Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 2/0314

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Louis Conard (Volume 2p. 382-383).

314. À LOUISE COLET.
Dimanche, 2 heures.

Bouilhet est là qui pioche ton œuvre, nous allons t’écrire nos remarques et corrections qui vont probablement nous occuper jusqu’à 6 heures.

Merci de ton offre d’article pour la Presse. Ce ne sera pas, probablement, de refus ; mais attends-moi pour en causer. Es-tu sûre d’ailleurs que l’article soit admis ? Je t’irai sans doute voir dans une quinzaine. J’ai encore 8 à 10 pages à faire et à en recaler quelques autres avant d’être arrivé à un temps d’arrêt ; après quoi je me donnerai cinq à six jours de vacances.

J’ai assez travaillé cette semaine. J’ai bon espoir, pour le moment du moins, quoiqu’il me prenne quelquefois des lassitudes où je suis anéanti. J’ai à peine la force de me tenir sur mon fauteuil dans ces moments-là. N’importe, je voudrais bien que mon roman fût fini et te le lire. Ce sera diamétralement l’antipode de Saint Antoine, mais je crois que le style en sera d’un art plus profond.

Je n’entends point parler de Du Camp. Au reste c’est un sujet qui m’afflige et te saurai gré de ne plus m’en ouvrir la bouche.

Pourquoi m’envoies-tu des autographes de d’Arpentigny ? Ils n’ont rien de curieux. Je cherche à savoir quel est le sens de ces présents.

[…] Ce bon Augier ! Il avait bien débuté, mais ce n’est pas en fréquentant les filles et en buvant des petits verres que l’on se développe l’intelligence. Et puis tous ces gars-là sont d’une telle paresse et d’une si crasse ignorance ! Ils ont si peu la foi ! et si peu d’orgueil ! Ah ! Ah ! les gens d’esprit, quels pauvres gens cela fait !

Adieu, chère Louise, à bientôt donc.

Je t’embrasse.