Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1027

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 119-120).

1027. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
Ce 16 janvier.

Mon cher ange, envoyez chercher Berger ou le chevalier de Mouhy. Dites-leur ce qu’il faut que je sache ; je crains les fausses démarches ; ne vous donnez pas la peine d’écrire, mais faites-moi écrire. Vous recevrez par Thieriot vers et prose pour votre amusement.

Cirey baise vos ailes. Envoyez, je vous prie, à M. Hérault la lettre du sieur Dulion, et faites-m’en tenir une copie. Mandez-nous comment vous aurez trouvé le cachet du paquet qui vous parviendra par Thieriot. Je vous demande en grâce de lui faire sentir combien sa conduite a été irrégulière, combien Mme du Châtelet a dû être outrée de sa lettre ostensible, dans laquelle il démentait ses anciennes lettres sur Desfontaines, et faisait le petit ministre là où il ne devait être qu’ami, combien il est mal d’avoir envoyé sa lettre au prince. Vous pouvez le gronder et lui plaire, car je vous connais. Je vous embrasse avec la plus vive tendresse.

P. S. Faites rage auprès de M. Hérault. Sans doute vous avez donné ma lettre à M. Defresne.

Je rouvre ma lettre, mon cher ange gardien, pour vous dire qu’en pareille affaire rien n’est à négliger ; qu’il faut absolument que ce Thieriot respecte au moins d’anciens bienfaits et une vieille amitié ; qu’il aille chez M. Hérault, qu’il y soutienne sa lettre du 16 août 1726, où il accuse Desfontaines du libelle intitulé Apologie ; qu’il voie Déon ; en un mot, qu’il me serve, Il le doit, et vous pouvez lui faire entendre que c’est le seul moyen de plaire au prince, dont il attend sa fortune. Tournez cette âme de boue du bon côté.

Je me flatte que M. de Pont-de-Veyle a bien voulu parler fortement à M. de Maurepas. J’ai écrit à Barjac[2], mon ami ; au curé de Saint-Nicolas, ami de M. Hérault ; à M. Dufaï, qui le voit souvent ; à Mme la princesse de Conti, accusée de protéger Desfontaines ; à M. de Locmaria, soupçonné de pareille horreur ; à Silva, à M. de Lézeau et à M. d’Argenson. Je mourrai, ou j’aurai justice. Ora pro nobis.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Premier valet de chambre du cardinal Fleurv.