Contes et légendes annamites/Légendes/065 La reconnaissance de l’étudiant mort

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LXV

LA RECONNAISSANCE
DE L’ÉTUDIANT MORT.



Deux étudiants s’étaient intimement liés. Ils étaient pauvres et n’avaient pas de quoi manger tous les jours, cependant ils continuèrent à travailler ensemble, et lorsque vint le moment des concours, se présentèrent en même temps. Par malheur l’un d’eux mourut dans l’enceinte même du concours ; l’autre fut très affligé et abandonna son examen pour aller enterrer son ami. Ensuite il demeura trois ans auprès du tombeau.

Quand les concours furent ouverts de nouveau, il prit congé de son ami mort pour s’y rendre. Une fois à l’œuvre son visage s’empourpra[1] et sa main se mit à écrire sans se reposer, tandis qu’il murmurait continuellement des paroles, au grand étonnement de ses voisins. Revenu à son logement, notre étudiant vit en rêve son ami qui lui dit : « Vous m’avez aimé, vous avez veillé à mes funérailles et vous avez gardé trois ans mon tombeau. Je ne savais que faire pour vous récompenser, c’est pourquoi je vous ai soufflé quelques mots pour vous faire recevoir. »

Le dormeur se réveilla et fut tout joyeux de son rêve. Il fut reçu avec le titre de trang nguyên. En revenant triomphalement dans sa patrie il s’arrêta au tombeau de son ami et y bâtit une chapelle. Il venait souvent le voir dans cette chapelle ; l’âme de son ami se manifestait et ils conversaient ensemble, sans cependant qu’il vit aucune forme. Souvent ceux qui passaient près du tombeau furent étonnés d’entendre ainsi deux voix qui se parlaient, tandis qu’ils n’y voyaient qu’un homme. Le roi apprit ce prodige et fit venir le trang nguyèn pour lui demander des explications. Quand celui-ci les lui eut données, il le loua de sa fidélité à l’amitié, vanta la puissance surnaturelle du mort et lui décerna des titres.

L’ami mort avait laissé une fille, le trang nguyèn avait un garçon. Quand le trang nguyèn mourut il rencontra son ami aux Enfers et ils résolurent d’unir leurs enfants. Ils leur apparurent donc en rêve et leur ordonnèrent de se marier ensemble. Ceux-ci obéirent au vœu de leurs parents.

Par la suite l’on entendit souvent des voix dans cette chapelle sans que l’on vit ceux qui parlaient. L’on allait y demander l’accomplissement de ses vœux et l’on était toujours exaucé.



  1. Voir XIV, note.