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Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1066

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 165-167).

1066. — AU CHANCELIER D’AGUESSEAU[1].
Cirey, ce 11 février.

Monseigneur, je commence par vous demander très-humblement pardon de vous avoir envoyé un si gros mémoire ; mais je crois avoir rempli le devoir d’un citoyen, en m’adressant au chef de la justice et des belles-lettres, pour obtenir réparation des calomnies de l’abbé Desfontaines. Je ne dois parler ici que de celles dont j’ose vous présenter les réfutations authentiques que voici.

Mme de Champbonin, ma cousine, a les originaux entre ses mains ; elle aura l’honneur de les présenter à monseigneur.

1° La copie d’une partie de la lettre[2] de l’abbé Desfontaines, signée de lui, par laquelle il convient de mes services, et par laquelle il est démontré que monsieur le lieutenant de police, loin de lui demander pardon de l’avoir enfermé à Bicétre, exécuta l’ordre mitigé du roi, par lequel il fut exilé, etc. ;

2° La lettre de Mme de Bernières, qui prouve que tout ce que Desfontaines avance sur feu M. de Bernières et sur mes services est calomnieux ;

3° Extraits des lettres[3] du sieur Thieriot, qui confirment que l’abbé Desfontaines fit, au sortir de Bicêtre, un libelle intitulé Apologie de V. ;

4° Une lettre[4] de Prault fils, libraire, qui prouve que, loin d’être coupable des rapines dont l’abbé Desfontaines m’accuse, j’ai toujours eu une conduite opposée ;

5° L’attestation du sieur Demoulin, négociant, dont les registres prouvent que, loin de mériter les reproches de Desfontaines, j’ai fait au moins le bien qui a dépendu de moi ;

6° L’attestation d’un jeune homme de lettres, qui, ayant été du nombre de ceux que ma petite fortune m’a permis d’aider, s’est empressé de donner ce témoignage public, que jamais je ne produirais si je n’y étais forcé.

Enfin, monseigneur, je suis traité, dans le libelle de Desfontaines, d’athée, de voleur, de calomniateur. Tout ce que je demande, c’est un désaveu authentique de sa part, désaveu qu’il ne peut refuser aux preuves ci-jointes.

[5]Je n’implore point vos bontés, monseigneur, pour son châtiment, mais pour ma justification.

Je vous supplie, monseigneur, de considérer que je ne suis point l’auteur du Préservatif ; qu’il a été fait en partie sur une de mes lettres qui courut manuscrite en 1736, et que l’abbé d’Olivet montra même à Desfontaines pour l’engager à être sage. Je n’ai jamais fait de libelle ; je cultive les lettres sans autre vue que celle de mériter votre sufrage et votre protection,

Pour l’abbé Desfontaines, il n’est connu que par le service que je lui rendis et par ses satires. M, d’Argental a encore entre les mains l’original d’une lettre qui prouve que l’abbé Desfontaines fit un libelle contre moi, dans le temps même qu’il était condamné à la chambre de l’Arsenal pour la distribution d’une feuille scandaleuse, en 1736.

Vous savez, monseigneur, qu’il s’est joint en dernier lieu au sieur Rousseau, et qu’il a rempli son libelle de nouveaux vers satiriques de cet homme ; vous savez à quel point ces vers sont méprisables de toutes façons.

Il ne m’appartient pas de vous en dire davantage ; je soumets mes ressentiments à votre équité et à vos ordres.

Je suis avec un profond respect, monseigneur, etc.

  1. Voyez son article, tome XIV, page 59 ; et aussi tome XXII, page 398.
  2. Voyez, tome XXXIII, la lettre 110.
  3. Voyez ces extraits, tome XXIII, papes 39 et 63.
  4. Cette lettre de Prault est adressée à Mme de Champbonin ; nous l’avons donnée plus haut, sous le n° 1039.
  5. Toute cette fin a été publiée par MM. de Cayrol et François.