Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1781

La bibliothèque libre.
Louis Conard (Volume 8p. 176-177).

1781. À GUY DE MAUPASSANT.
Croisset, nuit du 31 décembre 1878.

Merci pour l’envoi. C’est bien beau cet article. Mon Dieu ! mon Dieu ! mon Dieu ! Que les journalistes sont bêtes !

J’avais lu l’élucubration de Zola dans le Figaro[1]. Elle a remué « la ville et la province ». Oui, jusqu’à Rouen, jusqu’à Caudebec (sic) ça a produit un immense effet. Notre ami sait s’y prendre pour faire parler de lui. Rendons-lui cette justice.

Mais que dites-vous du dogme de « l’Hypocrisie littéraire », tellement établi maintenant qu’il n’est plus permis d’avoir une opinion à soi ? On doit trouver bien tout, ou plutôt tout ce qui est médiocre. Quand un monsieur proteste, ça révolte.

Maintenant parlons de vous. D’après ce que j’ai compris dans votre dernière lettre, vous n’êtes pas encore nommé en titre. Quand sera-ce ? Peut-être veut-on vous essayer ? Mais, si vous êtes bien vu de tous les directeurs, l’affaire se fera.

Quant à moi, je continue à être d’une noire tristesse, ce qui ne m’empêche pas de travailler formidablement. Je suis perdu dans la métaphysique, chose peu gaie, d’ailleurs. Je prépare mes trois derniers chapitres à la fois : Philosophie, Religion et Morale. Ce poids m’écrase. Ajoutez-y celui de ma personne et vous comprendrez mon aplatissement.

Je suis curieux d’avoir des détails sur votre « Matinée »[2].

Vous voilà un peu plus tranquille, n’est-ce pas ? Vous allez re-travailler ? Je vous en écrirais long, mais je suis éreinté à force de lire et de prendre des notes.

En vous la souhaitant bonne et heureuse, je vous embrasse.


  1. Les Romanciers contemporains.
  2. La représentation « à huis clos » de La Feuille de rose, maison turque, de Maupassant.