Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 590

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Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 65).
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590. – À MADEMOISELLE QUINAULT.
Ce 3 avril 1736.

Ah ! je suis perdu ; ah ! je suis sifflé ; je suis mort, je suis enterré. Lamare sait tout : il sait que j’ai fait ce que vous savez[1], soit qu’on le lui ait appris en lui recommandant le secret, soit qu’en effet il ait abusé de la familiarité qu’il m’avait extorquée, en regardant dans mes papiers. Ah ! Thalie, divine Thalie ! quelle tête que ce Lamare ! Il faudrait le tenir en prison avec un bâillon pendant un mois. Mais enfin, parlez-lui ; un mot de votre bouche pourra fermer la sienne. Il ne peut avoir vu dans mes papiers qu’un ou deux mots qui lui auront fait soupçonner ce dont il s’agit ; il ne sait rien d’ailleurs. Voyez ce qu’il y a à faire. Songez, charmante Thalie, que tout dépend du secret ; que ce secret est un miracle, et que c’est à vous d’en faire. Vous et vos amis, au bout du compte, savent bien que cela est de Gresset. Je souhaite à ce Gresset, du meilleur de mon cœur, toute sorte de prospérité. Mon Dieu ! Qu’il nous aura d’obligation ! Qu’il est heureux d’être entre vos mains ! Qu’il doit vous aimer et travailler pour vous ! Comptez à jamais sur le tendre dévouement de ce Gresset.

  1. La comédie de l’Enfant prodigue