Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 7/1490

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Louis Conard (Volume 7p. 193-195).

1490. À SA NIÈCE CAROLINE.
Paris, lundi 7 septembre 1874.
Chère Caro,

J’ai reçu hier la visite de Xemer qui m’a remis 1 000 francs. Remercie-z’-en ton époux qui commence à devenir beau, malgré sa sciatique. Veut-il que je me rende chez le fabricant de pulvérisateurs pour lui reporter son instrument ? Rien ne me serait plus facile.

Mes compliments sur ta soirée de samedi. Les Dieppois ne pourront plus vous accuser d’être fiers ! Quant à moi, le même jour samedi, j’ai passé toute ma soirée à voir jouer deux de mes futurs acteurs dont je suis loin d’être enthousiasmé. Je vais aller de ce pas chez Weinschenk pour lui communiquer mon impression peu favorable. Et il faut que je m’entende avec Zola pour des engagements nouveaux. Si tous les autres sont comme ces deux-là, ce sera pitoyable ! Cette perspective ne laisse pas que de m’inquiéter ; tant pis, après tout… !

J’ai passé mon après-midi d’hier à lire un manuscrit de mon ami Dreyfous, qui est fort bête (le manuscrit). C’est une petite pièce en vers dont la première aura lieu lundi ou mardi prochain à l’inévitable théâtre de Cluny.

Dès que je serai rentré à Croisset (dans une huitaine) j’y aurai la visite du poète Théodore de Banville. Puis, au commencement d’octobre, j’aurai celle de Popelin et du Père Giraud. Tu vois que, moi aussi, je recevrai ! Je me suis acheté une paire de chenets en fer pour mon cabinet, me préparant à piocher vigoureusement Bouvard et Pécuchet pour lesquels je me sens, au fond du cœur, un revif.

Tu ne me dis pas quels sont présentement tes hôtes ?

Mon serviteur Émile a fait un petit voyage à Trouville « pour se distraire ». Fortin m’a envoyé ce matin des nouvelles de Julie. On doit lui donner aujourd’hui des lunettes, c’est-à-dire qu’elle va bientôt sortir de l’hôpital. Il est probable que je la trouverai à la maison quand j’y rentrerai.

Il faudra que nous nous occupions de la loger quelque part, pour le temps où je ne suis pas à Croisset.

Adieu, pauvre chère fille. Écris-moi encore ici pour la fin de la semaine, et aime toujours

Ta vieille Nounou.

Décidément, le Rigi m’a fait du bien. Je monte les escaliers sans essoufflement et je suis beaucoup moins rouge et moins nerveux.