Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 635

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Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 112-113).
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635. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 31 (auguste 1736).

J’ai oublié, mon cher ami, parmi tous les plaisirs que je vous ai demandés, celui de me faire savoir quel est le sujet du prix proposé cette année par l’Académie des sciences. Je m’adresse à vous, de peur que, si j’écrivais à quelque académicien, on ne pensât que je veux composer pour les prix. C’est une chose qui ne convient ni à mon âge, ni à mon peu d’érudition. Je suis chargé de savoir quel est le sujet du prix, par un ami qui demande un secret inviolable. Je ne connais point d’homme plus secret que vous. Ainsi ce sera vous, s’il vous plaît, qui nous rendrez ce service. Vous serez informé de la chose à l’Imprimerie royale. Il y a, je crois, des programmes imprimés qu´on vous donnera. Le portier de l’Académie des sciences pourrait aussi faire votre affaire.

Nouvelle importunité, mais nouvelle grâce qu’il faut que vous me fassiez.

Passez, je vous prie, chez Demoulin. Vous pourrez prendre l’occasion du billet de M. de Bellemare, payable en septembre. Sachez s’il est vrai que ce petit Lamare, que j’ai accablé de bontés, se déchaîne aussi contre moi. Parlez à Demoulin avec bonté : il doit bien rougir de son procédé avec moi. Il m’emporte vingt mille francs[2] et veut me déshonorer ; et, pour comble, il faut encore l’apaiser, car en perdant vingt mille francs il ne faut pas acquérir un ennemi.

Envoyez-moi donc vite mon portrait.

Adieu, mon très-cher abbé, je vous embrasse en vous demandant bien pardon.

  1. Édition Courtat.
  2. D’après les actes passés entre Voltaire et Demoulin à la date des 17 mai et 12 juin 1736, et retrouvés par M. Courtat dans l’étude de Me Pérard, notaire à Paris, dernier successeur de Me Ballot :
    Le 17 mai, la somme due à Voltaire s’élevait à vingt-trois mille quatre cents livres, ci 
     23,400 liv.
    Le 12 juin, il accepta, pour solde, une promesse de payement de trois mille livres, exigibles par tiers, les 12 juin 1737, 1738 et 1739 ;
    Il perdit donc vingt mille quatre cents livres en signant l’acte du 12 juin 1737, ci 
     20,400 liv.
    Plus tard, sur la promesse de trois mille livres, il fit encore abandon de sept cent cinquante livres, ci 
     750 liv.
    ______________
    Il en résulta donc pour lui une perte totale de. 
     21,150 liv.
    ______________

    Dans les deux actes, le débiteur signe : Demoulin.