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Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1173

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 295-296).

1173. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
Bruxelles, 28 juin.

Quand je serais en Laponie, vous seriez toujours mon ange gardien. Envoyez-moi donc, à Bruxelles, vos derniers ordres pour Zulime. Que dites-vous de Rousseau, qui est allé en Hollande faire imprimer le libelle de Desfontaines ? On en a fait une édition dont toute l’Allemagne est inondée. Ce dernier trait ne doit-il pas indigner ceux qui sont à portée de rendre justice, et peut-on différer d’obliger Desfontaines à publier le désaveu nécessaire de calomnies si horribles ?

Je vous prie de me faire savoir à quoi on se détermine. Il y a six mois qu’on me lie les mains et qu’on m’empêche de publier la réponse la plus modérée et la plus décisive, dans l’espérance d’un équivalent qui n’est pas encore venu. Je vous avoue que, sans votre amitié, je n’aurais pas la force de résister à tant d’amertumes. Mettez-moi donc un peu au fait de cette affaire, mon respectable ami ; mais n’oubliez pas la tendre Zulime ; elle m’est chère depuis que vous vous y intéressez. Je la recoiffais un peu à la hâte dernièrement ; mais j’étais pressé, il fallait partir. À présent que je me sens un peu plus de loisir, je la remettrai à sa toilette ; mais c’est le miroir de la vérité qu’il me faut, et c’est vous qui l’avez.

Si vous voulez m’écrire sous le couvert de Mme la marquise du Châtelet, à Bruxelles, à l’Impératrice, vous êtes le maître : sinon, vous pouvez vous servir de l’adresse du chevalier de M… ; il vous la donnera.

Mme du Châtelet vous fait les plus tendres compliments. Mille respects, je vous prie, à Mme d’Argental, à monsieur votre frère, et à MM. d’Ussé : c’est presque tout ce que je regrette à Paris, et je n’y reviendrai jamais que pour vous. Adieu, mon respectable ami.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.