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Contes et légendes annamites/Légendes/101 Vertus merveilleuses de l’oiseau khach

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VERTUS MERVEILLEUSES
DE L’OISEAU KHACH.



Deux enfants d’une famille riche revenaient de faire leurs études, quand ils rencontrèrent un berger qui élevait un khâch[1]. Les deux frères virent que ce khâch était doué de pouvoirs merveilleux et que celui qui mangerait sa chair deviendrait un roi. Ils demandèrent donc au berger de le leur vendre. Le berger le leur donna pour quatre mille ligatures.

Arrivés chez eux, les deux frères confièrent cet oiseau à trois servantes, chargées : la première de le nourrir, la seconde de le baigner, la troisième de le surveiller.

L"oiseau grandit à merveille, mais un capitaine de bateau chinois, qui connaissait la magie, fut instruit par ses calculs astronomiques de l’existence de cet oiseau. Il vint donc dans le pays et, tandis que les deux frères avaient quitté leur maison pour continuer leurs études, il fit la cour à leur mère et devint son amant.

Au bout de quelque temps il fit semblant de vouloir retourner en Chine. La mère fit tout son possible pour le retenir, mais il lui déclara qu’il ne consentirait à rester que si elle lui faisait manger cet oiseau. La mère ordonna donc aux servantes de le faire cuire et de le lui servir. Celles-ci résistèrent d’abord, alléguant les ordres de leurs maîtres, mais elle les battit et elles furent forcées d’obéir.

Pendant ce temps les deux étudiants se sentirent pris de douleurs intérieures ; quand ils prenaient en main un pinceau il était aussitôt couvert de mouches. Ils demandèrent à leur maître la permission de retourner chez eux, car il devait s’y passer quelque chose d’extraordinaire.

À peine étaient-ils arrivés à la porte, que les servantes se précipitèrent vers eux et leur dirent que leur mère avait pris pour amant un capitaine chinois qui, en ce moment, dormait dans la maison et leur avait ordonné de lui servir le khâch, mais il n’était pas encore cuit et était dans la marmite.

Les deux frères n’osèrent rien dire à leur mère. Ils se firent porter le khàch, le mangèrent, prirent de l’argent et de l’or et donnèrent trois mille ligatures, aux servantes, en leur disant de se retirer ailleurs. Quant à eux, ils allèrent dans la montagne. Là ils se mirent à se chercher les poux et s’endormirent.

Deux génies qui les virent ainsi, et qui les savaient prédestinés à être rois, les transportèrent l’un dans le royaume de Sô, l’autre dans le royaume de Tê. Bientôt après la guerre éclata dans tout l’empire, mais les deux frères vainquirent tous leurs adversaires et se trouvèrent chacun maître d’un royaume. Ils eurent alors une entrevue où il se reconnurent.



  1. Nom d’un oiseau.