est pour cela qu’on dit que le genre s’affirme, c’est-à-dire est prédicable de plusieurs choses différentes d’espèce, ou qu’il se divise en plu sieurs espèces. Et ce que nous venons de dire, pris au concret, ne s’entend que dans le prédicament de la substance; dans les autres prédicaments, et surtout dans les absolus, le genre et l’espèce se prennent abstractivement. Or le genre s’affirme substantivement, suivant les grammairiens, en ce qui constitue une chose, comme animal, qui se dit de l’homme et du cheval, est substantif et non adjectif. Car le sensible qui se dit de l’animal, quoique étant de l’essence de l’animal, ne se dit pas sous le rapport de la quiddité, mais de la qualité, et c’est la raison pour laquelle il est adjectif. Or il faut savoir que les choses qui se disent sous le rapport de la quiddité sont de l’essence ou de la quiddité des choses desquelles elles sont affirmées, par conséquent s’affirmer sous le rapport de la quiddité, non seulement peut s’appeler mode de signification, comme on l’a dit, mais il désigne encore la quiddité de l’objet de l’affirmation, et il est évident que c’est le genre.

Chapitre III : Ce que c’est que l’espèce et d’où elle tire son origine.[modifier]

L’espèce est ce qui se dit de plusieurs choses différentes numériquement in eo quod quid. Quoique cette définition de l’espèce puisse être conçue d’après ce que nous avons dit, néanmoins pour pins de développement il faut savoir que, bien que le principe d’individuation propre provienne de la matière spécifiée, il ne faut pourtant pas entendre qu’il ne vient pas de la forme sous quelque rapport. Remarquez que la distinction d’une chose d’une autre par la forme peut se faire de deux manières. Premièrement, quand une telle distinction se fait par la forme à raison de la forme, suivant qu’il y différents de grés dans les formes, et les choses qui sont distinguées de cette manière doivent nécessairement différer d’espèce, comme il a été dit. Secondement, une chose peut être distinguée d’une autre par la forme, non suivant la raison absolue de la forme, mais suivant qu’elle est telle forme, et c’est ainsi que diffèrent en nombre deux quantités séparées, soit qu’elles soient séparées par l’intellect, comme en mathématique, soit qu’elles soient séparées de la matière quant à la chose par la puissance divine, comme la quantité de deux hosties consacrées. Car la quantité est une certaine forme; et c’est encore ainsi que diffèrent les âmes séparé es numériquement. En effet, elles ne diffèrent pas par la matière qu’elles n’ont pas et à laquelle elles rie sont pas unies, ni par relation à la matière à laquelle elles sont susceptibles d’être unies, puisque la relation est postérieure à son objet. Remarquez que toute forme qui renferme plusieurs choses en soi, c’est-à-dire qui est prise universellement, a une certaine latitude; car elle se trouve en plusieurs, et se dit de plusieurs. Or, il peut y avoir dans les formes une double latitude. L’une suivant les degrés formels, dont l’un est en soi plus noble et plus parfait que l’autre, et cette latitude est, comme nous l’avons dit, une latitude de genre sous lequel il y a différents degrés formels spécifiquement différents. Il y a une autre latitude suivant la plurification numérale dans le même degré; et parce que cette latitude n’est pas suivant la raison absolue de la forme, il faut que la forme en laquelle est une telle latitude importe dans sa raison quelque chose par quoi une telle latitude lui convienne et qui soit différent de la raison absolue de la forme. Et si nous parlons de cette forme qui est une partie du composé, par exemple, de l'âme raisonnable, ce par quoi une telle latitude lui convient, est une certaine imperfection, en raison de ce qu’elle est destinée à avoir le caractère de partie d’un tout quelconque, non seulement comme partie suivant la raison, parce que les formes spécifiques elles-mêmes sont parties suivant la raison, mais comme partie suivant la chose. Car l’âme raisonnable est une partie réelle de l’homme, et la blancheur est une partie réelle de l’homme blanc. C’est pourquoi, afin que de telles formes se multiplient sous l’espèce, il faut qu’elles aient cette potentialité qui fait des parties réelles, et à raison de cela cette potentialité, par le moyen de laquelle l’âme raisonnable est destinée par son essence à faire partie d’un composé, lui confère une certaine latitude de multiplication suivant le même degré, quoiqu’elle soit séparée, et qu’elle n’informe pas en acte la matière. Et parce qu’une telle potentialité ne convient pas à l’essence des anges, les anges pour cette raison ne diffèrent pas numériquement entre eux, mais chaque ange fait une espèce par lui-même. Car la nature ou l’essence de l’ange n’a pas une aptitude naturelle à faire partie d’un composé, qui lui donne l’espèce, comme l’âme humaine. Donc la potentialité de forme que possède la forme pour se joindre à la matière, produit en elle la multiplication des individus, et c’est ainsi que l’on doit en tendre ce qui a été dit plus haut, que l’humanité qui est la forme qui suit un tout composé, si on la considère sous le rapport de sa détermination à telle matière spécifiée, produit le singulier. Car humanité, comme on l’a dit, dit âme et corps, d’où il suit qu’en disant tel corps, telle âme, elle énonce un singulier. Et parce que l’urne existant dans le même degré ne peut être divisée en plusieurs, comme il a été dit, si ce n’est à raison de la potentialité qu’elle possède pour l’union à une matière spécifiée, il faut dire par conséquent que la matière spécifiée est un principe d’individuation, tandis que la forme ne l’est que par la matière pour laquelle elle a une puissance naturelle d’union, et l’on voit ainsi ce que c’est que l’espèce. Il faut savoir néanmoins que, bien que la forme spécifique, comme on l’a dit, soit plurificable de soi à cause de la potentialité qu’elle a pour s’unir à la matière, cette plurification est cependant empêchée quelquefois accidentellement, par exemple si tous les hommes venaient à mourir et qu’il n’en restât qu’un seul, l’humanité alors n’existerait pas dans plusieurs matières. Elle peut aussi être empêchée par la condition de la matière, comme il n’y a présentement qu’un seul soleil, non qu’il répugne à la nature solaire de se trouver dans plusieurs sous le rap port de la forme, mais parce qu’il y a une autre matière qui n’est pas susceptible d’une telle forme. C’est pourquoi le soleil est une espèce en un seul individu.

Chapitre IV : De l’origine de la différence et ce que c’est suivant la chose et l’intention.[modifier]

La différence, dans le sens où elle est prise ici, se définit de deux manières, dont voici la première. La différence est celle qui se dit de plusieurs choses différentes en espèce in eo quod quale. La seconde est la différence qui abonde du genre. Pour comprendre la première disposition, il faut savoir que, comme il a été dit plus haut, dans quelques formes il peut y avoir une latitude dans les mêmes formes suivant les degrés formels dont l’un en soi est plus noble et plus parfait qu’un autre, et c’est de cette forme que se tire le genre. Remarquez que dans les êtres il y a différents degrés d’existence, soit que ce soit des degrés substantiels ou accidentels. Quoique ces degrés soient dispersés dans quelques êtres, il se trouve néanmoins quelquefois quelque chose d’un qui renferme plusieurs degrés de perfection substantiels ou accidentels, par exemple végétative, sensible, raisonnable, sont des degrés substantiels d’êtres. Car une plante substantiellement végétative, un chien substantiellement sensible, et l’homme substantiellement raisonnable, et ces degrés dispersés dans plusieurs se trouvent quelquefois dans un seul, par exemple, dans l’homme. Car l’homme, par sa forme substantielle qui est dans une, possède ces trois perfections, il est végétatif, sensible et raisonnable. C’est pour quoi Sortès, par son essence, est conforme à la plante, au chien et à Platon, comme il a été dit. Or cette conformité de Sortès avec la plante peut être une des deux. Comme en effet la similitude de deux choses noires est une des deux, de l’une comme sujet, de l’autre comme terme, de même aussi est la conformité de Sortès comme sujet, et de la plante comme terme. Je ne dis pas pour cela qu telle conformité soit une relation suivant l’être, mais elle est une relation suivant l’application comme fondement de la relation suivant l’être. Or une telle conformité qui est réellement une, comme il a été dit, meut notre intellect à une idée, vivant, par exemple, de laquelle idée se tire le genre, ou quelquefois l’espèce, comme on peut l’induire de ce qui a été dit plus haut; c’est pourquoi cette conformité se rapporte au genre comme fondement éloigné. Mais l’idée de vivant à laquelle une telle conformité porte l’intellect, se rapporte au genre comme fondement prochain, et ainsi, quoique l’unité de genre soit l’unité de raison, néanmoins elle doit se fonder en quelque manière sur une chose suivant la réalité. Quant à la difformité qui existe entre Sortès et la plante, elle consiste en ce que Sortès a le sentiment et non la plante, et de cette difformité se tire la différence qui sépare la chose qui est commune à l’homme et à la plante. D’où l’on voit par cette différence que la qualité de vivant se trouve dans un sujet qui possède quelque autre perfection qui n’est pas dans la plante. Et parce que dans cette perfection, à savoir la sensibilité, Sortès est en convenance avec le chien, il y a de même entre eux une conformité qui porte à une idée de laquelle, si on la prend au concret substantive ment, de telle sorte que ce concret dise explicitement de ce qu’il signifie et vivant et sensible, se tire un autre genre, à savoir animal. Si, au contraire, elle est prise au concret adjectivement, de telle sorte qu’elle dise explicitement de la chose qu’elle signifie cette seule perfection, à savoir sensible, il s’en tire la différence, à savoir, en tant qu’elle est dite sensible, et ainsi des autres jusqu’à la dernière différence spécifique, au-dessous de laquelle il. n’y a point de perfection for melle. Donc, comme on peut dire sensible tout ce qui est dit animal, et que animal, qui est le genre, se dit de plusieurs choses différentes en espèce, de même sensible, qui est la différence, se dit de plusieurs choses différentes dans l’espèce. Il faut remarquer que la forme substantielle a un double être; l’un objectivement dans l’intellect, et en raison de cet être l’intellect s’attribue un nom abstrait. Car l’intellect la considère, non pas en observant la matière où elle se trouve, et à cause de cela il se donne un nom abstrait, comme humanité. Elle a un autre être dans la matière, pour laquelle elle a une double habitude. La première c’est qu’elle lui adhère comme sauvée en elle, et ainsi elle a, en quelque sorte, le mode d’accident, et ainsi l’intellect lui donne un nom concret adjectif, tel qu’un nom d’accident, comme humain. La seconde est la comparaison qu’elle a avec la matière, comme la complétant et la perfectionnant, et ainsi elle n’a pas le mode d’accident, mais bien le mode de substance, et ainsi l’intellect lui donne un nom concret substantif, comme homme. Il faut noter que animai diffère de sensible, parce que animal provient d’âme sensible, et sensible se dit à raison de la sensibilité. Et parce que l’âme par rapport à la sensibilité est comme la puissance à l’acte, conséquemment la différence est plus actuelle que ce dont elle est la différence, quoique se trouvant dans le même cercle l’un et l’autre. Or on dit que la différence s’applique à la qualité, c’est-à-dire adjective ni En voici la raison: Comme on l’a dit, en effet, la différence divisive de quelque genre se tire de la perfection que n’ont pas toutes les choses qui sont sous le genre, laquelle perfection, comparée à ce d’où se tire le genre, se montre comme quelque chose de parfait, et par conséquent comme formel, et parce que les adjectifs se tirent communément des formes, obligés qu’ils sont de s’adjoindre à la forme; conséquemment pour désigner que la différence se tire d seul formel, et ne dit explicitement que cela seul, la différence est parfaite par le mode adjectif dans son attribution. Pour connaître de même la seconde définition de la différence, il faut savoir qu’il est impossible que la partie se dise du tout, niais que ce qui se dit en toute vérité d’une autre chose doit dire le tout. Lorsqu’on dit de Sortès qu’il est homme, et animal, et raisonnable, homme doit dire le tout formel qui est dans Pierre; je dis formel, parlant de la forme qui suit le tout composé. Il faut de même qu’animal dise le tout formel, de même aussi raisonnable le tout formel, mais de différentes manières. Car raisonnable dit tout ce que dit homme, non pas cependant explicitement, mais implicitement. Raisonnable dit, en effet, ayant ra raison; c’est pourquoi il dit seulement raison de la chose principale qu’il signifie; mais parce qu’il dit ayant la raison, en disant ayant, on comprend implicitement l’homme quel qu’il soit, et il dit ainsi tout ce que dit homme, quelque chose cependant explicitement, et quelque chose implicitement. De même aussi animal dit tout ce que dit homme, non pas cependant explicitement, car animal dit ayant la vie et la sensibilité: c’est pourquoi il ne dit du principal objet qu’il signifie que la vie et la sensibilité, mais dans ce qu’il dit on entend implicitement l’homme. Homme, au contraire, dit explicitement le tout formel qui est dans Sortès; car il dit ayant l’humanité, laquelle humanité dit explicitement le mouvement et la sensibilité que dit animal, et la raison que dit raisonnable, ce qui fait que homme dit de l’objet principal qu’il signifie animal raisonnable; car en comparant les objets qu’ils signifient explicitement, le genre et la différence ne signifiant qu’une partie de chacun d’eux, et l’espèce signifiant explicitement ce qu’elle signifie, il s’ensuit que les deux choses signifiées explicitement par l’espèce excèdent l’objet signifié explicitement du genre dans l’objet signifié explicitement de la différence. Il excède de même l’objet signifié de la différence dans l’objet signifié du genre. C’est donc à bon droit que l’on dit dans la susdite définition que la différence est ce par quoi l’espèce surabonde du genre, parce que l’espèce abonde, c’est-à-dire excède dans l’objet qu’elle signifie, même ce que l’espérance signifie explicitement, et l’on voit ainsi ce que c’est que la différence dans son caractère propre.

Chapitre V : Du genre le plus général et du genre subalterne; un être ne peut pas être genre.[modifier]

Le genre se divise en genre très générai et genre subalterne. Le genre le plus général est celui en qui ne survient pas un autre genre; ce qui doit être entendu de cette manière. Ainsi que nous l’avons dit, en effet, le genre se tire de l’idée de conformité de certaines choses qui sont difformes dans certaines autres perfections formelles, desquelles se tirent les différences. Comme animal est genre, parce qu’il dit mouvement et sensibilité, en quoi l’homme et le cheval sont conformes, tout en étant difformes dans d’autres perfections, par la raison, par exemple, qu’il y a dans l’homme la raison qui n’est pas dans le cheval, d’où se tire la différence, à savoir le raisonnable. L’homme est aussi conforme à la plante dans le vivant; de cette conformité se tire un autre genre, à savoir le corps animé, et cette conformité est moindre que la première, parce que corps animé s’étend à plus de choses qu’animal, aussi c’est un genre supérieur. Il est encore conforme à la pierre dans la corporéité, d’où se tire un autre genre supérieur, à savoir le corps. Il est conforme à l’ange dans la substance, qui est une conformité plus éloignée, d’où se tire encore un autre genre, à savoir la substance. Si l’homme était difforme vis-à-vis d’une chose en substance, il ne resterait entre eux d’autre conformité que l’entité. Or l’être ne pouvant pas être genre, comme on le dira, la substance doit être le genre le plus général. Quant aux autres genres que nous avons dit être sous la substance, à savoir corps, corps animé et animal, sont des genres subalternes qui quelquefois sont regardés comme genres, d’autres fois comme espèces. Chacun d’en effet, est espèce relativement au genre supérieur, et genre relativement à l’espèce inférieure. On peut voir par là comment une seule et même différence est divisive et constitutive. Si, en effet, animé qui est différence est ajouté à corps, comme ce qui signifie corps se trouve dans les choses qui n’ont pas cette perfection qui est animé, cette différence divise corps qui toutefois est genre et constitue une espèce, qui n’ont pas cette perfection qui est animé. D’où il arrive que cette différence animé est tantôt divisive du genre et tantôt constitutive de l’espèce, et c’est aussi ce qui doit se faire dans les autres genres jusqu’aux espèces les plus spéciales, dont il n’y a pas de différences divisives. Mais quelles sont les espèces les plus spéciales, on peut le connaître d’après ce qui a été dit. Qu’un être ne puisse pas être genre, le voici; en effet, ainsi qu’on l’a dit, cela est genre qui est dans cette condition par rapport à sa différence divisive, que la différence signifie quelque chose explicitement que ne signifie pas le genre lui-même, quoique implicitement les deux disent le tout, c’est pourquoi le genre se trouve en dehors de l’intellect des différences; en voici un exemple dans les choses composées de matière et de forme. Le feu et l’eau sont en convenance dans la matière première, mais diffèrent dans la forme, parce que la forme substantielle du feu est différente de celle de l’eau; d’où il suit que le feu et l’eau sont en convenance dans la matière, parce que la matière est leur partie essentielle, mais la forme du feu et l’eau s’accordent dans la matière, comme dans quelque chose différent de leur essence, mais déterminable par elles. C’est ainsi que les espèces ont dans le genre un mode de convenance que n’ont pas les différences. Car les espèces s’accordent dans le genre comme dans ce qui est contenant dans leur condition et dans leur principal objet signifié, car dans la raison de l’homme et dans son principal objet signifié, se trouve renfermé animal. Les différences, au contraire, s’accordent dans le genre comme dans quelque chose de déterminable par elles rationnellement, qui est en dehors de leur intellect, comme raisonnable et irraisonnable s’accordent dans animal. Donc comme il ne peut rien se trouver en dehors de l’intellect de quoi il y ait être, rien ne pourra être la différence de l’être, et par conséquent l’être ne pourra pas non plus être genre. On donne aussi une autre raison pourquoi l’être n’est pas genre, c’est parce qu’il ne peut pas être univoque à l’égard de la substance et de l’accident. Il faut remarquer que dans l’exemple proposé ci-dessus la matière est prise dans un autre sens qu’on la prenait d’abord, quand on a dit que les individus sont distingués par la matière, et que la matière est un principe d’individuation. Il y a, cri effet, la matière première et la matière spécifique, à savoir celle qui est caractérisée par la quantité et par les autres accidents qui opèrent l’individuation. Or, on appelle matière première ce qui est en puissance à l’égard de toutes les formes substantielles, et qui n’est considérée que dans sa pure potentialité, qui est appelée une par l’éloigne ment de toutes les formes en tant qu’on considère une nature potentielle perfectible par les formes, abstraction faite de ce qu’elle est parfaite par l’acte, et c’est de cette matière que nous parlions dans l’exemple mentionné plus haut. Quant à la matière spécifique, elle est ainsi appelée, suivant qu’elle a l’être avec telle quantité, telle qua lité, et avec tels accidents, et sous ce rapport elle n’est pas une pour tout, mais elle est divisée par des individus quelconques, comme sont divisés les accidents susdits de chaque individu. Et parce que tous les individus et chacun a une partie de la matière première, en considérant cette partie, non en tant que caractérisée par tels ou tels accidents, on dit que l’eau et le feu s’accordent dans une matière, comme dans l’exemple ci-dessus. 11 est donc évident à l’égard des trois prédicables essentiels qui concourent à ordonner un prédicament, sa voir: le genre, l’espèce et la différence qui sont appelés essentiels, qu’ils sont de l’essence des choses auxquelles ils sont appliqués.

Chapitre VI : De l’origine du propre, et comment il se trouve dans tout individu de l’espèce et toujours.[modifier]

Nous allons parler maintenant des deux prédicables accidentels, à savoir du propre et de l’accident. Ils sont appelés accidents, parce qu’ils ne sont pas de la substance ou de l’essence des sujets auxquels ils sont appliqués. Il faut observer que l’être réel se divise en substance et accident, c’est pourquoi en prenant ainsi l’accident en tant qu’il se divise d’avec la substance, le propre est accident, et se compte parmi les accidents; car il n’est pas de la substance de ce dont il est le propre, et ne peut pas se trouver dans le prédicament de la substance. L’accident est pris dans un autre sens, non en tant qu’il se divise d’avec la substance, mais comme étant l’un des cinq prédicables, et dans ce sens le propre n’est pas accident, bien plus il en est séparé. Or, le propre se définit ainsi: le propre est ce qui se trouve dans une seule chose, et toujours, et se dit réciproquement de la chose. Or pour bien connaître les points de cette définition, parce qu’il nous est grandement nécessaire de connaître le propre, qu’Aristote appelle une passion propre, parce que dans une démonstration on ne conclut rien autre chose du sujet que la propre passion, il faut savoir qu’il arrive qu’une chose est dite d’une autre ou appliquée à une autre de deux manières, à savoir, par soi et par accident. La prédication par accident peut se faire de trois manières; la première quand l’accident se dit du sujet, comme l’homme est blanc; la seconde quand le sujet se dit de l’accident, comme le blanc est homme; La troisième, quand l’accident se dit de l’accident, comme le blanc est harmonieux. Par soi la prédication se fait de plusieurs manières, ainsi qu’on le verra dans le traité de la démonstration. Le second de ces modes de prédication par soi a lieu quand le propre se dit de ce dont il est propre, comme, l’homme est risible. Donc comme le propre se dit du sujet, parce que ce n’est pas par accident, comme on l’a dit des accidents à l’égard de leurs sujets, il a par soi vis-à-vis de son sujet une autre habitude que n’ont pas les accidents communs. Car ceux-ci n’ont d’habitude à l’égard de leurs sujets que comme à la cause matérielle, en prenant cette matière pour sujet, qui est en puissance par rapport aux accidents, comme à certains actes qui lui sont inhérents. D’où il suit que si le propre n’avait que cette habitude à l’égard du sujet, à savoir que le sujet fût seulement passif et son réceptif, dans ce cas, comme ce qui n’est que le réceptif d’une chose, n’impose pas la nécessité d’être à la chose vis-à-vis de laquelle il est dans un tel rapport, il s’ensuit que le propre ne suit pas nécessairement le sujet, et que par conséquent par soi il ne pourrait être appliqué, et cependant nous avons vu le contraire. Nous voyons, en effet, dans les choses naturelles certaines opérations qui conviennent toujours à toutes les choses qui sont de la même espèce, comme attirer le fer convient toujours à l’aimant quel qu’il soit, c’est pourquoi il faut que ces opérations suivent quelque principe intrinsèque permanent dans ces corps. Néanmoins ce principe est appelé puissance en vertu, parce que la vertu est la puissance qui est portée à la dernière chose qui peut se faire. Donc un tel principe tient la puissance d’être de la forme spécifique de cette chose. Et on ne peut pas dire que le sujet n’impose pas à une pareille vertu la nécessité d’être, mais un générateur, parce que si le sujet n’a aucune habitude nécessaire à un tel propre, quelque grand générateur que le sujet produise avec cette passion, cette passion propre cependant serait par accident par rapport au sujet, et non par soi, et de cette manière elle ne pourrait être démontrée, le contraire se verra plus bas. Il reste donc maintenant que le sujet ait à l’égard de son propre l’habitude de cause efficiente, ce que l’on peut établir ainsi. En effet, les qualités propres agissent comme instruments de formes substantielles, car elles agissent pour produire les formes substantielles, comme la chaleur du feu agit sur le bois pour produire le feu, ce qu’elle ne pourrait pas faire, si elle n’était l’instrument de la forme substantielle de cet agent. Il en est ainsi, parce qu’elles reçoivent des formes substantielles la vertu de produire un tel effet, et ces qualités ne reçoivent pas des formes substantielles une vertu quelconque différente d’elles; elles ne reçoivent donc rien de plus qu’elles-mêmes; donc les formes substantielles des sujets sont la cause effective de leurs propres. Mais il s’élève à cet égard un grand doute, car il s’ensuit que le même sujet est sous le même rapport agent et patient et cause d’action et de passion, au moins dans les substances séparées, qui n’ont pas une partie en dehors de la partie; c’est pourquoi la même substance de l’ange, comme indivisible, serait sous le même rapport effective de la passion propre, et réceptive en même temps, ce qui ne paraît pas convenable. Pour l’intelligence de cela il faut savoir qu’une chose se produit à sa manière dans l’action ainsi que dans la passion; or, dans la passion on appelle passif non seule ment ce qui reçoit, mais encore ce qui dispose à recevoir, par exemple: la cire qui reçoit la figure est appelée passive à l’égard de la figure, et non seulement la cire est dans un état passif par rapport à la figure, mais aussi la mollesse qui dispose la cire à recevoir une semblable impression est également un état passif par rapport à la figure; car, quoique ce ne soit point la mollesse qui reçoive la figure comme étant la condition réceptive, cette disposition est néanmoins en quel que façon une condition susceptive, et encore à sa manière un principe donnant naissance à quelque chose dans un certain ordre, et par une certaine connexion nécessaire par le moyen de quelque autre chose, produit quelque chose, et ce qui est produit est dans un état actif par rapport au principe producteur. Comme un clou enfoncé dans une poutre, si le mouvement était toujours imprimé à la poutre u moyen du clou, quoique tout le mouvement vint effectivement de l’homme vivant qui imprimerait le mouvement, à savoir à la poutre et a clou, cependant le clou serait dans une disposition active au mouvement par rapport à la poutre, il se montre de même à l’égard du sujet par rapport à sa propre passion. Car le sujet est comme le clou, la passion comme la poutre, produisant et faisant mouvoir l’un et l’autre, et donnant l’être à l’un et à l’autre, à savoir au sujet et à la passion, comme le mouvement est imprimé par, le moteur dans le clou et dans la poutre. De cette manière les deux opinions sont sauvegardées, et tout doute est résolu. Ce que nous venons de dire peut donc établir deux points de la définition du propre. Savoir que le propre se trouve dans tout et toujours. En effet, si le propre a une connexion nécessaire et naturelle avec la forme spécifique, comme il a té dit, il doit se trouver nécessairement dans toutes lés choses qui ont une forme spécifique, mais la forme spécifique se trouve dans tous les individus de la même espèce; donc le propre convient à tout ce qui est contenu dans l’espèce, et il se convient toujours, tant qu’il participe à la forme spécifique; ainsi se trouvent établis deux points de la définition du propre, etc.

Chapitre VII : Le propre est inhérent à la seule espèce, et se dit d’elle réciproquement.[modifier]

Pour concevoir un autre point de la définition du propre, à savoir comment il à une seule espèce, il faut savoir, ainsi que nous l’avons dit, qu’il y a différents degrés de perfection dans les êtres qu’Aristote compare aux nombres, dans le livre VIII de la Métaph. C’est ce qui lui fait dire que les espèces des choses sont comme les nombres, et en con comme les nombres par rapport à l’unité ont divers degrés formels, comme le degré du quaternaire est différent de celui du quinaire et ainsi des autres: de même les degrés formels des espèces des choses sont différents par rapport à tout premier principe incomposé, et on ne peut pas trouver deux espèces dans le même degré pas plus que deux nombres d’espèce différente. Donc dans toute espèce il y a une forme spécifique n’existant en aucune manière dans le degré d’être ou d’opération de la forme spécifique d’une autre espèce. Or, ainsi que nous l’avons dit, le propre, sui tant les principes propres de l’espèce, ne peut être que dans une espèce, c pour cela qu’on dit dans la définition qu’il est inhérent à une seule chose. Mais il faut savoir que le propre pris dans le sens le plus étroit, bien qu’il ne conviennent qu’à une espèce très spéciale, néanmoins rien n’empêche, dans un sens plus large, que le propre convienne aussi à une espèce subalterne, qui peut être un genre, par exemple. Nous disons, en effet, que le propre du triangle est d’avoir trois angles égaux à deux droits, et cependant le triangle renferme en soi plusieurs espèces. On comprend par là ce que dit Porphyre, que le propre convient d’abord à l’espèce et ensuite aux individus, ce qui est le contraire dans l’accident commun. Car si le propre regarde les individus, en tant qu’ils participent à la forme spécifique, il se vérifie donc relativement à l’espèce qu’il regarde d’abord antérieurement aux individus, et par conséquent il convient aux individus parce qu’il convient à l’espèce; l’accident, au contraire, ne regardant le sujet qu’à raison de l’inhérence, doit, selon les convenances, se manifester dans les individus avant de le faire dans les secondes substances, comme on le dira plus bas; donc l’accident con vient à l’espèce à raison de l’individu. Ensuite, dans la définition du propre on met cette particularité, à savoir, qu’il se dit de la chose par mode de conversion. Remarquez bien, comme nous le dirons plus bas, qu’il y a une certaine différence entre la prédication par soi et la prédication de prime abord. La prédication par soi s’effectue à l’égard des choses qui ont une connexion nécessaire avec les sujets dont elles sont affinées, tandis que la prédication première se fait à l’égard des choses qui sont l’objet de la prédication dont nous avons parlé, et où le prédicat a la même étendue que le sujet. C’est pourquoi, quoique risible se dise par soi de Sortès, ce n’est pas néanmoins de prime abord, parce que le propre, comme il a été dit, regarde l’espèce avant l’individu; et le propre ayant la même étendue que les espèces est dit s’affirmant d’abord ois par mode de conversion de l’espèce. Il est à remarquer que, quoique le propre convienne à une espèce, rien n’empêche néanmoins que le propre d’une espèce par participation convienne à plusieurs autres espèces, comme il est propre au feu d’être chaud, et néanmoins cette qualité convient à beaucoup d’autres espèces, en tant qu’elles tirent du feu la participation à cette qualité. Il faut aussi savoir, que le propre d’une espèce quelconque se prend quelquefois sous un seul nom et dans un seul objet signifié, comme risible est le propre de l’homme; quelquefois, au contraire, sous deux Opposés av disjonction, comme c’est le propre du nombre d’être pair ou impair, il en est évidemment de même du propre, etc.

Chapitre VIII : De l’origine de l’accident et exposition de sa cause.[modifier]

C’est un accident qu’il arrive d’être et de ne pas être dans la même chose sans la corruption du sujet. Pour l’intelligence de cela il faut savoir qu’une chose peut dépendre de l’autre de deux manières; la première c’est d’en dépendre comme d’une chose qui lui est antérieure au moins en nature, et dans ce sens une chose dépend de l’autre de quatre manières encore, et sous ce rapport il y a quatre causes. Dans l’homme, le corps dépend de l’âme comme de la forme, et l’âme et du corps comme de la matière, et l’homme de Dieu comme de la cause efficiente, et de la béatitude comme de la cause finale. Secondement, une chose peut dépendre d’une antre comme de ce qui se rapporte à elle consécutivement, comme le corps dépend de la figure, et la ligne de la rectitude ou de la courbure. Car on ne peut pas trouver de corps où il n’y ait pas de figure, ni une ligne où il n’y ait pas de rectitude ou de courbure, et dans ce sens tout sujet dépend de sa propre passion. C’est pourquoi quelque dépendance qu’il y ait dans les choses, soit causale, soit consécutive, et une chose dépend d’une autre de telle manière que son être rie peut se conserver ni en acte, ni en aptitude sans une telle chose, il est certain que cette chose sans cette autre dont elle dépend ainsi ne peut être conçue existante; car on ne pourrait pas concevoir que la matière exister sans la forme. Il faut remarquer à ce sujet qu’il peut arriver de deux manières que l’on conçoit une chose sans une autre; premièrement, dans la première opération de l’intellect dans laquelle l’intellect conçoit l’objet signifié du terme; secondement, dans la seconde opération de l’intellect dans laquelle il conçoit en composant ou en divisant par l’être et par le non être, comme lorsque je conçois que pierre est ou n’est pas blanc. Or, dans la première intellection je puis concevoir un corps sans figure, et tout sujet sans sa passion propre, car la figure n’est pas de l’essence du corps, puisque le corps est dans le genre de la quantité, et la figure dans le genre de la qualité; c’est pourquoi l’intellect peut concevoir un corps sans concevoir la figure. Il ne pourrait pas néanmoins concevoir un corps de cette manière sans concevoir le continu, parce que le continu est de l’essence du corps. Mais dans la seconde opération de l’intellect je ne puis pas concevoir qu’un corps soit sans figure, parce qu’un corps ne peut jamais être sans figure, ni un sujet sans sa passion propre, comme il a été dit. Or, le sujet n’a pas une pareille dépendance de l’accident commun; car il ne suit pas nécessairement le sujet comme la figure suit les principes essentiels du corps, car s’il est corps il a nécessairement une position des parties dans le tout, comme on le dira plus loin, parce que la position est la différence de la quantité. Or, celle-ci entraîne nécessairement la figure, ce qui n’arrive pas à l’égard de l’accident commun, par rapport à son objet. Donc le sujet peut être conçu sans concevoir l’accident commun, et il peut être conçu existant sans concevoir l’accident commun. Mais il ne peut pas être conçu existant sans l’accident propre, puisqu’il ne peut exister sans l’accident propre, car si on enlève la figure il n’y a plus de situation de parties, et par conséquent plus de corps; donc, il ne pourra donc pas être conçu sans lui existant. Donc l’accident peut s’y trouver et ne pas s’y trouver en dehors de la corruption du sujet, parce que l'être du sujet ne dépend pas en quelque manière de son être, ainsi qu’il a été dit. Ainsi se trouve expliquée la susdite description du sujet. Il faut néanmoins savoir qu’il peut se trouver quelque accident commun qui est dans un tel rapport avec ce sujet singulier qu'il provient de ses principes essentiels, comme, par exemple, la noirceur du corbeau, qui est nécessairement produite par cette matière caractérisée du corbeau. En parlant donc d’un semblable accident, je dis que l’on ne pourrait pas concevoir que ce sujet existât sans lui, et c’est ce qu’on appelle un accident inséparable qui est au principe singulier comme l’accident propre au principe de l’espèce. Et comme la matière caractérisée est en dehors de l’intellect de l’espèce, car cela est de l’intellect de l’homme qu’il a l’humanité, et pas davantage. Mais qu’une pareille chose soit telle ou telle chose caractérisée, cela n’est pas de l’intellect explicite de l’homme, comme les différences sont en dehors de l’intellect du genre, ainsi qu’il a été dit plus haut, c’est pour cela qu’on peut concevoir que le corbeau ou l’espèce du corbeau soit sans noirceur, et même avec la blancheur; c’est pourquoi l’accident inséparable est classé avec l’accident commun et non avec le propre, quoique dans un sens il convienne à l’un et à l’autre, comme nous l’avons dit. Ainsi donc il y a des accidents inséparables et des accidents séparables. A l’accident inséparable convient la susdite définition de l’accident, à savoir que le sujet peut être conçu existant sans lui, s’il est pris pour l’espèce, et non pour le singulier. Or, il faut savoir que quoique le sujet puisse être séparé d’un autre accident, comme il a été dit, l’accident néanmoins ne peut pas être séparé du sujet en acte ou en aptitude, je dis en aptitude, car quoique Dieu puisse séparer un accident du sujet, comme on l’enseigne communément des accidents de l’hostie consacrée, il est néanmoins impossible que ces accidents n’aient pas une aptitude au sujet. Car ce qui appartient à la raison propre d’une chose ne peut pas en être séparé, mais être en acte ou en aptitude dans le sujet, est de la raison propre de l’accident, car l’être de l’accident est l’inêtre, donc il ne peut pas en être séparé. Tout cela peut recevoir un nouveau jour de ce qui a été dit relativement à l’espèce. En effet, les accidents et toutes les formes substantielles n’étant pas un acte pur, lequel de soi n’est pas plurificable, s’ils sont plurifiés numériquement, c’est à raison de la potentialité qu’ils possèdent essentiellement de manière à être une partie réelle d’un composé substantiel ou accidentel. D’où il résulte que, comme la matière et la forme sont des parties substantielles de la chose, de même les accidents sont des parties accidentelles de la chose, comme la blancheur qui est une partie de ce composé qui est un homme blanc. Or, tous les accidents étant tels, il faut nécessairement qu’ils adhèrent au sujet en acte ou en aptitude. Voilà ce qui concerne l’accident et les cinq prédicables, etc.

Fin du premier traité des cinq universaux relativement à la chose et à l’intention logique.