Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1767

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Louis Conard (Volume 8p. 158-159).

1767. À MADAME RÉGNIER.
[Croisset], dimanche [octobre 1878].
Ma chère confrère,

Mon neveu m’a apporté hier de Paris les Rieuses. Charpentier l’avait envoyé au faubourg Saint-Honoré. Mme Commanville s’est précipitée dessus. Je n’ai pu commencer ma lecture qu’à 11 heures du soir. Comme j’allais très lentement, je n’ai fini qu’à minuit.

Eh bien, je ne m’étonne pas du succès. Votre pièce a tout ce qu’il faut pour plaire. Le genre admis, c’est un petit chef-d’œuvre. La tête qui a fait cela est bonne. L’adresse et l’esprit foisonnent. On dirait que l’auteur est « un vieux roublard ». Je relève un mot profond : « le rire a sa vertu », et il y en a beaucoup de charmants. Pour moi, il y en a même trop. Ça sent le boulevard.

On ne vous connaît pas encore et bientôt, j’en suis sûr, nous verrons une vraie œuvre. J’entends par ce mot la peinture des choses éternelles. Mais vous avez pris la bonne route. Vous êtes maintenant du théâtre. Courage ! Il me tarde de vous surprendre « en flagrant délit ».

Vos aimables reproches à propos de l’infâme épithète de bourgeoise m’ont amusé et attendri. Mais je ne suis pas bien sûr de les mériter. J’ai peur même que ce ne soit une invention de votre amie, pour vous piquer d’honneur, vous faire revenir sur votre décision.