Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1023

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 115).

1023. — À M. DE CIDEVILLE.
À Cirey, ce 14 janvier[1].

La Mérope est partie par le coche, mon charmant ami, je n’ai que le temps de vous le dire. Qui croirait qu’à la campagne on n’a pas un quart d’heure à soi ? Mais cette campagne est Cirey. Lisez, amusez-vous avec le tendre philosophe Formont. S’il est à Rouen, qu’il vous montre mon Épître sur l’homme ; montrez-lui la vôtre. Puissent mes écrits servir au moins à vos amusements ! tout cela n’est point fait pour être public ; eh ! qu’importe ce malheureux public ? les amis sont tout, il faudrait n’écrire que pour eux. Vous avez perdu un ami bien aimable ; que ne puis-je vivre avec vous, et adoucir par mes soins les regrets de sa perte ! Faut-il que nous soyons destinés à vivre loin l’un de l’autre ! il me semble que j’en vaudrais mille fois mieux si je vivais avec vous. J’ai peur d’avoir embrassé trop d’étude ; ma santé succombe, mes pas bronchent dans la carrière ; soutenez-moi par vos avis, et par les marques d’une amitié qui fera toujours ma consolation la plus chère.

Mme du Châtelet vous fait bien des compliments. Je vous embrasse, mon cher ami.

  1. L’original de cette lettre est ainsi daté ; il est adressé à M. de Cideville, ancien conseiller au parlement, à Rouen : ce qui indique que l’ami de Voltaire, suivant les conseils de ce philosophe, avait quitté la carrière de la magistrature. (Cl.)