Correspondance de Voltaire/1718/Lettre 35
Monseigneur, faudra-t-il que le pauvre Voltaire ne vous ait d’autres obligations que de l’avoir corrigé par une année de Bastille[1] ? Il se flattait que, après l’avoir mis en purgatoire, vous vous souviendriez de lui dans le temps que tous ouvrez le paradis à tout le monde.
Il prend la liberté de vous demander trois grâces : la première, de souffrir qu’il ait l’honneur de vous dédier la tragédie[2] qu’il vient de composer ; la seconde, de vouloir bien entendre quelque Jour des morceaux d’un poëme épique[3] sur celui de vos aïeux auquel vous ressemblez le plus ; et la troisième, de considérer que j’ai l’honneur de vous écrire une lettre où le mot de souscription ne se trouve point.
Je suis avec un profond respect, monseigneur, de Votre Altesse royale le très-humble et très-pauvre secrétaire des niaiseries,
- ↑ M. Ancelot, dans son voyage intitulé Six Mois en Russie, dit avoir vu, en 1820, à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, le portefeuille enlevé à Voltaire, lors de sa détention à la Bastille. Ce portefeuille, d’où proviennent les lettres 31 et 32, est à la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg, sous le
- ↑ Œdipe. Cette tragédie a été dédiée, non au Régent, mais à sa femme ; voyez tome II, page 8.
- ↑ « Croiriez-vous, dit Frédéric II, que ce fut à la Bastille même que le jeune poëte composa les deux premiers chants de la Henriade ? »
satiriques et historiques avec des remarques curieuses, années 1717-18, vol. XIV (mars 1717), folio 47.