Contes choisis de la famille/La mort la plus douce pour les criminels

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Traduction par un (ou une) anonyme.
Eugène Ardant et Cie (p. 99-101).


LA MORT LA PLUS DOUCE POUR
LES CRIMINELS.


On a cru longtemps que c’était la mort instantanée. On s’est trompé. Voici qui le prouvera.

Un homme qui naguère avait rendu de grands services à sa patrie, et qui, par conséquent, était bien noté près du prince, eut le malheur, dans un moment d’égarement et de passion, de commettre un crime par suite duquel il fut jugé et condamné à mort. Prières et supplications n’y purent rien : on décida qu’il subirait son arrêt. Toutefois, eu égard à ses bons antécédents le prince lui laissa le choix de son genre de mort. En conséquence, l’huissier criminel alla le trouver dans sa prison et lui dit :

— Le prince qui se souvient de vos anciens services, veut vous accorder une faveur : il a donc décidé qu’on vous laisserait le choix de votre genre de mort. Souvenez-vous seulement d’une chose, c’est qu’il faut que vous mouriez.

Notre homme répondit :

— Puisqu’il est entendu que je dois mourir, tout en déplorant la rigueur d’un destin cruel, je vous avouerai franchement que mourir de vieillesse m’a toujours paru la mort la plus douce ; aussi est-ce pour cette mort là que je me décide, puisque le prince a la bonté de me permettre de choisir.

On eut beau lui faire tous les raisonnements du monde, rien n’ébranla son opinion ; comme le prince avait donné sa parole, et qu’il n’était pas homme à y manquer, on se vit donc forcé de rendre la liberté au condamné, et d’attendre que la vieillesse se chargeât de mettre à exécution l’arrêt porté contre lui.