Contes et légendes annamites/Légendes/089 Respect d’un génie pour un enfant prédestiné

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LXXXIX

RESPECT D’UN GÉNIE
POUR UN ENFANT PRÉDESTINÉ.



Dans la province de Nghè an vivaient au village de Càm làm deux époux nommés : le mari Mai van dao, et la femme Hô thi nghi. Ils étaient très pauvres et gagnaient leur vie en allant scier du bois dans la montagne. Quand ces deux époux furent âgés d’une quarantaine d’années, ils eurent un fils. Cet enfant, dès l’âge de sept ans, montra tellement de génie naturel que tout le monde le respectait.

Près de la maison de son père il y avait une chapelle dédiée au génie local devant laquelle l’enfant avait coutume de jouer avec ses camarades. Un soir l’ông tù[1] s’endormit dans cette chapelle. Il vit en rêve le génie qui lui dit : « Dans ce village il va un trang nguyèn, fils de Mai van dao, qui vient toujours jouer devant ma chapelle. Cela me force à demeurer debout pour lui témoigner mon respect, ce qui m’incommode grandement. Dites aux notables de faire faire un écran de six pieds de haut devant la chapelle, afin de me cacher et que je n’aie plus à me tenir debout.

L’ông tù alla faire son rapport aux notables qui refusèrent d’abord de le croire et allèrent eux-mêmes dormir dans la chapelle. Ils virent, en rêve le génie qui leur répéta ce qu’il avait dit et ajouta qu’à dix-huit ans l’enfant arriverait aux honneurs. Les notables firent donc construire un écran afin que le génie assis dans l’intérieur ne vît pas le dehors.

Mais dans ce village il y avait beaucoup de méchantes gens qui furent jaloux de l’élévation future de cet enfant et se mirent à rechercher toutes les occasions de quereller ses parents et de lui faire du mal. Au bout de quelque temps le génie apparut de nouveau en rêve aux notables et à l’ông tù et leur dit : « Vous pouvez démolir l’écran, car le Ciel, irrité de votre malice, va rappeler le trang nguyên. »

Peu de jours après l’enfant mourut, et depuis ce temps aucun habitant de ce village n’a obtenu de succès aux examens[2].



  1. Espèce de sacristain.
  2. Il y a dans le Livre des récompenses et des peines (p. 266) une historiette qui commence d’une manière analogue.