Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1076

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 179-180).

1076. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Ce 20 février.

Cher ange, voici une troisième fournée ; j’ai presque prévenu ou suivi tous vos avis ; je vous demande en grâce de souffrir le Mémoire à peu près tel qu’il est ; je n’ai plus de temps ; je suis au désespoir de le consumer à ces horreurs nécessaires. Au nom de Dieu, présentez-le bien transcrit à monsieur l’avocat général[1] ; je vais en envoyer un double à M. de Fresnes[2], un à M. d’Argenson[3], un à M. de Maurepas, un à Thieriot, même à M. Hérault. S’il y a quelque chose à corriger pour l’impression, je le corrigerai.

La lettre au Père Tournemine est essentielle. Helvétius raisonne en jeune philosophe hardi qui n’a point tâté du malheur, et moi, en homme qui ai tout à craindre. Les esprits forts me protégeront à souper, mais les dévots me feront brûler.

Mon cher et respectable ami, faites faire des copies du Mémoire. Je vous en conjure, n’épargnez aucuns frais ; l’abbé Moussinot a l’argent tout prêt, mon neveu est à vos ordres. Trouvez-vous des longueurs ? élaguez, disposez ; mais présenter le Mémoire est une chose indispensable.

Que j’ai d’envie de me mettre tout de bon à ma tragédie[4], et de noyer dans les larmes du parterre le souvenir des crimes de Desfontaines ! Faites un peu sentir à monsieur l’avocat généra ! l’Allégorie de Pluton[5] et du juge Sizame, et du procureur général desenfers.

Adieu ; je baise vos deux ailes,
Et me mets à l’ombre d’icelles.

  1. D’Aguesseau de Plainmon, fils du chancelier ; nommé avocat général au parlement en 1736.
  2. D’Aguesseau de Fresnes, autre fils du chancelier.
  3. Le marquis d’Argenson.
  4. Zulime.
  5. Allégorie ii, livre II, intitulée le Jugement de Pluton, par J.-B. Rousseau.