Aller au contenu

Congrès de La Haye, 1790

La bibliothèque libre.
Congrès de La Haye, 1790
Congrès de La Haye. Note à leurs Hautes Puissances les Etats Belgiques, Bruxelles 15 septembre 1790
S.l.n.d..

Congrès de la Haye

Note à leurs Hautes Puissances les États Belgiques

Hauts et puissants seigneurs

Le moment urgent eſt enfin arrivé il va être diſcuté par les Puissances voisines du ſort de la République de nos Provinces Belgiques Unies.

LAngleterre, la Hollande & la Pruſſe cherchent tous les moyens poſſibles d’établir une Paix générale en Europe, elles ne peuvent pas y parvenir à moins de rétablir également la paix particulière entre les Provinces Belgiques Unies d’une part, & la Maison d’Autriche d’autre part : voila ce qui porte les trois Puiſſances à ouvrir une négociation à La Haye pour y entendre la diſcuſſion des prétentions réciproques ; de ſorte que quoique le but de ce Congrès ſoit de faire attention aux réclamations de l’ambaſſadeur Autrichien, le but de ce Congrès eſt également d’y faire attention aux prétentions & ſtipulations les plus juſtifiées en faveur de nos Provinces Belgiques Unies. Et Voila la teneur des Commiſſions dont ſeront munis les Commiſſaires Plénipotentiaires, Anglois, Hollandois & Pruſſien.

Si par conſéquent nous avons la prudence de négocier démonſtrativement & juridiquement pluſieurs ſtipulations favorables, dont l’enſemble produiroit une indépendance virtuele, il eſt bien évident, que notre indépendance virtuele pourroit ainſi être conſolidée en vertu de la teneur des commiſſions mêmes dont ſeront munis ces trois Plénipotentiaires au Congrès de La Haye.

La négociation pour y parvenir doit donc conſiſter dans la démonstration ſuivante.

1o Que Charles-Quint ayant jadis ſolicité & négocié par tous les moyens imaginables, afin que nos Provinces Belgiques fuſſent érigées en Royaume, ni les États des Pays-Bas, ni la France, ni l’Angleterre n’y ont jamais voulu conſentir.

2o Que par conſéquent nos Provinces Belgiques Unies n’ayant jamais été un Royaume, qui ait appartenu, ſoit à l’Espagne, ſoit à la Maiſon d’Autriche, il s’enſuit que feu Joſeph II n’ayant jamais été Roi de nos Provinces Belgiques, Il n’en a été, ainſi que ſes prédeceſſeurs, que ſimplement Gouverneur Général, ſous les différens titres honorifiques de nos Provinces reſpectives.

3o En preuve de quoi la Maiſon d’Autriche n’a jamais oſé donner à celui, ou celle, qui étoit envoyé de Vienne à Bruxelles à la place de Joseph II & de ſes prédéceſſeurs, que le ſimple titre de Lieu-tenant Gouverneur Général ce qui ſignifie tenant-lieu du Gouverneur Général des Pays-Bas Unis mais non pas tenant-lieu d’un Roi des Pays-Bas.
Voyer les Lettres Patentes du Duc de Saxeteſſchen, de Marie Christine, de feu le Prince Charles, &c.

4o La Maiſon d’Autriche étant convaincue de cette vérité doit donc avouer, que ce ne ſont pas nos Provinces Belgiques, qui lui ont appartenu, mais le ſimple Gouvernement, ou Administration de nos Provinces.

5o Elle doit avouer que ce Gouvernement, ou Administration, n’étoit rien de plus qu’un ſimple emploi, qui originairement avoit été créé par les Etats, qui (dans la Belgique) en qualité de Repréſentans nés du Peuple, ont ſoutenu ſucceſſivement depuis plus de deux mille ans, afin de conſerver l’indépendance primitive Belgiqe, des guerres ſanglantes, & toujours Victorieuses, contre les Romains, contre Carloman, contre les adhérens de Charles Martel, contre Berthold, contre le Duc d’Anjou &c. Et finalement contre Joſeph II.

6o La Maiſon d’Autriche doit avouer que le ci-devant Gouvernement Autrichien de feu Joſeph II dans nos Provinces Belgiques n’étoit rien de plus, que n’étoit le ci-devant Gouvernement Eſpagnol de feu Philippe II en Hollande.

7o D’où il eſt conſéquent, que ſi le Congrès de la Haye admettoit la réclamation de l’Héritier de feu Joſeph II. pour être réintégré dans le Gouvernement Autrichien aux Pays-Bas, il ſe trouveroit également obligé par la même raiſon d’admettre la réclamation de l’Héritier de feu Philippe II. pour être réintégré dans le ci-devant Gouvernement Eſpagnol en Hollande, puiſque la déchéance du ci-devant Gouvernement ou Adminiſtration Autrichienne aux Pays-Bas, étant auſſi légale, qu’étoit la déchéance du ci-devant Gouvernement Eſpagnol en Hollande, comme il conſte par la veracité de nos Manifeſtes, détruit & aneantit totalement le Droit de Succeſſion qui reſultoit de la ſanction pragmatique en faveur des Héritiers de Charles VI, à laquelle vos Hautes Puiſſances, Etats Generaux n’ont acquieſcé, (en Congrès) le 15 Mai 1725, que pour autant qu’il n’y auroit pas, de malverſation dans nos Provinces.

8o D’autant plus que cette ſanction pragmatique en faveur des héritiers de feu Charles II n’étoit motivée que ſur ce que l’Angleterre & la Hollande même n’avoient accordé en 1706 à Charles III le Gouvernement ou administration des Pais-Bas qu’en promettant très ſcrupuleusement qu’il ny auroit également deſormais pas de Malverſation dans nos Provinces.

9o Il eſt donc bien évident que comme non obſtant cette garantie ſacrée, la Malverſation depuis cette époque juſqu’aujourd’hui, & particulièrement ſous feu Joseph II étant toujours devenu de plus en plus revoltante, ni l’Angleterre, ni la Hollande, ne peuvent plus preter la main au rétablissement du Gouvernement Autrichien aux Pays-Bas, qu’elles ne pouroient preter la main au retablissement du Gouvernement Espagnol en Hollande.

10o Et puiſque cette garantie qui ſe trouve très clairement exprimée dans la Lettre qui repoſe encore dans les Archives de leurs Hautes Puiſſances les Seigneurs Etats de Brabant en date du 26 mai 1706, eſt la même qui a été exprimée de la part de la France dans les Art. 27 & 28 du trait de Radſtadt, il eſt bien évident que la France ne peut pas plus continuer à sanctioner ou a preter la main, ou a acquiescer à la reintégration du ci-devant Gouvernement Autrichien aux Pais-Bas, que ne le pourroit faire l’Angleterre ou la Hollande même.

Bruxelles ce 15
Septembre 1790.