Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1049

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 147-148).

1049. — À M. LÉVESQUE DE BURIGNY[1].
Janvier.

J’ai bien des grâces à vous rendre, monsieur, de tous vos bons documents ; il faudrait avoir l’honneur de vivre avec vous pour mettre fin à la grande entreprise à laquelle je travaille. Je suis malheureusement détourné de mes travaux et persécuté dans ma retraite par la haine de certains écrivains, par la calomnie, par la plus cruelle ingratitude. Je ne me plains point de l’abbé Desfontaines, il fait son métier : il est né pour le crime ; mais qu’ai-je fait à M. de Saint-Hyacinthe ? L’abbé Desfontaines cite un libelle de lui contre moi ; je ne sais ce que c’est ; j’en crois M. de Saint-Hyacinthe incapable ; il est votre ami, et un homme honoré de l’amitié d’un homme aussi estimable que vous ne peut écrire un libelle diffamatoire. Il est de l’honneur de M. de Saint-Hyacinthe de s’en disculper. J’ose espérer qu’une âme comme la vôtre l’intéressera à se laver de cet opprobre. Voudrait-il se mettre au rang de ceux qui déshonorent les belles-lettres et l’humanité ? Voudrait-il partager hautement la scélératesse de l’abbé Desfontaines, et outrager ma famille, une famille d’honnêtes gens, nombreuse, et pouvant se venger ? Je me flatte, monsieur, que vous préviendrez les suites éternelles qui peuvent en résulter ; je vous le demande au nom de l’estime qui m’attache à vous depuis si longtemps. Je suis, avec un zèle infini, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

  1. Jean-Lévesque de Burigny (dont il est déjà parlé plus haut, lettre 950), était né en 1692, et mourut en 1785. Il était membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et auteur de plusieurs savants ouvrages. Le plus intéressant pour un éditeur de Voltaire est sa Lettre de M. de Burigny à M. l’abbé Mercier, abbé de Saint-Léger de Soissons, sur les démêlés de M. de Voltaire avec M. de Saint-Hyacinthe ; Londres (Paris), Valade, 1780, in-8o, d’où j’ai extrait cette lettre (qui y est sans date) ainsi que celles du 4 février suivant, et du 14 février 1757. (B.)