Contes du Pays Gallo/Introduction

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Honoré Champion (p. vii-viii).

INTRODUCTION.


Marg’rite Courtillon — qui est morte depuis longtemps — était bien la plus étrange petite bonne femme que l’on pût imaginer. Elle tenait à Bain une misérable auberge, dans la rue de la Rouëre, et c’était chez elle que descendait toute cette population vagabonde qui, alors, parcourait la France d’un bout à l’autre : les rétameurs de cuillères et de casseroles, les pauvres enfants de l’Auvergne, venant sous les pluies de l’automne et les brumes de la Toussaint, ramoner nos cheminées, les peillotous de Quintin, qui parcouraient les villages en échangeant quelques mouchoirs de couleur mauvais teint, contre des chiffons destinés à faire du papier, les normands chasseurs de chevelures qui s’en allaient, les jours de foires et de marchés, tondre les magnifiques cheveux de nos paysannes, et enfin les taupiers qui, pour cent sous par an, surveillaient et débarrassaient des taupes les prairies des cultivateurs.

C’était généralement en hiver que ces industriels venaient en Bretagne.

La journée de travail terminée, ils formaient le cercle devant la vaste cheminée de l’auberge, et, tout en mangeant des châtaignes grillées et en buvant du cidre, ils racontaient leurs voyages, et tout ce qu’ils avaient appris dans leurs pérégrinations.

Marg’rite, qui filait sa quenouille dans un coin du foyer, ne perdait pas un mot de leur conversation ou de leurs contes, ni un couplet de leurs chansons. Aussi en savait-elle long, la petite mère Courtillon !

Un mot, une inflexion de voix, un rien réveillait dans sa tête les récits qui y étaient accumulés, et, comme sa mémoire était prodigieuse, son répertoire ne s’épuisait jamais.

C’est à elle que nous devons la plus grande partie des contes du présent volume. S’il nous en a été dit par d’autres, ceux-ci les tenaient de la bonne vieille.

A. O.