Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1382

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Louis Conard (Volume 7p. 35-36).

1382. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Jeudi [3 juillet 1873].

Comment se fait-il que depuis si longtemps je n’aie entendu parler de vous, Princesse ?

Votre silence commence à m’inquiéter, je n’ai rien de plus à vous dire, ou plutôt c’est ce que j’ai de plus important à vous dire.

Carvalho est venu ici, samedi dernier, entendre la lecture du Sexe Faible et il m’en a paru très content. Il croit à un succès.

Si L’Oncle Sam de Sardou est rendu par la censure, je ne serai joué qu’en janvier, ce que je souhaite. Sinon, je passerai en novembre. De toute façon je serai joué l’hiver prochain ; advienne que pourra !

Mais ces occupations dramatiques m’ont éreinté, car j’y ai été lentement et sérieusement. Si bien que je dors beaucoup, dix heures par nuit et deux dans la journée : ça repose un peu ma pauvre cervelle.

Avez-vous lu L’Antechrist de Renan ? Je trouve cela un maître-livre ; et vous, Princesse ?

J’ai appris indirectement, il n’y a pas plus de deux ou trois jours, la mort de la pauvre Mme Benedetti ! Je sais combien son mari l’aimait et je le plains profondément.

Dans votre dernière lettre, vous me paraissiez avoir des inquiétudes politiques.

Elles sont passées, n’est-ce pas ?

Songez quelquefois, Princesse, à votre vieux fidèle qui vous aime et vous baise les deux mains.