Contes du lit-clos/Complainte d’Exil

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Contes du Lit-ClosGeorges Ondet, Éditeur (p. 255-256).


COMPLAINTE D’EXIL




Sous le ciel bleu de la Provence,
Ô ma Bretagne ! mon pays
À toi, toujours à toi je pense…
Sous le ciel bleu de la Provence
Je soupire après ton ciel gris !

Devant la Méditerranée
Douce comme un regard d’enfant
Je songe à ta vague obstinée…
Devant la Méditerranée
Je songe à ton rude Océan !

Devant ces arbres fantastiques :
Les eucalyptus, les palmiers,
Je songe à tes arbres rustiques…
Devant les géants des tropiques,
Je songe à tes petits pommiers !

Devant les mimosas, les roses,
La flore de toutes saisons,
Je songe à de plus humbles choses…
Devant les mimosas, les roses
Je songe à tes pauvres ajoncs !

Devant les grandes routes blanches,
Les larges chemins poussiéreux.
Je songe aux sentiers sous les branches :
Devant les belles routes blanches,
Je songe à tes vieux chemins creux !


Devant les demeures princières,
Temples de richesse et d’amour,
Je songe à tes humbles chaumières…
Devant les demeures princières,
Je songe à tes clochers à jour !

L’Hiver venu, mon corps s’éloigne…
Mais mon cœur reste auprès de toi !
Que cette complainte en témoigne,
Arvor : de toi plus je m’éloigne,
Plus tu te rapproches de moi !



Cannes, février 1900.