Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1060

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Louis Conard (Volume 6p. 67-68).

1060. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, mercredi, 11 heures [8 septembre 1869].
Mon cher Carolo,

Je ne pourrai pas aller à Dieppe avant le 20 ou le 25 du mois. D’ici là, fais donc tout ce que tu voudras. J’espère que mes peintres auront fini complètement, cette semaine. Toute la semaine prochaine sera prise par mon tapissier, puis il faudra déménager et emménager !

Je n’ai presque plus de meubles. Tu ne saurais croire le mouvement de tristesse qui m’a pris, lundi, quand j’ai vu partir mon grand fauteuil de cuir et mon divan. Cela me fait de la peine de quitter mon boulevard du Temple, où je laisse des souvenirs très doux. Tu y es mêlée, ou plutôt tu y tiens une grande place, pauvre chérie. Enfin, il faut être philosophe pour cela comme pour tout le reste.

J’ai, hier, dîné chez le père Cloquet, avec ton ami le baron Larrey[1]. Petit repas fort bon et fort aimable. Vendredi je dîne avec la mère Sand et samedi je vais à la première représentation de la Petite Fadette, un opéra-comique que l’on a fait sur son roman. J’ai eu, dimanche, toute la journée, la visite de ce bon Bardoux (de Clermont).

Le roman de ton Vieux est attendu très impatiemment. Les petites feuilles s’occupent beaucoup de moi et disent pas mal de bêtises sur mon compte. Rien que quatre articles sur la « boîte » qui contenait mon manuscrit !

Quant à Aïssé, j’ai le plus grand espoir. Comme ta maman va s’ennuyer à Croisset, arrange-toi pour qu’elle n’y reste pas longtemps. Dans toutes ses lettres, elle me talonne pour revenir, sans songer que j’ai des affaires qui me retiennent à Paris. Ainsi, depuis que je suis levé j’ai corrigé trois épreuves et, après mon déjeuner, je vais aller à l’imprimerie. J’espère toujours paraître vers la fin d’octobre. Mais il ne faut pas perdre de temps.

Adieu, mon pauvre Caro chéri.

Je t’embrasse fort et très tendrement.

Ton vieux bonhomme en baudruche.

  1. Fil du chirurgien du Premier Empire.